Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La régulation des conflits d’intérêts en aval n’est pas suffisante

Obligations déontologiques et prévention des conflits d’intérêts des sénateurs -

Par / 6 juin 2018

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président du comité de déontologie parlementaire, mes chers collègues, abordant la question de la déontologie des sénatrices et des sénateurs, nous sommes évidemment écoutés, voire scrutés, peut-être aussi attendus.

Le texte présenté par le président du Sénat est la conséquence directe des lois dites de « moralisation de la vie politique » promulguées le 15 septembre dernier. Il reprend par ailleurs un certain nombre de dispositions déjà existantes.

Nous sommes attendus sur ces questions, ai-je dit, car notre peuple a perdu dans une large mesure confiance en le politique en général et, par ricochet, en les femmes et les hommes qui font la politique. Les premiers visés par la colère, le mépris, à tout le moins le désintérêt sont les parlementaires. Les élus locaux, les maires en particulier, échappent encore à cette vindicte, par leur proximité avec la population.

Comme je l’avais indiqué lors de mon intervention sur les textes précités, ce rejet des parlementaires prend principalement sa source dans les déceptions successives, dans les promesses non tenues. Nos concitoyennes et concitoyens attendent principalement une chose, l’amélioration de leur situation : pouvoir travailler, se loger dignement, accéder à des soins de qualité, faire faire à leurs enfants des études, quel que soit leur milieu.

Depuis maintenant des décennies, chaque fois qu’ils élisent un Président de la République et, dans la foulée, une majorité parlementaire, le même scénario se reproduit : la déception.

Les choix politiques sont donc responsables, pour une bonne part, du rejet du Parlement sur lequel surfe aujourd’hui le Président de la République pour attaquer durement celui-ci, en commençant par en réduire l’effectif, avant de contraindre les prérogatives des députés et des sénateurs. Ces lourdes attaques du chef de l’État contre le Parlement sous-tendent les projets de révision institutionnelle qui seront mis en débat dans les semaines à venir à l’Assemblée nationale et au Sénat, en septembre.

Comment ne pas y voir l’aboutissement d’un calcul ancien, quelque peu machiavélique : il s’agit de pointer du doigt une institution où s’exprime encore une opposition politique, qui argumente malgré un pluralisme abîmé, une institution où le débat républicain se mène, particulièrement au Sénat.
Comment ne pas percevoir qu’Emmanuel Macron s’appuie sur cet affaiblissement du Parlement pour tenter d’instaurer un système que certains qualifieront de post-démocratique, adapté à la mondialisation économique, un système où les intérêts privés et l’argent sont les valeurs dominantes, au détriment de l’intérêt général ?

Si l’on est convaincu de la pertinence de certaines valeurs démocratiques et républicaines, il faut résister à cette vague antiparlementaire venue d’en haut, en proposant une profonde rénovation démocratique. Nous y reviendrons lors des débats à venir.

Dans ce contexte, l’argent, valeur dominante, incontournable, de notre société, s’est mêlé à la vie politique elle-même. Les promoteurs d’intérêts privés, ce que l’on nomme les lobbies, sont présents et institutionnalisés au point que, trop souvent, les parlementaires eux-mêmes se comportent en lobbyistes.
De trop nombreuses affaires ont illustré les rapports entre politique et argent, entre élus et argent, masquant la probité de la très grande majorité de ces hommes et de ces femmes engagés pour défendre leurs idées et porter dans l’hémicycle la voix de leurs électrices et de leurs électeurs.

Cette intrusion de l’argent dans la politique n’est pas suffisamment combattue sur le fond ; ce fut d’ailleurs notre principal grief à l’encontre des réformes de l’été dernier. Elle est au contraire institutionnalisée : encadrée, certes, mais institutionnalisée.

La proposition de résolution dont nous discutons ce soir porte les stigmates de cette régulation qui ne vaut en rien interdiction.

L’organisation du système de déport proposé au travers de ce texte est emblématique à cet égard. Plutôt que de combattre en amont, avant même l’élection, les conflits d’intérêts potentiels, on organise de manière tout à fait fictive une séparation entre intérêt privé et intérêt général dans le cadre d’un même mandat, en autorisant un parlementaire à ne pas siéger ou à ne pas voter en fonction d’un conflit d’intérêts qu’il déclarerait lui-même. Ainsi, des mandats pourront être intermittents, truffés de conflits d’intérêts acceptés par l’institution…

Ce système de déport ne constitue pas un rejet du conflit d’intérêts : il en est une organisation. Qui pis est, il sera possible de se déporter, durant tout un mandat, d’un secteur législatif. Cela est-il conforme à une conception républicaine de la représentation élective ? Les électrices et les électeurs ne devraient-ils pas, pour le moins, être informés en amont de l’incapacité d’un candidat à exercer en totalité son mandat du fait de son lien avec des intérêts privés ? Si l’objectif est vraiment de restaurer l’image des élus, de manifester leur probité et leur sens de l’intérêt général, ouvrir cette possibilité de déport apparaît totalement contre-productif. Nous présenterons d’ailleurs deux amendements sur ce sujet.

La réforme de septembre 2017 a eu pour effet de rendre caduc le système de pénalisation de l’absentéisme ou du manque d’assiduité des sénatrices et des sénateurs.

Ce système – il faut le reconnaître – a produit des effets positifs. Je le constate d’autant plus sereinement que notre groupe s’est toujours signalé par un fort taux de présence.

Les nouvelles dispositions réglementaires d’ordre pécuniaire avaient donc produit un effet non négligeable. Je ne peux que regretter que cette réforme prévoie un allégement de la sanction automatique pour manque d’assiduité,…
M. Philippe Bas, rapporteur. Pas exactement.

Mme Éliane Assassi. … même si le président-rapporteur de la commission des lois a proposé, en commission, de renforcer le texte du président Larcher.
Mais la mise en œuvre, dans le cadre d’un nouveau niveau de sanction – dont l’application est seulement rendue possible –, des dispositions financières accompagnant la censure simple ou avec exclusion temporaire ne sera pas automatique. Dans les faits, la procédure ne sera que rarement mise en œuvre.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Éliane Assassi. Je vais conclure, monsieur le président.

M. François Bonhomme. On a compris !

Mme Éliane Assassi. Non, mon cher collègue, vous n’avez pas compris, car notre vote ne sera pas celui que vous imaginez sans doute : nous ne voterons pas contre ce texte ; il est probable que nous nous abstenions.

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