Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le déficit de la branche famille résulte d’abord d’un choix économique

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 -

Par / 7 novembre 2011

Rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche famille.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, traditionnellement excédentaire, la branche famille est entrée, depuis 2008, dans un cycle déficitaire d’une ampleur sans précédent. Si cette situation est pour partie imputable à la crise économique, qui a valu à la branche la perte de près de 2,7 milliards d’euros de recettes, elle s’explique surtout par plusieurs mesures votées ces dernières années.

Parmi ces dernières, la plus significative, en termes financiers – elle est aussi la plus symbolique, sur le plan politique – est la prise en charge, par la branche famille, de deux prestations jusqu’alors assumées par la branche vieillesse : l’assurance vieillesse des parents au foyer et la majoration de pension pour les assurés ayant élevé trois enfants et plus. Pour la seule année 2011, ces deux prestations coûteront 8,8 milliards d’euros à la Caisse nationale des allocations familiales.

Il apparaît donc clairement que le déficit de la branche famille résulte d’abord d’un choix de politique économique effectué au détriment de cette dernière, visant à réduire le déficit du système de retraite.

Face à ces charges nouvelles, les petites mesures d’économies votées précédemment sont insignifiantes : l’unification des âges de majoration des allocations familiales n’a eu qu’un effet limité et temporaire ; la suppression – par ailleurs inique – de la rétroactivité des aides au logement n’est pas de nature à permettre le rééquilibrage des comptes.

Un autre point m’inquiète davantage : la fragilisation structurelle des recettes de la branche famille, résultant du transfert vers la CADES de 0,28 point de CSG précédemment attribué à la branche, voté l’an dernier afin de financer la dette sociale.

Notre commission avait alors unanimement dénoncé ce marché de dupes. En effet, pour toute compensation de cette perte de recettes pérennes et dynamiques, la branche famille s’était vu attribuer trois recettes aléatoires : la taxe spéciale sur les contrats d’assurance maladie dits « solidaires et responsables », équivalant à un peu plus de 1 milliard d’euros par an ; la taxe exceptionnelle sur les réserves de capitalisation des entreprises d’assurance, correspondant à 835 millions d’euros en 2011 et en 2012 ; le prélèvement de la CSG au fil de l’eau sur les contrats multi-supports d’assurance vie, dont le produit serait de 1,6 milliard d’euros en 2011.

Certes, en 2011 et 2012, ces trois nouvelles recettes compenseront les 3,5 milliards d’euros perdus au titre de la CSG. Mais, dès 2013, le compte n’y sera plus : la taxe exceptionnelle, qui est une mesure temporaire, ne rapportera plus rien et le rendement de l’imposition des contrats multi-supports d’assurance vie commencera à décroître, avant de s’annuler à l’horizon 2020. La branche famille ne percevra donc plus 3,5 milliards d’euros, mais 2,3 milliards d’euros, ce qui correspond à un manque à gagner de 1,2 milliard d’euros.

Il a certes été prévu de rediriger vers la branche famille, à compter de 2013, le produit de la contribution sur les véhicules terrestres à moteurs, dont le rendement est évalué à 1 milliard d’euros par an. Néanmoins, dans le même temps, le projet de loi prévoit une clef d’affectation des droits sur les tabacs qui, dès cette même année, sera moins favorable à la CNAF, se traduisant par une perte de 400 millions d’euros. On reprend donc d’une main ce que l’on donne de l’autre !

Au final, ce petit montage financier, dont la pudeur m’empêche d’évoquer la complexité, ne rapportera que 600 millions d’euros, soit la moitié de la compensation intégrale annoncée.

Il en résulte que, en tenant compte des nouvelles prévisions de masse salariale, les déficits s’élèveront respectivement en 2011 et en 2012 à 2,6 milliards d’euros et 2,5 milliards d’euros, des sommes tout à fait considérables.

Par ailleurs, nous constatons que la très légère amélioration du solde prévue dans le PLFSS pour 2012 tient aux recettes attendues de mesures nouvelles selon moi profondément injustes et malvenues en période de crise économique et sociale.

La première de ces mesures est l’assujettissement à la CSG du volet « libre choix d’activité » de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Le Gouvernement attendait de cette mesure 140 millions d’euros d’économies, effectuées au détriment de 330 000 familles avec enfants en bas âge, lesquelles auraient ainsi perdu entre 100 et 400 euros par an. Or sont surtout concernées des femmes sans emploi, peu qualifiées, voire en situation de précarité.

Nous n’avons pas eu le temps de nous réjouir de la suppression de cette mesure par l’Assemblée nationale, la réaction du Gouvernement ne s’étant pas fait attendre : pour compenser la perte des 140 millions d’euros d’économies escomptés, ce dernier a fait voter un amendement visant à reporter la revalorisation annuelle des prestations familiales au 1er avril, alors que celle-ci a lieu habituellement au 1er janvier.

M. Roland Courteau. Eh oui !

Mme Isabelle Pasquet, rapporteure. Ce gel, pendant trois mois, de l’augmentation de l’ensemble des prestations familiales est, dans la conjoncture actuelle, inacceptable : une fois de plus, ce sont les familles les plus fragiles qui seront les premières pénalisées. Cette mesure est d’autant plus choquante que le Gouvernement s’était engagé à revaloriser les prestations familiales de 2,3 % au 1er janvier 2012.

M. Roland Courteau. Eh oui !

Mme Isabelle Pasquet, rapporteure. J’ajoute que, entre autres mesures annoncées ce midi par M. François Fillon, la revalorisation des prestations familiales ne sera plus en 2012 que de 1 %. C’est encore plus choquant !

En outre, le report de trois mois de la revalorisation des prestations familiales n’était pas nécessaire, dans la mesure où les 140 millions d’euros en jeu avaient déjà été gagés sur une réduction du taux d’abattement pour frais professionnels sur les revenus soumis à la CSG, permettant au Gouvernement de rentrer dans ses frais.

Mes chers collègues, vous comprendrez que, dans ces conditions, notre commission ait adopté un amendement supprimant cette mesure de report.

J’en viens maintenant aux mesures du PLFSS concernant les dépenses de la branche famille, deux « mesurettes » qui bénéficieront toutefois aux familles monoparentales et aux parents handicapés, ce qui est positif.

La première de ces mesures améliore le volet « aide à la garde d’enfant » de la PAJE, en créant un barème de ressources spécifique pour les parents isolés et en majorant l’aide pour les couples ou les parents isolés bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés.

La seconde mesure aménage, pour les très petites pensions alimentaires, le régime d’attribution de l’allocation de soutien familial, l’ASF, dont les incohérences actuelles ont été soulignées tant par la Cour des comptes que par le Haut Conseil de la famille. Il s’agit d’une mesure de bon sens, mais je regrette que le Gouvernement se soit contenté de ne traiter qu’un aspect du dispositif de l’ASF, lequel aurait mérité des aménagements plus ambitieux.

Je souhaite maintenant dire un mot de l’amendement relatif à l’allocation de rentrée scolaire, adopté par notre commission, après un riche débat. Depuis la rentrée de 2008, cette allocation est versée selon un barème de trois tranches, croissant avec l’âge de l’enfant. Si les frais de rentrée augmentent au fil de l’avancée de l’enfant dans le cycle scolaire, du primaire au lycée, ils diffèrent aussi selon la voie de formation suivie : les filières technologiques et professionnelles sont, par définition, plus coûteuses pour les familles que la voie générale.

Mes chers collègues, pour les élèves inscrits au lycée, notre commission vous propose de moduler le montant de l’allocation de rentrée scolaire en fonction de la voie de formation suivie, à enveloppe constante. J’ai bien entendu que Mme Roselyne Bachelot-Narquin reprochait à cette proposition son manque d’ambition, mais je lui rappellerai que l’article 40 de la Constitution nous contraint à faire preuve de retenue.

Au-delà de cette mesure, je souhaite que nous puissions aussi évoquer, au cours de nos débats, plusieurs chantiers qui, selon moi, devront être engagés dans le domaine de la famille. Au premier rang de ces derniers figurent le versement des allocations familiales dès le premier enfant, une promesse du Président de la République non tenue, je le rappelle,…

M. Roland Courteau. Il est bon de le rappeler !

Mme Isabelle Pasquet, rapporteure. … ainsi que l’allongement de la durée du congé de maternité. J’aimerais connaître les intentions du Gouvernement sur ces deux points, bien que Mme Roselyne Bachelot-Narquin ait déjà répondu partiellement dans sa première intervention.

Pour résumer ma position d’ensemble sur la branche famille, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter les deux articles relatifs aux familles monoparentales et aux parents handicapés ; de voter les deux amendements que j’ai évoqués ; enfin, de rejeter l’objectif de dépenses de la branche famille pour 2012, afin de dénoncer les montages financiers opérés cette année et l’année dernière, ainsi que le manque d’ambition du Gouvernement en matière de politique familiale.

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