Dans le département

Libération de Marwan Barghouti

Par / 30 avril 2005

Lors de la Fête de l’Humanité, le directeur du journal a souhaité que le meeting traditionnel du dimanche après-midi sur la grande scène soit précédé -comme d’ailleurs en 2003- d’un moment de solidarité avec la prise de parole de personnalités emblématiques du monde politique, culturel, ou associatif d’envergure national et/ou internationale.

Rappelez-vous, cela faisait à peine trois semaines que les deux journalistes français et leur chauffeur étaient retenus en Irak et ils le sont toujours ; l’avant-veille de la Fête, s’ouvrait le procès du fils de Marwan Barghouti et cela faisait plusieurs mois que le Directeur du journal algérien « le matin » était détenu dans les geôles algériennes.

Sans oublier toutes celles et ceux qui, d’une façon ou d’une autres sont privés de leurs droits fondamentaux, parmi lesquels on ne peut exclure ceux privés de leur droit au travail ici en France. Disant cela je fais référence à toutes celles et ceux sacrifiés sur l’autel de la finance, menacés de licenciement parce que leur entreprise ferme ou parce qu’elle est délocalisée le plus souvent hors de nos frontières pour y rechercher une main d’oeuvre bon marché.

J’ai voulu d’emblée rappeler les motivations qui furent celles du Directeur de l’Humanité car elles portent l’identité même d’un journal de création communiste qui porte des valeurs universelles dont la liberté et la justice et qui, a ce titre sait engager des batailles très fortes.

Or, emprisonner un directeur de journal parce qu’il ose écrire ses vérités -et peu importe ici qu’on les partage ou non - emprisonner un leader politique au seul titre qu’il serait peut-être la main décisionnelle de possibles attentats ; arrêter son fils pour les mêmes raisons obscures, retenir en otage deux journalistes français et leur chauffeur au seul motif qu’ils seraient représentatifs de décisions prises par leur gouvernement ...... méritent ces combats.

S’agissant particulièrement de Marwan Barghouti et de la bataille qui a démarré pour sa libération, elle est née d’une rencontre entre Patrick Le Hyaric et Leïla Shahid. En effet, plusieurs comités pour la libération de M. Barghouti et celle tous les autres prisonniers palestiniens existent en Europe et dans le monde. Le souhait des responsables palestiniens c’est qu’un comité français très large, très pluraliste soit créé et qu’il fasse le lien entre tous les autres existants ou en passe de le devenir sur la planète. L’Humanité en serait le porte-voix.

C’est une grande responsabilité qui incombe au journal qui a accepté car -je l’ai dit précédemment- les valeurs de solidarité, de fraternité, de justice sont ses valeurs identitaires.

Une première réunion s’est déroulée il y a deux semaines au journal en présence de représentants de plusieurs associations, de partis politiques dont le PCF et de Leïla Shahid. Un consensus s’est dégagé pour endosser cette responsabilité et si mes informations sont bonnes nous ne devrions pas tarder à en connaître les premiers signataires dans une prochaine édition du journal.

Nous devons en effet aller très vite.

Comme vous le savez, Yasser Arafat, malade et très affaibli -notamment du fait de sa réclusion forcée dans la Moquata- est arrivé en France hier. Une fois n’est pas coutume, je crois qu’on peut se féliciter de la décision prise par Jaques Chirac d’accueillir le Président de l’Autorité palestinienne dans notre pays pour qu’il y soit soigné par les meilleurs médecins et dans les meilleures conditions possibles.

Pour autant et tout en espérant que Yasser Arafat puisse repartir le plus rapidement possible chez lui et en bonne santé- cette information pose le problème de sa succession.

Chacun sait que des dissensions existent au sein de l’Autorité Palestinienne. Cela ne servirait à rien de se les cacher.

Pour autant, je ne suis pas de celle qui pense que la maladie d’Arafat, voire sa disparition, va conduire au chao. Pour connaître un peu le terrain et pour y avoir rencontré nombre d’organisations et d’associations je sais que le peuple palestinien saura se rassembler plutôt que de se désunir. A ce titre, et quelle que soit la situation d’ici là, la préparation des élections programmées pour le mois de mars prochain devraient replacer le débat sur le fond et non sur la forme. Je crois que nous pouvons faire confiance au peuple palestinien qui -même si le gouvernement israélien et l’armée exercent à son égard une terreur d’Etat meurtrière qui vise indistinctement combattants et simples habitants, paralysant administrations, accaparant les terres et atomisant les territoires-, ce peuple palestinien sait faire preuve d’une étonnante capacité de résistance, cultive ses terres, développe la santé et l’éducation, engendre artistes et écrivains, organise la solidarité familiale et associative, et ne se laissera pas dessaisir de son avenir.

Pour en revenir à la libération de Marwan Barghouti et des autres 7 500 prisonniers politiques palestiniens enfermés dans les geôles israéliennes, ce combat qui doit être le nôtre se déroule dans un climat houleux. La maladie de Y. Arafat et son éventuelle succession y participent, mais j’évoquerais surtout les tensions extrêmes qui existent notamment dans les camps avec une présence affirmée de forces religieuses intégristes, ou encore plus généralement sur le sort fait aux réfugiés qui attendent toujours que la communauté internationale tienne sa promesse de les faire accéder à l’indépendance dans un état viable. Je pourrais évoquer également les suites que va connaître le plan d’évacuation des colonies de la bande de Gaza et la confirmation par le gouvernement israélien de la poursuite de l’occupation de la Cisjordanie et les tensions qui existent au sein du gouvernement israélien, mais aussi les conséquences de l’érection d’un mur d’apartheid qui enferme encore les palestiniens dans d’invivables ghettos. Mais j’évoque aussi comme encouragement, la mobilisation des forces de gauche et du mouvement pacifiste israéliens qui militent pour la reconnaissance de deux Etats libres et sécurisés,

S’agissant de Marwan Barghouti il faut savoir qu’il est à plus d’un titre un personnage emblématique de la lutte et de la résistance palestinienne.

Né à Ramallah, il n’a que 8 ans quand la Cisjordanie est occupée par l’armée Israélienne appelée communément le Tsahal.

A 19 ans, accusé « d’appartenance à une organisation illégale » il est déjà condamné à quatre ans et demi de prison.

Libéré en 1983, il est à nouveau arrêté en 1985 ; les autorités le placent en détention administrative pour six mois, évitant ainsi de le juger. Il est banni de son propre pays et est exilé en Jordanie, à Aman.

C’est de là-bas qu’il assiste au déclenchement de la première Intifada et joue un rôle actif de coordinateur entre l’OLP, alors basée à Tunis et la révolte des pierres.

Il entre alors qu Conseil révolutionnaire du Fath.

Il revient sur les territoires palestiniens en 1994 à la suite de l’amnistie adoptée après les accords d’Oslo.

Il est élu secrétaire général du Faht pour la Cisjordanie. Il défend activement le processus de Paix s’en faisant le propagandiste dans les camps de réfugiés et à la base.

Elu en 1996 au Conseil législatif, il s’y signale par sa dénonciation de la corruption et sa lutte pour les droits de la personne, notamment des femmes. Il forge des liens étroits avec le camp de la Paix en Israël.

En 1998, il appelle à la fin des négociations tant que se poursuit la politique de colonisation et que le gouvernement israélien refuse un retrait total des territoires occupés.

Avec le déclenchement de la seconde Intifada, qu’il définit comme une « résistance légitime à une occupation illégitime », il joue un rôle accru dans la résistance qui doit, selon lui, accompagner les négociations. « Nous avons essayé sept ans l’Intifada sans négociations, puis sept ans de négociations sans Intifada, peut-être est-il temps d’essayer les deux simultanément », résume t-il. Il organise des groupes d’autodéfense, qui mènent aussi des actions offensives contre l’armée d’occupation et les colons. On l’accuse de diriger les brigades des martyrs d’Al-Aqsa, groupe militaire clandestin proche du Fath qui mènera aussi des opérations suicide contre des civils israéliens. Ses déclarations, ses capacités d’organisation, son intégrité et son charisme permettent au Fath de rester la principale organisation palestinienne, devant le Hamas, et à la perspective qu’il défend -deux Etats côte à côte- de demeurer l’option soutenue par la majorité des Palestiniens. Il déclare ainsi : « N’oublions pas que nous, les Palestiniens, avons reconnu Israël sur 78 % du territoire historique de la Palestine. C’est Israël qui refuse de reconnaître le droit à la Palestine d’exister sur les 22 % restants, les territoires occupés en juin 1967 ».

Au mois d’août 2001, il expliquera : « Nous parlons des frontières de 1967. Nous reconnaissons Israël et nous le répétons constamment. La question n’est pas de savoir si nous reconnaissons Israël, mais si Israël nous reconnaît ».

Après avoir tenté -vainement- de l’assassiner en août 2001, Israël lance en octobre un mandat d’arrêt contre lui. Il plonge alors dans la clandestinité, jusqu’à son arrestation le 15 avril 2002, en pleine opération « Rempart » menée par Tsahal dans toute la Cisjordanie, notamment à Jénine. Accusé de terrorisme, de crime contre l’Etat d’Israël et contre le peuple juif, il comparaît à partir du 6 septembre et depuis est détenu par les autorités d’occupation comme 7 500 autres prisonniers politiques palestiniens.

On peut se demander pourquoi le Gouvernement Sharon a décidé de le faire passer en jugement plutôt que de le liquider comme il a fait assassiner des dizaines de cadres palestiniens ? Sans doute pour mettre en accusation l’Autorité Palestinienne : Barghouti est le plus haut responsable palestinien détenu en Israël et Ariel Sharon espère, à travers lui, discréditer Yasser Arafat et ses compagnons et, au-delà, l’idée même d’une solution fondée sur la coexistence égale de deux peuples et de deux Etats. « Le crime dont je suis accusé, rétorque Barghouti devant le tribunal, n’est pas le « terrorisme » -un terme apparemment utilisé uniquement pour parler des morts civils israéliens, jamais des morts civils palestiniens. Mon crime est que je revendique ma liberté, la liberté pour mes enfants, la liberté pour l’ensemble du peuple Palestinien ».

Marwan Barghouti est représentatif d’une génération qui a grandi sous occupation étrangère, participé à la première Intifada et « fréquenté « les prisons israéliennes. Cette génération a acquis dans son combat, expérience et réalisme, apprenant notamment à connaître la société israélienne. Elle s’est ralliée à une solution de compromis fondée sur la coexistence de deux Etats, mais s’est révoltée contre les impasses des accords d’Oslo. Une nouvelle génération palestinienne fait ses premières armes avec la seconde Intifada ; elle a grandi dans les ghettos des grandes villes et des camps, nés des accords d’Oslo et gérés par l’Autorité Palestinienne, sans contacts avec Israël -sinon à travers ses soldats et ses colons. Plus désespérée et plus radicale que ses aînés, elle risque de basculer durablement dans la violence et le refus de tout compromis. Elle se reconnaît pourtant encore dans Marwan Barghouti qui pourrait, selon certains observateurs, devenir le Nelson Mandela de la Palestine.

Même si Barghouti est emprisonné, Sharon mène contre lui une campagne de démonisation lui faisant porter la responsabilité -entre autres accusations- de la militarisation de l’Intifada et d’actes terroristes.

Faisant cela, il fait ressurgir chez les israéliens des peurs et des craintes aiguisées depuis le 11 septembre 2001 et les guerres en Afghanistan et en Irak.

Cette campagne rondement menée grâce à plusieurs supports de communication, laisse des traces notamment chez les Israéliens qui ne partagent pourtant pas les choix politiques de Sharon.

Depuis sa mise en isolement total, Marwan Barghouti est affaibli physiquement et psychologiquement surtout que sont fils est également emprisonné.

Rappelons qu’il a été condamné à cinq fois la perpétuité et deux fois vingt ans.

Ce verdict démesuré ne lui a pourtant pas ôté sa force alors qu’il est très affaibli physiquement et psychologiquement surtout depuis que son fils est emprisonné.

Il n’a pas non plus entamé ses convictions politiques, lui qui dit fort justement « Ce n’est pas seulement M. Barghouti qui a été condamné, c’est aussi Yasser Arafat et tout le peuple palestinien » et il ajoute « la lutte continue car la résistance à l’occupation est le plus court chemins vers la liberté ».

Je disais précédemment que la jeunesse palestinienne se reconnaissait encore dans la personnalité de Marwan Barghouti mais plus que cela, un sondage récent réalisé en Palestine montre qu’il est le deuxième homme politique après Arafat reconnu par les Palestiniens.

Il y a donc urgence, au regard de la situation rapidement décrite, qu’il soit libéré tout comme les autres prisonniers politiques.

Les Palestiniens souhaitent que le Comité français soit le conducteur d’une campagne internationale.

C’est une grande responsabilité et un grand honneur qu’ils nous font. Ne les décevons pas ; engageons nous avec d’autres organisations politiques de gauche, le mouvement associatif, le monde du travail et celui de la création et plus largement tous les citoyens dans la construction de ce comité et dans la prise d’initiatives qui peuvent trouver de l’écho.

La JC, l’UEC ont là une partition particulière à jouer tant ce sont des organisations qui, outre leurs engagements depuis de longues dates pour la justice, la liberté, la solidarité et pour la paix, peuvent eux aussi être des porte-voix auprès de jeunes qui sont à la fois en recherche de perspectives politiques en France et dans le monde et en recherche de combats visibles et qui ont du sens.

A l’heure où d’autres veulent occuper le terrain en brandissant le spectre de la religion et font du prosélytisme à tout crin sous prétexte justement de manque de perspective mais qui conduit à des replis communautaires et des identifications symboliques, le combat pour la libération de Marwan Barghouti peut en effet trouver de la résonance en s’appuyant sur les valeurs qu’il défend, pour lesquelles il est emprisonné et dans lesquelles nous nous retrouvons comme peuvent s’y retrouver des milliers de personnes.

En menant le combat pour sa libération, en y intégrant des objectifs politiques clairs nous pourrons faire entendre une voix puissante pour le règlement de la situation au Proche-Orient.

Nous pourrons également exiger que l’Europe occupe une position clé non seulement pour faire valoir son point de vue autrement qu’en paroles, mais aussi pour qu’elle impose d’une part aux pays arabes de participer à des procédures de médiation et d’autre part pour qu’elle pèse face aux Etats-Unis qui protègent le gouvernement Israélien.

Au-delà de la libération de Marwan Barghouti et des 7 500 prisonniers politiques, nous sommes devant un combat fondamental pour l’avenir du peuple Palestinien et pour l’avenir du peuple Israélien.

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