Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Cette loi n’améliorera pas la situation des patients et des professionnels

Organisation et transformation du système de santé (conclusions de la CMP) -

16 juillet 2019

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après nos débats, je reste persuadée, avec l’ensemble des membres de mon groupe, que le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé ne va absolument pas régler les problèmes que connaît notre système de soins, singulièrement l’hôpital public.

Alors que les personnels et les praticiens dénoncent leurs conditions de travail, les patients leurs difficultés quant à l’accès aux soins, les élus et les usagers l’absence de prise en compte de leurs avis dans les décisions des établissements, vous poursuivez dans la même logique que vos prédécesseurs : limiter les dépenses publiques. C’est une réponse qui a prouvé son inefficacité ou plutôt sa nocivité, plongeant notre système de santé dans une crise profonde.

Madame la ministre, vous n’entendez pas la colère des professionnels, vous refusez de prendre en compte les propositions de notre groupe, qui, pourtant, sont de nature à redonner à notre système de santé les moyens de fonctionner.

Aujourd’hui, ce sont 205 services des urgences sur 524 qui sont en grève dans notre pays pour réclamer des effectifs en personnels pluridisciplinaires supplémentaires, des lits d’aval nécessaires pour atteindre l’objectif « zéro patient sur les brancards » et une revalorisation des salaires de 300 euros. Travailler dans de bonnes conditions pour une meilleure prise en charge des patients, quoi de plus normal ?

Or, madame la ministre, vous avez décidé avec Bercy qu’il n’y aurait pas d’augmentation des effectifs. Vous avez donc cherché des solutions ailleurs, en dégageant du temps médical pour les praticiens avec les délégations de tâches et la création des auxiliaires médicaux.

Ces mesures pourraient être efficaces si la situation de l’hôpital n’était pas telle qu’elle est aujourd’hui. Vous sous-estimez totalement les réalités de terrain. Après des années de suppression de postes à l’hôpital, les équipes sont épuisées et n’arrivent plus à répondre aux missions qui sont les leurs.

Alors que les personnels se mobilisent contre la détérioration des conditions de prise en charge des patients et de leurs conditions de travail, votre gouvernement fait adopter un amendement au projet de loi de transformation de la fonction publique pour étendre le recours aux contrats temporaires et saisonniers dans les hôpitaux. Le secrétaire d’État Olivier Dussopt, qui visiblement ne connaît rien à la fonction publique hospitalière, tient des propos mensongers qui me conduisent à faire un rappel au règlement. Face à des personnels qui n’en peuvent plus, vous faites le choix de la précarisation à outrance : ils jugeront !

Vous proposez également de réorganiser les hôpitaux en trois niveaux, pour éviter soi-disant que les patientes et les patients restent plusieurs heures sur un brancard. Vous vous vantez de labelliser deux fois plus d’hôpitaux de proximité, mais cela signifie en réalité deux fois plus d’hôpitaux qui ne réaliseront plus d’activités de chirurgie ou d’obstétrique, pour ne citer que ces deux exemples. Sous prétexte que les hôpitaux de proximité manquent de praticiens, vous préférez acter la carence et les amputer de leurs principales missions.

Ce faisant, d’une part, vous accélérezle phénomène de concentration de l’expertise et des moyens financiers dans les grandes structures hospitalières des métropoles au détriment des zones rurales et périurbaines ; d’autre part, vous éloignez les services de soins des habitants.

À l’inverse de ce que vous prévoyez de faire avec votre loi, il est indispensable de maintenir, sur notre territoire, un maillage d’hôpitaux de proximité disposant chacun d’un service des urgences, d’un service de médecine, de chirurgie, d’une unité obstétrique, de soins de suite et de structures pour les personnes âgées, le tout en lien avec la médecine de ville et le réseau de centres de santé, ainsi qu’avec la psychiatrie de secteur. Pour y parvenir, il faut notamment embaucher, donc rendre plus attractive la fonction publique hospitalière.

La gradation des soins n’a de sens selon nous que si le premier niveau est le plus complet possible et accessible au plus grand nombre.
L’accord trouvé entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et la majorité du Sénat sur la désertification médicale illustre l’importance de ne pas transformer les hôpitaux de proximité en coquilles vides.

En obligeant les étudiantes et les étudiants à effectuer six mois de stage pour leur troisième et dernière année d’internat dans un territoire sous-doté, vous faites un premier pas dans la bonne direction. Mais ces 3 500 étudiants devront trouver des médecins maîtres de stages pour exercer dans les déserts médicaux. Or les maîtres de stages vont préférer choisir les hôpitaux spécialisés où se situent les services d’urgences, de maternité et de gériatrie plutôt que les hôpitaux de proximité tels que vous les concevez. En outre, nous savons toutes et tous que les étudiants souhaitent majoritairement exercer la médecine dans des structures collectives, de type centre de santé, pour avoir une activité salariée.

Nous déplorons que la commission mixte paritaire ait supprimé notre amendement qui visait à mettre fin à l’exercice non salarié dans les centres de santé. Votre avis de sagesse aurait mérité plus d’engagement de votre part, madame la ministre, afin que, peut-être, les députés de votre majorité nous suivent.

Par ailleurs, comment ne pas évoquer le scénario antidémocratique et contraire aux droits des femmes qui s’est joué pour faire retoquer l’amendement qui avait été adopté pour allonger le délai légal de l’IVG ?

Enfin, notre déception est profonde concernant les praticiens à diplôme hors Union européenne, notamment pour celles et ceux qui disposent de la nationalité française. Le Sénat avait adopté l’élargissement de l’exercice des Padhue dans le secteur médico-social, sur lequel est revenue la commission mixte paritaire, abandonnant les Padhue du médico-social à la précarité du travail illégal et à la non-reconnaissance de leurs qualifications.

Ce sont autant d’arguments qui nous conduisent à ne pas voter cette loi, d’autant qu’elle ne tire aucun enseignement de la mise en œuvre, à marche forcée, des groupements hospitaliers de territoire et qu’elle continue d’ignorer la démocratie sanitaire.

Dans son Discours de la méthode, Descartes nous invitait à douter de tout. Le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas la marque de fabrique de ce gouvernement. C’est fort regrettable, madame la ministre, car cela vous conduirait enfin à écouter et à entendre les professionnels de santé qui, tout comme notre groupe, ici, dans l’hémicycle, vous enjoignent à changer de politique dans l’intérêt commun.

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