Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Cette loi déshumanise les exilés

Asile et immigration : explication de vote -

Par / 26 juin 2018

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est une toile de fond bien sinistre qui s’est déployée lors de la discussion de ce texte au Sénat.

À l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, The Guardian a publié un cahier d’une soixantaine de pages contenant la liste de 34 361 migrants et réfugiés morts depuis 1993 en essayant de pénétrer la « forteresse Europe ». D’outre-Atlantique, nous sont parvenues des images effarantes de camps de rétention, où des enfants séparés de leurs parents sont enfermés en cage, nourrissons compris.

En Méditerranée, après avoir parcouru 1 500 kilomètres et être passés à 7 kilomètres des côtes françaises, 629 migrants, ballotés sur la « grande bleue », ont finalement trouvé refuge à Valence, en Espagne, la semaine dernière.

Dimanche dernier, la tragédie se répétait avec le bateau Lifeline, dont dépend le sort de 239 migrants, quatre d’entre eux étant des bébés, n’ayant nulle part où débarquer, sauf peut-être à Malte, vient-on d’apprendre.

M. Stéphane Ravier. Prenez-les chez vous !

Mme Éliane Assassi. À l’échelon européen, au mini-sommet informel sur l’accueil des migrants d’avant-hier, en attendant le Conseil européen de jeudi et de vendredi prochains, l’heure était à savoir s’il fallait enfermer les migrants dans les pays d’origine – position de l’Autriche et de l’Italie – ou dans les pays ne les accueillant pas – position franco-allemande.

En 2015, la question posée à l’échelon européen était : comment répartit-on les réfugiés ? Aujourd’hui, avec pour boussole la position de gouvernements conservateurs alliés aux néo-fascistes, on se demande : comment les empêche-t-on d’arriver ?

Le Président Macron fait le grand écart : à Bruxelles, il sermonne les États anti-migrants et, en France, il bloque les ports. C’est l’hôpital qui se fiche de la charité ! (MM. Philippe Dallier et Jacques Grosperrin s’exclament.)

En réalité, le pays des droits de l’homme s’échappe et tend à se refermer sur lui-même dans un double objectif : montrer aux migrants qu’il ne faut surtout pas demander l’asile en France ; rassurer les électeurs ou sympathisants d’extrême droite, puisque les conditions sont créées pour bafouer le droit d’asile et mettre à mal l’accueil de migrants à tout autre titre.

Avec un objectif légèrement différent, mais en tout cas avec les mêmes finalités, la majorité sénatoriale a fait adopter l’instauration de quotas qu’évaluerait chaque année le Parlement, sans se soucier réellement des causes profondes qui conduisent à ce monde de migrations et de réfugiés.

A été actée la disparition de l’aide médicale d’État, remplacée par un dispositif d’urgence, au moment même où Médecins du monde et le centre Primo-Levi ont publié un rapport sur les traumatismes dont souffrent les exilés, aggravés par l’errance qui leur est infligée en France – tentatives de suicide, automutilations, décomposition, addictions et développement de troubles psychiatriques.

Le délit de solidarité, quelque peu assoupli par l’Assemblée nationale, qui avait exempté de poursuites les personnes qui apportent une aide à la circulation aux migrants, a été rétabli dans sa version existante, continuant ainsi à criminaliser ceux d’entre nous qui apportent en toute fraternité aide et soutien aux exilés.

Un amendement adopté est, selon nous, particulièrement grave : il ouvre une brèche dans le droit du sol à Mayotte. Nous espérons que la commission mixte paritaire échouera précisément sur ce point et qu’un projet de loi en bonne et due forme permettra la tenue d’un vrai débat et la présentation par le Gouvernement de son ambition pour résoudre la crise qui sévit dans ce département français, sans remettre en cause notre droit de la nationalité.

Enfin, en matière de rétention, derrière sa cape de « défenseur des libertés », la commission des lois du Sénat avait introduit plusieurs mesures « d’assouplissement » revenant sur la disposition phare de Gérard Collomb, qui portait à 90 jours la durée maximale de rétention, et rétablissant le droit existant.

Néanmoins, en parallèle, la durée de la première phase de rétention administrative a été rallongée à cinq jours, contre quarante-huit heures actuellement. En outre, a été gravée dans la loi une durée maximale d’enfermement pour les mineurs avec leur famille de cinq jours, ce qui légalise de fait l’enfermement des mineurs avec leur famille sur notre sol.

En résumé, ce projet de loi et son examen au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale, n’ont eu de cesse que de déshumaniser les sujets dont il est question,…

M. Jacques Grosperrin. Carrément !

Mme Éliane Assassi. … à savoir les exilés, cette « chair humaine » dont l’Italie ne veut pas.

La grande majorité des amendements du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ont été rejetés. Ils ne portaient pourtant pas une idée très révolutionnaire de notre politique migratoire ; il s’agissait simplement d’améliorer les conditions de vie et d’accueil des personnes, en respectant l’intérêt supérieur de l’enfant, en veillant notamment aux droits fondamentaux – un toit, la santé et les besoins alimentaires, ainsi que, éventuellement, les mêmes droits de recours que pour tout justiciable, et un accès facilité au travail.

En outre, ces amendements tendaient à garantir le respect des principes fondamentaux auxquels notre pays a souscrit dans sa Constitution et dans ses engagements internationaux. Dans une Europe en proie à la montée des nationalismes, la France doit prendre ses responsabilités et réaffirmer les valeurs qu’elle a toujours portées, celles qui fondent notre République.

La Banque mondiale estime à 148 millions le nombre de réfugiés climatiques à l’horizon de 2050 ; cinq millions d’entre eux pourraient venir en Europe.

M. Stéphane Ravier. Cela promet !

Mme Éliane Assassi. Nous ne pourrons pas les laisser voguer indéfiniment sur les mers et les océans, comme le souhaiteraient certains, ici.

M. Stéphane Ravier. Ben voyons !

Mme Éliane Assassi. Qu’en ferons-nous ?

M. Stéphane Ravier. Accueillez-les chez vous !

Mme Éliane Assassi. Une chose est sûre, ce projet de loi auquel nous demeurons opposés ne propose aucune issue à ce défi humanitaire.

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