Affaires économiques
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Avec les ZTI, le travail du dimanche sera la règle et non plus l’exception
Loi Macron : Article 72 -
Par Éliane Assassi / 4 mai 2015Cet article, qui vise à créer des zones touristiques internationales, ou ZTI, introduit dans le code du travail de nouvelles dérogations au repos dominical et au travail de nuit. Il s’agit toutefois de dérogations permanentes : le travail le dimanche sera la règle, et non plus l’exception ; le travail jusqu’à minuit sera possible tous les jours dans les commerces situés dans ces futures zones.
Ces dernières seront définies par les ministres du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire, du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales des salariés intéressés.
Quels sont les critères retenus ? Il s’agit du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats. Ces critères, ajoutés par l’Assemblée nationale, restent flous. À quelle aune mesurera-t-on ce rayonnement ? Quand une affluence de touristes, de surcroît résidant hors de France, sera-t-elle jugée exceptionnelle ? Comment sera quantifiée l’importance des dépenses ?
Paris est évidemment visé : nous savons tous que cet article permettra de contourner le refus du Conseil de Paris, réaffirmé encore récemment, d’étendre les actuelles zones touristiques.
Ces futures ZTI pourraient ainsi couvrir non seulement l’avenue des Champs-Élysées, la rue du Faubourg-Saint-Honoré, la place de l’Opéra, la place Vendôme, la rue des Franc-Bourgeois, l’avenue Montaigne et le quartier Saint-Germain, mais aussi les grands magasins du boulevard Haussmann. Ces derniers seront les grands gagnants d’une disposition taillée sur mesure, eux qui réclament depuis longtemps cette possibilité, mais qui se heurtent, en interne, à l’opposition des syndicats des personnels. Voilà donc levé un deuxième obstacle !
J’ajouterai que cette vision ne correspond pas à la réalité du tourisme international à Paris, où les étrangers extra-communautaires ne restent pas qu’une seule journée : du fait de la fermeture des musées le mardi, les tour-opérateur consacrent souvent cette journée aux activités de shopping.
On nous dit que le nombre de ces zones sera limité, mais les destinations touristiques du bord de mer – nombreuses en France – sont également évoquées. On peut donc craindre un phénomène de « contagion » et de mise en concurrence des communes.
Le projet de loi prévoit que ces zones seront déterminées après avis des acteurs concernés, notamment des communes et des organisations syndicales. Reste qu’il s’agit seulement d’un avis, c’est-à-dire que celui-ci n’a aucun caractère contraignant.
Vous le voyez, mes chers collègues, les arguments en faveur de la création de ces ZTI, que l’on pourrait requalifier en « zones de travail intensif », ne sont pas convaincants. Les conséquences en sont bien trop lourdes, non seulement en termes de déséquilibre entre vie au travail et vie familiale et sociale, mais aussi pour la santé des salariés concernés.