Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Le droit à la santé, madame la ministre, est fortement remis en cause par vos choix politiques

Financement de la sécurité sociale pour 2017 -

15 novembre 2016
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Le droit à la santé, madame la ministre, est fortement remis en cause par vos choix politiques

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord exprimer à Mmes les ministres et au président du Sénat, M. Gérard Larcher, nos remerciements pour les mots chaleureux qu’ils ont eus à l’égard de notre collègue, ami et camarade Paul Vergès.

Permettez-moi également de remercier les rapporteurs de la commission des affaires sociales pour le travail qu’ils ont accompli, même si je ne partage pas les enseignements qu’ils en tirent.

Nous abordons donc le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale de ce quinquennat, qui est également le dernier avant les prochaines élections sénatoriales. Ce PLFSS – faut-il le souligner ici ? – a été adopté, à l’Assemblée nationale, à une courte majorité.

Qu’il nous semble loin, le temps où, en 2011, nous étions parvenus à faire adopter par notre assemblée des amendements communs de la gauche visant à faire figurer de nouvelles recettes dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 !

Vous vous félicitez, madame la ministre, d’avoir sauvé la Sécurité sociale, et vous refusez d’entendre que ce redressement se fait au prix d’une réduction drastique des dépenses de santé.

Certes, je suis attachée, comme tout parlementaire, à une bonne utilisation des fonds publics. Toutefois, la question qui nous est ici posée est celle du respect d’un droit fondamental : le droit à la santé pour toutes et tous. Or celui-ci est fortement remis en cause par les choix politiques que vous défendez.

Par ailleurs, nous ne partageons pas la vision tronquée et optimiste de ce sauvetage.

Tronquée, car, comme cela a déjà été signalé, vous omettez de prendre en compte dans vos calculs le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, pour affirmer que le déficit ne sera que de 400 millions d’euros. Or le déficit du FSV est, quant à lui, de près de 4 milliards d’euros !

Optimiste, car, comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques, les prévisions de croissance sur lesquelles repose votre équilibre financier sont jugées peu réalistes.

Lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous nous avez déclaré : « L’équilibre de la Sécurité sociale n’est pas l’ennemi des droits sociaux. » Certes ! Vous m’avez en outre personnellement répondu que vous étiez parvenue à mettre en place la prise en charge à 100 % de l’IVG et de la contraception pour les mineures, que vous aviez développé le dépistage de certains cancers ou bien encore que vous aviez mis en place la généralisation du tiers payant.

Je ne conteste absolument pas que ces mesures ouvrent effectivement des droits nouveaux. Néanmoins, il me semble que les 4 milliards d’euros d’économie attendus sur la branche maladie pour 2017 ne sont guère facteurs, ou facilitateurs, de droits sociaux.

Non seulement je soutiens ces mesures, comme d’autres avancées contenues dans ce texte, mais – faut-il le rappeler ? – nous nous sommes mobilisés en leur faveur. Le problème, madame la ministre, est le suivant : pour parvenir à un budget en équilibre, vous demandez toujours aux mêmes de faire des sacrifices : aux assurés sociaux, aux patients et aux personnels de santé !

En effet, que vous l’admettiez ou non, c’est bien eux qui en subiront directement les conséquences, et cela alors que des milliards d’euros sont consacrés au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, et au crédit d’impôt recherche, ou CIR, dispositifs dont on ne peut que questionner la pertinence, comme l’ont très bien fait, récemment, mes deux collègues Brigitte Gonthier-Maurin et Marie-France Beaufils dans des rapports sénatoriaux.

D’une manière générale, madame la ministre, vous n’avez eu de cesse, durant ce quinquennat – c’est peut-être encore plus évident dans ce PLFSS –, d’obéir aux exigences de rigueur budgétaire et d’austérité imposées par Bruxelles.

Dans ce contexte, comment prétendre que l’accès à la santé est aujourd’hui meilleur qu’en 2012 ? Comment continuer à nier que le renoncement aux soins, pour raisons financières, ou bien par manque de professionnels, est toujours aussi inquiétant ?

Madame la ministre, pouvez-vous considérer que l’action du Gouvernement, pendant cinq ans, a porté ses fruits pour réduire les inégalités territoriales de santé, pour améliorer la prise en charge au sein des urgences, qui sont au bord de l’explosion, ou encore pour permettre aux médecins de ville de faire face à une surcharge de consultations ?

Toujours lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous m’avez affirmé ne pas avoir programmé la suppression de 22 000 postes hospitaliers, mais, tout au contraire, d’en avoir créé 30 000. Le problème est que ni le personnel de l’hôpital ni les syndicats n’en ont eu écho !

Dans la réalité quotidienne, les personnels vivent ces 22 000 suppressions de postes, que l’on peut notamment lier au non-remplacement des départs à la retraite ; ils vivent, au jour le jour, les fermetures de lits et de services, le manque de matériel, la réforme des 35 heures au sein de l’AP-HP, la gestion chronométrée de leurs tâches ou encore le manque de temps consacré à chaque patient.

Je rappelle que, depuis 2010, selon la Fédération hospitalière de France, ou FHF, de 1 000 à 1 200 lits de chirurgie ont fermé chaque année dans les hôpitaux publics, et que le syndicat majoritaire dans les hôpitaux publics évalue à 100 000 le nombre d’emplois qui manquent, aujourd’hui, dans les hôpitaux et les EHPAD publics.

Les groupements hospitaliers de territoire, ou GHT, que vous avez introduits dans la loi Santé, vont aggraver les choses en vous permettant, d’abord et avant tout, de réduire les budgets.

Quant au « virage ambulatoire », que vous parez de toutes les qualités, faut-il rappeler que vous ne prenez pas en compte, ou alors fort insuffisamment, les investissements à prévoir pour réorganiser et former les équipes soignantes et pour éviter que les patients et leurs familles ne subissent des sorties précipitées.

Je sais que votre cabinet a reçu il y a peu de temps l’association Jean-Louis Mégnien, du nom du professeur qui s’est suicidé, l’an dernier, à l’hôpital Georges-Pompidou de Paris, à la suite d’une longue période de harcèlement et de souffrance au travail.

Malheureusement, Jean-Louis Mégnien n’est pas la seule victime ; je veux donc profiter de notre débat pour lancer une alerte sur les drames vécus au sein des hôpitaux, sur le problème de gouvernance, sur le manque de moyens, ainsi que sur les conséquences de la loi HPST et, prochainement, de la loi Santé.

Voilà, parmi d’autres raisons, pourquoi j’ai demandé à ce que cette association soit officiellement auditionnée par la commission des affaires sociales. Je remercie à cet égard son président, M. Alain Milon, qui s’y est engagé dans le cadre d’un travail plus large sur la continuité des soins, la situation critique des urgences nous tenant particulièrement à cœur.

La souffrance au travail touche bien tous les professionnels de santé, dans le public comme dans le privé : je pense aux orthophonistes, aux gynécologues médicales, aux professionnels de la psychiatrie, ou encore aux infirmières, toutes professions qui ont l’impression de ne pas être entendues. Il y a véritablement non-assistance à personnes en danger !

Comment interprétez-vous, madame la ministre, le fort mouvement de grève qui a eu lieu, mardi dernier, à l’appel de la coordination nationale infirmière, qui rassemble 17 organisations professionnelles syndicales et associatives ?

Je puis vous dire, moi qui suis allée à leur rencontre, que ces professionnels du public comme du privé dénoncent le malaise soignant, mais aussi le silence ministériel face à leurs conditions d’exercice, à leur formation ou encore à la valorisation de leurs compétences et de leurs responsabilités.

Or ce PLFSS est loin de les rassurer ! Quand allez-vous ouvrir le dialogue ? Plus généralement, qui est rassuré par ce PLFSS ?

Prenons la branche maladie : c’est elle qui subit les économies les plus drastiques, pour pouvoir respecter l’ONDAM. Ce dernier, malgré une légère hausse, est toujours loin des besoins, d’autant que cette progression repose sur des restrictions budgétaires de l’ordre de 4,1 milliards d’euros.

Comment, à ce propos, ne pas s’insurger du détournement de 300 millions d’euros depuis le fonds de formation pour la fonction publique hospitalière ? Cette somme provient de la contribution obligatoire des employeurs, mais n’est pas allouée à la formation des soignants.

Quant aux autres branches ou secteurs, ils ne sont malheureusement guère mieux lotis.

La branche AT-MP est à nouveau excédentaire, mais que peut signifier ce résultat quand on sait qu’il est, surtout, le signe de la sous-déclaration chronique et de la non-reconnaissance des maladies professionnelles ? Je crains d’ailleurs que cette situation ne s’améliore pas, au vu de l’insuffisance du nombre d’inspecteurs du travail et de médecins du travail. C’est la conséquence d’une politique menée depuis de nombreuses années, que vous avez hélas poursuivie pendant ce quinquennat avec, notamment, les lois Rebsamen et El Khomri. Pourquoi ne pas dédier cet excédent à la prévention et à la réparation ?

Le secteur médico-social est également en souffrance : on constate un manque de reconnaissance et de valorisation de ces personnels, ainsi qu’une pénurie d’établissements. Nous dénonçons en outre avec force le prélèvement de 230 millions d’euros effectué sur les fonds de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Que dire de la branche famille, qui est certes à l’équilibre, mais, là aussi, à un lourd prix pour nos concitoyens ? Comment ne pas dénoncer, une nouvelle fois, la modulation des allocations familiales, qui remet en cause le principe d’universalité ?

La réforme du congé parental est à nos yeux un échec, comme nous l’avions prédit, puisque sa conception même n’incite évidemment pas les pères ou les familles à y avoir recours.

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