Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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23 % des Français renoncent à des soins pour des raisons financières

Réforme de l’hôpital : conclusions de la CMP -

Par / 13 juillet 2011

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au fil des débats, la proposition de loi présentée par M. Fourcade a pris beaucoup d’ampleur ; elle s’est élargie à un nombre important de sujets.

Pourtant, même à l’issue de son examen en seconde lecture puis en commission mixte paritaire, elle ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons d’une loi utile pour nos concitoyens. Or notre mission est d’adopter des lois utiles, c’est-à-dire qui répondent aux besoins réels, que nous constatons tous localement, des femmes et des hommes de notre pays.

Au cours de la seconde lecture, madame la secrétaire d’État, vous nous avez reproché de faire peur à nos concitoyens et de nous préoccuper seulement de la question des dépassements d’honoraires.

Il est vrai que nous avons fait le choix de consacrer la majorité de nos amendements et de nos interventions à cette question, ainsi qu’à celle de la désertification médicale.

Toutefois, il ne s’agissait pas de faire peur à nos concitoyens, qui n’ont d’ailleurs pas besoin que nous le fassions : ils sont déjà grandement préoccupés par un sujet qui a des conséquences réelles sur leur vie quotidienne.

Vous n’êtes pas sans savoir que, selon le baromètre européen Cercle Santé – Europe Assistance, 23 % des Français ont renoncé à des soins pour des raisons financières en 2010 : il s’agit d’une véritable explosion par rapport au taux enregistré l’année précédente, qui s’élevait tout de même à 11 %.

Devant ces résultats accablants, votre prédécesseur a tenté de discréditer ce sondage. Comme l’a souligné la journaliste Clotilde Cadu, Mme Roselyne Bachelot, sceptique en raison du nombre de personnes sondées, ne s’en est pas moins réjoui des résultats enregistrés par le même sondage au sujet de la qualité du système français de santé… Ainsi, lorsqu’il s’agit des renoncements aux soins, le sondage ne serait pas crédible, mais il le deviendrait subitement lorsque ses résultats vous sont favorables ! Chacun appréciera.

Quant aux dépassements d’honoraires, qui contribuent bien entendu à l’exclusion du parcours de soins de nos concitoyens les plus modestes, ils connaissent également une explosion : selon la sécurité sociale, ils ont atteint la somme astronomique de 2,5 milliards d’euros en 2010. C’est sans doute l’application de la notion de « tact et mesure » qui rend cette situation possible. Aussi faut-il la remettre en cause.

Selon l’assurance maladie, les spécialistes du secteur 2, en particulier les gynécologues, chirurgiens, ophtalmologues et pédiatres, sont les professionnels qui recourent le plus aux dépassements d’honoraires. Et pour cause : ils ont le droit de fixer eux-mêmes les tarifs de leurs prestations. C’est ainsi que le taux de dépassement atteint presque aujourd’hui les 55 %, contre 35 % dans les années 1990 !

Cette situation affecte singulièrement nos concitoyens les plus pauvres : plus les médecins pratiquent des dépassements d’honoraires, plus les patients sont invités à recourir à des complémentaires qui intègrent ces derniers et qui sont par conséquent plus chères. Ces pratiques remettent en cause la notion de solidarité sur laquelle repose notre système de protection sociale. Elles rendent l’assurance maladie de plus en plus inefficace.

Par ailleurs, le Gouvernement amplifie lui-même le mouvement qui tend à faire supporter par les seuls patients les efforts qui devraient être partagés par la nation. Je songe ici aux deux décrets que vous avez pris, madame la secrétaire d’État, et qui aboutissent à retirer l’hypertension artérielle, ou HTA, sévère de la liste des affections de longue durée, ou ALD, qui ouvrent droit à une prise en charge à 100 %.

Nous l’avions déjà dit à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 : avec de telles méthodes, la notion d’ALD est traitée comme un simple moyen de réduire les dépenses sociales. Cette décision purement économique pèsera sur les budgets des ménages.

Nous considérons par ailleurs, à l’instar du collectif interassociatif sur la santé qui a saisi le Conseil d’État conjointement avec l’association Alliance cœur, que ces décrets sont en totale contradiction avec les choix ayant présidé à l’élaboration du plan d’actions national « accidents vasculaires cérébraux 2010-2014 » publié par le ministère chargé de la santé il y a seulement quelques mois.

C’est d’autant plus vrai que cette mesure, madame la secrétaire d’État, est la quatrième du genre. Il y a d’abord eu, en janvier 2011, la baisse du remboursement des médicaments à vignette bleue et des dispositifs médicaux. Il y a eu ensuite, en février 2011, l’augmentation de la part supportée par l’usager dans le cas des actes médicaux dont le tarif est compris entre 91 et 120 euros. Il y a eu enfin, en mars 2011, la restriction des conditions de prise en charge des frais de transport pour les malades souffrant d’une affection de longue durée.

Comprenez que les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG, et plus largement les citoyens, n’acceptent pas que vous renonciez à contraindre les médecins à quelques efforts tarifaires !

Notre colère est également grande pour ce qui touche à la désertification médicale. En effet, vous avez supprimé toutes les contraintes pesant sur les professionnels de santé : parce que votre majorité n’aura pas voulu contraindre les médecins, des pans entiers de territoires, et donc de nombreux patients, devront subir les déserts médicaux pendant encore des années !

Comme toujours, vous en appelez à des mesures incitatives. Mais celles-ci ne sont pas efficaces. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les différents atlas de la démographie médicale et de les mettre en rapport avec l’utilisation des crédits alloués aux aides à l’installation. Alors que certaines d’entre elles peuvent représenter un revenu supplémentaire allant jusqu’à 25 000 euros, leurs bénéficiaires sont bien rares. Non pas parce que les critères sont trop restrictifs, mais parce que, tout simplement, il n’y a aucun demandeur.

Dans ces conditions, que faut-il faire ? Continuer à en appeler au volontarisme ? Ou bien considérer, comme il fut fait pour les infirmiers, que la satisfaction des besoins de santé prime sur la liberté d’installation des professionnels libéraux, ceux-ci tirant d’ailleurs la majorité de leurs revenus des salaires socialisés que sont les remboursements versés par la sécurité sociale ? Pourquoi ce qui a été possible et se révèle efficace pour les infirmiers serait-il impossible pour les médecins libéraux ?

À propos de l’installation des jeunes médecins, qui est un problème fondamental, cette proposition de loi manque d’ambition. Elle est en décalage complet avec les aspirations que ces derniers expriment : alors que la majorité d’entre eux se déclarent favorables à un exercice regroupé et coordonné de la médecine, la seule solution que vous proposez est la création d’une nouvelle forme de société de moyens. Or cette formule consiste à faire exercer plusieurs professionnels dans un même lieu, sans avoir la garantie qu’ils travaillent ensemble.

Nous avions en outre déposé un amendement tendant à compenser, pour les centres de santé, les pertes de recettes consécutives au temps que les médecins consacrent à la formation professionnelle continue. En le refusant, chers collègues de la majorité, vous continuez de faire preuve d’hostilité à l’égard du mode d’exercice regroupé de la médecine qui est à la fois le plus ancien et le plus moderne : les centres de santé. L’explication en est sans doute que leurs médecins sont salariés et non libéraux.

Poursuivant dans la voie du libéralisme à tout prix, vous méconnaissez les besoins que les jeunes médecins expriment.

Selon le dernier atlas de la démographie médicale en France, publié récemment par le Conseil national de l’ordre des médecins, environ 70 % des médecins nouvellement installés ont opté pour le statut de salarié ; 9,4 % d’entre eux ont choisi le statut libéral. En 2010, 4 310 médecins ont cessé leurs fonctions et 5 392 se sont nouvellement inscrits, ce qui porte à 264 466 le nombre de médecins inscrits au tableau de l’ordre à la fin de l’année 2010.

Certains élus de la majorité présidentielle ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : devant l’impossibilité d’attirer des médecins libéraux, le maire UMP de La Ferté-Bernard, dans la Sarthe, a choisi d’en salarier trois. Au journal Les Échos, il a déclaré : « Il se confirme que le statut de salarié correspond bien à un changement profond des jeunes médecins qui ne veulent plus être taillables et corvéables. »

Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi, toute vaste qu’elle soit, ne nous semble pas de nature à répondre au problème essentiel : l’accès de toutes et de tous aux soins. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte.

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