Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une baisse des effectifs de policiers, mais pas de la délinquance !

Loi de finances pour 2010 : sécurité -

Par / 3 décembre 2009

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Sécurité » est en hausse, avec 16,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 16,3 milliards d’euros de crédits de paiement.

Si l’on ne constate pas la baisse de la délinquance que vous ne cessez de mettre en avant et qui est l’objectif premier de cette mission, monsieur le ministre, on observe en revanche une forte baisse des effectifs de policiers.

Aujourd’hui, chose suffisamment rare pour être relevée, les policiers manifestent dans plusieurs grandes villes de notre pays : c’est dire l’ampleur de leur mécontentement ! Ils expriment ainsi leur colère d’être sacrifiés sur l’autel de la RGPP et des réductions d’effectifs qui l’accompagnent, mais ils manifestent aussi pour dire qu’ils refusent votre politique du chiffre qui transforme le policier en « un robot qui doit placer en garde à vue et verbaliser de manière automatique », selon les mots de M. Nicolas Comte, secrétaire général du premier syndicat de gardiens de la paix.

Ainsi, votre projet de budget prévoit la suppression de 1 390 équivalents temps plein travaillé dans la police nationale et de 1 354 dans la gendarmerie nationale. Or, comme vous le dites, monsieur le ministre, malgré la baisse des effectifs, les dépenses de personnel augmentent encore. De nouvelles suppressions d’emplois sont donc à attendre pour l’année prochaine…

En effet, la baisse des effectifs s’inscrit dans un processus triennal qui vise à supprimer environ 4 000 ETPT de policier, en particulier dans le corps d’encadrement et d’application, et 3 000 de gendarme, essentiellement parmi les sous-officiers.

Nous allons d’ailleurs nous prononcer sur des crédits qui vont servir à l’application de la LOPPSI 2, alors même que ce texte n’a pas été examiné par les assemblées, ce qui montre au passage votre profond attachement aux prérogatives du Parlement, que vous avez prétendument renforcées.

Vous avez donc pour objectif d’améliorer la productivité des policiers, mais même le syndicat Alliance a dénoncé cette politique du chiffre, qu’il juge, fort justement, contre-productive. Votre politique visant à « faire mieux pour moins cher » ne peut réussir en supprimant massivement les postes.

Or, lorsque vous mettez en avant l’objectif de mutualisation des structures et des formations, la politique d’achats groupés, le regroupement des fichiers, c’est bien vers une réduction des moyens offerts aux forces de l’ordre que l’on s’achemine.

Il est ainsi incroyable que votre budget, qui suit donc le plan triennal de réduction des effectifs, supprime tous les emplois créés à la suite de la LOPSI 1 : le manque de cohérence est flagrant.

Comment pouvez-vous, dans ces conditions, prétendre faire durablement baisser la délinquance et renforcer la lutte contre les violences aux personnes, ainsi que contre le phénomène des bandes ?

S’agissant de l’extension de l’utilisation de la vidéosurveillance – pudiquement appelée « vidéo-protection » –, qui serait, selon certains, une « technique d’avenir », le projet de budget prévoit notamment l’installation de 1 200 caméras dans Paris, pour un coût de 120 millions d’euros. À mon avis, monsieur le ministre, vous devriez écouter les critiques que formulent ceux qui ont expérimenté la vidéosurveillance, en particulier les policiers britanniques, qui soulignent son inefficacité !

Votre projet de budget, qui fait une grande place à l’utilisation de la technologie, néglige le contact avec la population, alors même que celui-ci est essentiel pour trouver des remèdes durables – mais encore faut-il en avoir la volonté – aux problèmes liés à la délinquance.

Dans cette optique, le développement d’une police de quartier, proche des préoccupations des populations, doit prévaloir sur l’organisation occasionnelle d’opérations « coup de poing », largement médiatisées mais qui se révèlent inefficaces dans la durée.

Je profite de cette occasion, monsieur le ministre, pour vous demander où en est la mise en place de la police d’agglomération parisienne. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur ses missions, notamment en matière de lutte contre les trafics de drogue, sur le territoire dont elle a désormais la charge ?

La police technique et scientifique est le seul secteur qui voie ses effectifs augmenter, avec 249 ETPT supplémentaires. À première vue, cela peut paraître une bonne chose, à ceci près que cette augmentation d’effectifs aura manifestement pour conséquence un développement des fichiers d’identification, y compris pour lutter contre la petite et moyenne délinquance. Des dérives pouvant porter atteinte aux libertés individuelles sont donc à craindre.

L’autre nouvelle « grande idée » est l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs délinquants de moins de treize ans, alors même que de nombreux tribunaux administratifs ont invalidé les arrêtés municipaux instituant un couvre-feu pour les mineurs.

Nous voici donc devant un exemple typique de votre politique de pur affichage pour occuper le terrain sécuritaire ! Si elle devait être adoptée, cette idée, vous le savez, serait inapplicable. Surtout, elle aurait pour conséquence, sur le terrain, de détourner les policiers de tâches plus importantes, alors même qu’ils ont déjà reçu pour mission prioritaire, de votre part, de faire la chasse aux étrangers et aux sans-papiers. En détournant la police de ses missions premières, c’est vous, monsieur le ministre, qui permettez la hausse de la délinquance !

Vous continuez ainsi votre offensive sur le terrain sécuritaire avec des propositions qui remettent en cause les libertés publiques, mais n’apportent rien sur le plan de la lutte contre la délinquance. D’ailleurs, les chiffres que vous avancez pour démontrer une baisse de la délinquance nous laissent aussi dubitatifs que nombre de magistrats et de policiers.

On est donc en droit de s’inquiéter lorsque l’on vous entend dire, monsieur le ministre, que vous reportez l’examen de la LOPPSI 2 pour « la muscler dans sa partie normative »…

La délinquance trouve ses racines dans les difficultés sociales et économiques que nos concitoyens endurent. Or vous ne faites rien pour remédier à ces difficultés. Bien au contraire, votre politique détruit le lien social et le désengagement de l’État dans tous les secteurs de la vie quotidienne en est devenu le symbole. Surtout, elle ne cesse d’aggraver les inégalités, en favorisant les plus riches.

Bien sûr, nous n’excusons pas les délinquants, mais, pour traquer la délinquance, il faut d’abord, nous semble-t-il, en définir les causes et s’y attaquer. Puisque vous faites fi d’une telle démarche, votre politique, dont ce projet de budget est une illustration, ne pourra qu’échouer. C’est pourquoi, sans grande surprise, notre groupe votera contre les crédits alloués à la mission « Sécurité ».

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