Dans le département

Pauvreté dans le monde : quelle réponse politique en terme de partage de la ressource ?

26 février 2006

Samedi 25 février, le comité catholique contre la faim et pour le développement de Seine et Marne organisait à Nangis un forum autour des objectifs du millénaire pour le développement. A cette ocassion, Michel billout a apporté un éclairage politique, insistant sur la nécessité d’une plus juste répartition des ressources et des richesses :

"Ces objectifs du Millénaire pour le développement, qui vont de la réduction de moitié de l’extrême pauvreté à l’éducation primaire pour tous, en passant par l’arrêt de la propagation du VIH/sida, et ce à l’horizon 2015, constituent un schéma directeur pour l’avènement d’un monde meilleur. Pour y parvenir, je pense qu’une intervention politique forte est indispensable afin de répartir de manière plus juste et équitable l’ensemble des ressources, qu’elles soient naturelles ou qu’elles proviennent de l’activité humaine.

De fait, je ne partage pas le point de vue de la Commission européenne qui, dans son rapport
Intermédiaire sur les OMD, indique : « la libéralisation du commerce devrait être le moyen pour atteindre l’objectif ultime de réduire la pauvreté ». Je pense au contraire qu’il revient au politique d’intervenir pour imposer l’instauration de règles commerciales équitables et transparentes, mettre fin à des pratiques de dumping et de mécanismes de dérégulation des marchés afin d’assurer un revenu digne aux plus pauvres, reconnaître le droit à la protection des marchés pour les produits agricoles et industriels, préserver les services publics, en arrêtant d’imposer à ces pays des mesures de privatisation et de libéralisation contraires à leurs intérêts.

Aussi, avant toute nouvelle vague de libéralisation, j’estime que des études d’impact des politiques successives de libéralisation (GATT, OMC, traités bilatéraux de libre échange) devraient être préalablement menées.

Les conséquences de la libéralisation des marchés d’un certain nombre de produits, notamment agricoles, posent également le problème de l’appauvrissement accru des populations les plus marginalisées.
En libéralisant le secteur agricole et en généralisant toujours plus le modèle productiviste, ce sont près de 2,8 milliards de personnes dans le monde qui sont directement et indirectement menacées de sortir définitivement de l’agriculture, sans pour autant pouvoir espérer s’insérer dans d’autres secteurs d’activités.

Aussi je pense que des mesures politiques sont à prendre au niveau européen et mondial :

 Promouvoir des accords commerciaux spécifiques, aux niveaux multilatéral comme régional ou bilatéral, permettant aux pays en développement concernés de mettre en place des espaces économiques régionaux, de se protéger d’une concurrence insoutenable pour les acteurs économiques nationaux, de développer des politiques nationales ou régionales économiques et commerciales adaptées à leur situation particulière et d’introduire dans ces accords des régimes préférentiels.

 Favoriser la mise en œuvre de mécanismes de régulation des marchés. La question de la stabilisation et surtout, de la remontée des prix des produits agricoles, qui ont une incidence directe sur la capacité de millions de paysans de vivre de leur travail, doit être placée au cœur de l’action de la France et de l’Union européenne. Celle-ci doit notamment soutenir les pays dans la mise en œuvre de politiques de gestion de l’offre, en vue de garantir et maintenir un prix juste aux produits agricoles.

Le partage équitable de la ressource pour les paysans comme pour l’ensemble des hommes, des femmes et des enfants de notre planète nécessite bien évidement un arbitrage politique international.

L’eau devient un bien de plus en plus rare. La quantité d’eau disponible par tête est passée de 12 900 m3 en 1970 à moins de 7 000 aujourd’hui et descendrait à 5 100 m3 en 2025. Cela ne résulte pas seulement d’une inégale répartition des ressources naturelles. L’inégalité en matière d’accès à l’eau - comme d’accès à l’énergie - est probablement le signe le plus criant de la fracture Nord-Sud. Aujourd’hui, 1,1 milliard d’êtres humains n’a pas accès à une eau salubre ; 1,6 milliard d’êtres humains n’a pas accès à l’énergie autrement que par le bois de chauffe. L’eau, la santé, l’éducation, l’énergie, les droits sociaux et humains doivent devenir des droits fondamentaux de l’espèce humaine et non être considérés comme des bien marchands comme les autres, réservés à ceux qui ont les moyens de se les payer.

J’estime que nous devons obtenir dans un premier temps un moratoire sur l’AGCS, tant qu’une étude préalable et indépendante des libéralisations antérieures n’aura pas été menée, et exclure du champ des négociations les services touchant directement à la satisfaction des droits sociaux.

Améliorer l’APD :

nous devons également améliorer de manière quantitative et qualitative l’aide publique au développement (APD) : dans les années 1960, les pays riches s’étaient engagés à consacrer une petite portion (1%) de leurs revenus à l’aide au développement.
En 2003, seuls cinq pays d’Europe du Nord tenaient leur engagement, tandis qu’en moyenne, les pays de l’OCDE ne consacraient que 0,24 % à l’APD, 0,43% pour la France. Et encore faut-il savoir qu’un tiers de l’APD de la France est constituée d’annulations de dettes qui ont surtout servi les intérêts politiques et économiques de l’Hexagone et d’une élite africaine corrompue, au détriment des populations. A ce titre, pour lutter contre le détournement des aides, il faut en finir avec las paradis fiscaux et ne plus permettre l’évasion fiscale.

La France est aussi l’un des seuls pays (avec l’Allemagne, l’Autriche et le Canada) à inclure dans l’APD les coûts imputés aux étudiants de pays du Sud inscrits dans les universités françaises. Ces coûts s’élevaient en 2002 à 562 millions de dollars, soit près d’un dixième de l’APD française (six fois plus que l’aide consacrée à l’éducation primaire dans les pays concernés) - sans même parler de l’inclusion des subventions à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (à hauteur de près de 50 millions d’euros).
A l’OCDE, où les bailleurs définissent le périmètre de l’APD, la tentation est même grande, pour s’approcher des 0,7% à moindre coût, d’inclure des dépenses à caractère sécuritaire (opérations de maintien de la paix) ou environnemental (mécanismes de développement propres mis en place suite au protocole de Kyoto).

Ces débats sont indécents, surtout en l’absence des principaux concernés, les pays du Sud. La France doit demander la redéfinition du périmètre de l’APD, afin que n’y soient incluses que les dépenses qui servent véritablement au développement. Ce débat doit avoir lieu non pas au sein de l’OCDE, entre donateurs, comme c’est le cas aujourd’hui, mais sous l’égide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

J’insiste sur ce point car lorsque l’aide est réellement mise au service du développement,les exemples ne manquent pas où elle apporte des résultats, notamment via les organisations locales : scolarisation primaire massive dans certains pays africains, généralisation des vaccinations, infrastructures facilitant l’accès des petits paysans aux marchés régionaux en Ethiopie, renforcement des systèmes judiciaires, soutien aux processus de réconciliation post-conflit au Mozambique ou au Guatemala, promotion féminine et des Indiens dans la région andine, etc.

Malheureusement, l’APD est encore trop souvent pensée comme un outil de politique étrangère, gouvernée par une stratégie d’influence, de rayonnement culturel et/ou d’expansion économique.

Et comme souvent, la fin justifie ici tous les moyens : l’aide est ainsi majoritairement utilisée, à travers les institutions financières internationales, comme levier pour imposer aux pays du Sud l’ouverture totale de leurs économies et la privatisation de nombreux secteurs, y compris dans les domaines sociaux, voire régaliens comme la sécurité ou la gestion de l’impôt.

Pour une autre redistribution des richesses, l’aide internationale ne suffit pas. Une nouvelle solidarité financière et fiscale doit permettre de redistribuer une partie des richesses produites et de soutenir les services essentiels, clés de la réussite des objectifs du Millénaire pour le développement. Des taxes sur les principaux bénéficiaires de la mondialisation (bénéfices des firmes multinationales, transactions financières, paradis fiscaux et judiciaires) et celles sur ses méfaits (taxes environnementales), apparaissent comme des mesures de justice, bénéficiant d’un large soutien de l’opinion publique, si j’en crois un Sondage BVA pour le CCFD, le journal « La Croix » et France Info, réalisé en octobre 2004. Je regrette que la France n’ai pas poursuivi dans cette voie et préféré à la taxation des transactions financières, celle des billets d’avions....

Sortir de la dette

je voudrai conclure mon propos en disant un mot de la dette des pays du sud, résultat d’une politique d’endettement aussi irresponsable de la part des gouvernements des pays créanciers que de la part de ceux des pays débiteurs. Or, seules les populations des pays débiteurs en ont assumé le coût, au prix de millions de vies humaines : le remboursement de la dette prive en effet les Etats de ressources nécessaires au financement des secteurs sociaux essentiels. Aujourd’hui, nombre de pays croulant sous une dette impayable ne seront même pas en mesure de réaliser les OMD.

La mise en place d’un partenariat mondial pour le développement implique à la fois la reconnaissance par les créanciers de leurs responsabilités, en annulant la dette, et le rééquilibrage des pouvoirs entre créanciers et débiteurs dans la gestion de la dette, vers des règles équitables et transparentes pour tous.
L’annulation de la dette est, à mon sens, une condition sine qua non à la réalisation des OMD : elle doit être totale pour les plus pauvres, substantielle pour les pays à revenu intermédiaire, dans une logique d’équité."

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Bio Express

Éliane Assassi

Sénatrice de Seine-Saint-Denis - Présidente du groupe CRCE
Membre de la commission des Lois
Elue le 26 septembre 2004
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