Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Vous remettez en cause les principes fondateurs de notre protection sociale

Financement de la sécurité sociale pour 2018 -

13 novembre 2017

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en rendant à mon tour un bref hommage à Jack Ralite, homme de culture, dirigeant communiste décédé hier. Alors que nous examinons ce budget de la sécurité sociale, comment ne pas avoir une pensée pour ce grand humaniste qui fut sénateur, député, maire d’Aubervilliers et ministre de la santé, et qui plaçait l’être humain au cœur des politiques à mener ? J’espère qu’il inspirera nos travaux.

Je note que la motion tendant à opposer la question préalable défendue par mon collègue Dominique Watrin a été repoussée par souci du débat. Nous serons donc très exigeants quant aux réponses qui nous seront apportées.
Car ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 remet en cause les principes fondateurs de la sécurité sociale qui veulent que chacun cotise selon ses moyens et reçoive selon ses besoins.

Réduire les cotisations sociales, pour les supprimer in fine, au prétexte d’augmenter le salaire direct est un leurre, voire une escroquerie intellectuelle.
Non seulement c’est une façon d’exonérer le patronat de toute augmentation de salaire, mais c’est couper les vivres à notre système de protection sociale, qui permet à chacune et à chacun de faire face, à égalité, à la maladie, aux accidents du travail, aux besoins de base de la famille et à la vieillesse. C’est faire voler en éclats le principe de solidarité entre générations, entre bien portants et malades, entre actifs et inactifs.

La politique qui est suivie avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à livrer encore un peu plus le droit à la santé à la spéculation et à la marchandisation, dans les perspectives tracées par la loi HPST, par l’accord national interprofessionnel ou encore par la loi Touraine. Ainsi, les plus riches disposeront d’une assurance privée protectrice et la majorité des Français d’une assurance minimaliste.

Comment ne pas dénoncer les budgets des PLFSS successifs qui contraignent les dépenses de santé, à la fois au détriment de l’offre et de la qualité des soins, mais aussi des conditions de travail des personnels ?

Vous nous dites, madame la ministre, que 30 % des dépenses de santé ne seraient pas pertinentes. Ainsi, les Françaises et les Français dépenseraient trop pour se soigner ! Faut-il rappeler qu’en France les dépenses de santé s’élèvent à 11 % des richesses nationales, contre 12,5 % pour la moyenne des pays de l’OCDE ? L’allongement de la durée de vie nécessiterait à lui seul plus d’argent public.

Parmi vos propositions de financement, il y a l’augmentation de la CSG. Quoi de plus injuste quand on sait qu’elle repose à 70 % sur les revenus du travail et à 18 % sur les retraites ? Quoi de plus injuste quand on sait que 2,5 millions de retraités modestes ne bénéficieront pas des compensations financières du Gouvernement ? Quoi de plus injuste quand on sait que cette cotisation entre pour partie dans le revenu imposable ?

Ainsi, vous supprimez l’impôt sur la fortune pour les cent foyers les plus riches tandis que vous demandez toujours plus aux autres. Nous ne voterons bien évidemment pas cette hausse de la CSG !

Nous ne sommes pas face à des choix de bons gestionnaires visant à réduire des dépenses inutiles, mais nous sommes face à des choix de réduction drastique du périmètre de la protection sociale et du service public de santé : nous sommes face à des choix de société !

Toujours au nom des 30 % des dépenses de l’assurance maladie non pertinentes, vous justifiez un ONDAM à 2,3 % alors que, selon la Confédération des syndicats médicaux français, la croissance naturelle des dépenses est de 4,5 %. Sur les 4,2 milliards de restrictions budgétaires pour la branche maladie, l’hôpital public devra supporter 1,2 milliard de coupes sombres. Comment résister à cette nouvelle ponction après les cures d’austérité successives qu’il a subies avec Mmes Bachelot et Touraine ?

Comment pouvez-vous affirmer vouloir recentrer l’hôpital sur l’excellence et la haute technicité quand vos choix budgétaires vont entraîner de nouvelles fermetures de lits, la disparition de services et d’hôpitaux, alors que les urgences sont ultra-saturées, que les déserts médicaux gagnent du terrain et que les personnels sont à bout ? Comment prétendez-vous parfaire l’ambulatoire dans un tel contexte avec des manques de généralistes, de spécialistes, de personnels paramédicaux, avec des centres de santé en nombre insuffisant ?

Permettez-moi, à cet instant, de rendre hommage au personnel hospitalier mobilisé il y a deux ans à l’occasion des attentats. Ce sont les mêmes agents dévoués au quotidien pour l’intérêt général qui permettent à l’hôpital de tenir debout alors que leurs moyens sont réduits chaque année.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner en réunion de la commission des affaires sociales, j’attire l’attention de mes collègues. Certains d’entre eux votent des budgets imposant des économies drastiques à notre système de santé alors que, sur le terrain, ils se lamentent des fermetures de services, d’hôpitaux de proximité et de la dégradation des soins. Les choses sont intimement liées, mes chers collègues !

Il n’y a pas besoin d’avoir travaillé vingt-cinq ans à l’hôpital, madame la ministre, pour se rendre compte de la dégradation des conditions de travail du personnel hospitalier et de la détérioration de la qualité des soins. La semaine dernière, un neurochirurgien a mis fin à ses jours au CHU de Grenoble : le syndrome France Télécom atteint, hélas ! l’hôpital.

Il faut d’autres choix que ce sous-financement chronique des hôpitaux, cette gestion purement comptable et ce management qui met les soignants en souffrance.

Les personnels se mobilisent d’ailleurs un peu partout pour contrer cette logique qui nuit gravement à la santé. Je pense aux personnels de l’AP-HP en Île-de-France, à ceux du centre hospitalier de Millau dans l’Aveyron, de l’hôpital de Boulogne-sur-Mer dans le Pas-de-Calais ou encore de la maternité du centre hospitalier régional d’Orléans dans le Loiret.

Alors que, selon le dernier baromètre Secours populaire français-IPSOS, quatre Français sur dix renoncent à se soigner du fait de l’augmentation incessante du reste à charge, le forfait hospitalier va augmenter !

Dans ce PLFSS, le Gouvernement Macron-Philippe ne témoigne aucunement de la volonté de rechercher de nouvelles recettes sans pénaliser la grande masse des assurés sociaux.

Que dire de la transformation du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en exonération pérenne des cotisations sociales pour les salaires en dessous du SMIC ? Contrairement aux éléments de langage du Gouvernement, le CICE n’est pas supprimé. Au contraire, il est sanctuarisé jusqu’en 2019 avant la disparition définitive des cotisations à la branche famille, soit 25 milliards d’euros en moins pour les comptes de la sécurité sociale. Comment admettre qu’aucun bilan ne soit tiré de ce CICE ?

Ce sont 45 milliards de deniers publics, de 2013 à 2015, qui ont servi à la création de seulement 100 000 emplois : beaucoup d’argent pour un bien piètre résultat ! En outre, je rappelle à ceux qui justifient ces exonérations de cotisations par l’excédent de 300 millions d’euros de la branche famille que, sans la remise en cause de l’universalité des prestations familiales pour 500 000 familles, cet excédent n’existerait pas.

Aujourd’hui, tel un illusionniste, le Gouvernement communique sur l’augmentation de 30 % du montant du complément de garde pour les familles monoparentales. Mais derrière ce rideau de fumée, l’allocation de base pour la garde d’enfants, la PAJE, est réduite pour tout le monde.

D’après la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, 44 000 familles obtiendront un gain mensuel moyen de 70 euros par enfant gardé, tandis que la baisse du montant de la PAJE entraînera une perte de 500 euros sur la durée de versement de la prestation pour les familles les plus modestes et de 250 euros pour les familles de catégorie intermédiaire ayant de jeunes enfants.
À cette diminution du montant, s’ajoute la baisse du plafond de la prestation, ce qui exclura demain près de 10 % des familles qui pourraient percevoir aujourd’hui la prestation.

En réalité, le Gouvernement veut transformer la branche famille universelle en un système d’aide ciblée vers les ménages les plus précaires. C’est l’amplification de la rupture de l’universalité des allocations familiales déjà assumée durant le précédent quinquennat.

Ce double discours se retrouve à propos de la revalorisation de 100 euros du montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, alors que le recul de la date de revalorisation au 1er janvier 2019 rapportera 380 millions d’euros en 2018 au budget de l’État.

L’adaptation de la société au vieillissement est un véritable enjeu pour notre modèle de protection sociale, comme l’a souligné Dominique Watrin. Plutôt que de considérer les retraités uniquement comme des personnes exploitables à volonté ou d’envisager de moduler le montant des pensions avec votre projet de réforme des retraites, il serait temps d’investir massivement pour améliorer les conditions de travail du personnel d’aide à domicile, des aidants familiaux et du personnel travaillant dans les établissements qui subissent la réforme de la tarification. En aucun cas, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne règle ces problèmes.

Ajoutons à cela la suppression du RSI, du tiers payant généralisé et le passage de trois à onze vaccins obligatoires. Si nous soutenons les vaccins, en général, en tant que formidables protections pour les populations, nous demandons des garanties pour une sécurité vaccinale, notamment en ce qui concerne les adjuvants. L’absence de transparence a créé de la défiance et ce n’est pas en imposant les vaccins que la confiance va revenir.

Il est troublant de constater que vous suivez les directives de grands laboratoires pharmaceutiques qui déclaraient ne pas pouvoir sortir trois vaccins – le DT-Polio –, mais qui aujourd’hui en sortent onze ! Il faut dire que le rapport financier est nettement plus avantageux pour eux : trois vaccins étaient facturés un peu plus de 20 euros en 2008 tandis qu’ils pourront aujourd’hui empocher 350 euros pour onze vaccins !

Si la mesure devient obligatoire, a minima elle doit être totalement gratuite et prise en charge par la sécurité sociale. Il faut aller au bout de cette logique, madame la ministre, c’est le sens d’un amendement que nous défendrons et qui visera à mettre les laboratoires à contribution !

Plus de moyens pour l’hôpital public et la médecine de ville, c’est possible : il suffit d’en avoir la volonté politique. Pourquoi n’avoir rien prévu contre la fraude patronale, qui coûte la bagatelle de 20 milliards d’euros par an aux comptes de la sécurité sociale selon la Cour des comptes ?

Vous êtes, à juste titre, attentive à l’argent public, madame la ministre. Pourquoi ne pas faire respecter la loi par les entreprises qui ne l’appliquent pas concernant l’égalité salariale ? La Fondation Concorde a estimé le manque à gagner pour l’économie française à 62 milliards d’euros et à 25 milliards d’euros de cotisations pour la sécurité sociale.

Pourquoi ne pas décider la suppression de la taxe sur les salaires à l’hôpital, qui rapporterait 4 milliards d’euros, alors que votre gouvernement n’hésite pas à dilapider 3,4 milliards d’euros de deniers publics en supprimant l’ISF ?
De l’argent, il y en a : supprimer les exonérations de cotisations patronales pour les entreprises qui ne créent aucun emploi en contrepartie, ce sont 45 milliards d’euros par an, soit 10 % de la totalité du budget de la sécurité sociale !

Être en prise avec les évolutions de son temps, c’est défendre un système de protection sociale juste, solidaire et pérenne qui prend ses racines dans les conquêtes du Conseil national de la Résistance, sous l’impulsion d’Ambroise Croizat. C’est défendre les principes fondateurs de la sécurité sociale tout en étant favorables à son évolution. C’est l’ambition que je porte avec mon groupe, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Nous voulons une évolution qui aille vers une plus grande prise en charge des soins, qui laisse moins de place aux complémentaires santé, et non l’inverse comme vous le proposez.

Au XXIe siècle, dans un pays riche comme la France, il est possible que la sécurité sociale rembourse les soins à 100 %, y compris les soins optiques, dentaires et les prothèses auditives. Il est possible de mener une politique ambitieuse de prévention qui passe notamment par l’arrêt du démantèlement de la médecine scolaire et de la médecine du travail, par le refus de voir disparaître les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT dans la réforme du code du travail. Il est possible de développer l’innovation, d’améliorer la sécurité sanitaire par la création d’un pôle public du médicament et de la recherche.

Nous sommes des progressistes modernes et pragmatiques puisque nous proposons des mesures de financement crédibles en mettant à contribution les revenus financiers, en tenant compte de la politique salariale, environnementale des entreprises, mais également en supprimant les exonérations de cotisations patronales en tout genre.

Les difficultés de la sécurité sociale sont organisées volontairement sous la pression de ceux qui possèdent les richesses et qui se font sans cesse exonérer de leur contribution au bien commun.

Notre groupe ne peut entériner un tel projet de démantèlement de notre système de protection sociale, contraire à l’intérêt du plus grand nombre. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, à moins que nos amendements soient pris en compte. On peut toujours rêver…

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