Finances

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les clients sont devenus des variables d’ajustement pour augmenter les marges

Plafonnement des frais bancaires -

28 mai 2020

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de mes collègues du groupe socialiste et républicain, qui nous permet de débattre en séance de la question du plafonnement des frais bancaires.

Ce texte était très pertinent dès le départ ; il l’est encore davantage aujourd’hui dans le contexte que nous connaissons. Il s’agit effectivement d’un vrai sujet, dont l’origine n’est pas vraiment récente. Ainsi, une étude sérieuse, reprise par un quotidien économique sérieux il y a quelques mois, a révélé des chiffres absolument astronomiques sur l’évolution des frais bancaires.

Le cabinet Sémaphore Conseil a étudié l’évolution des tarifs sur un panel représentatif de dix-huit banques depuis 2010 – banques nationales, mutualistes, régionales et banques en ligne. Sur ces dix années, les banques ont mis l’accent sur une stratégie de numérisation des services, l’objectif étant de diminuer globalement les prix des services assurés via internet et d’augmenter les tarifs en agence. Ainsi, les frais de consultation de compte à distance, qui étaient encore payants pour environ 70 % des banques du panel en 2010, sont désormais gratuits partout.

Dans le même temps, la gratuité des virements sur internet s’est généralisée, alors que les mêmes opérations réalisées en agence ont vu leur coût moyen augmenter de 28 % – l’étude évoque un tarif de 3,70 euros par virement.

Toujours en agence, la mise à disposition de fonds coûte aujourd’hui 61 % de plus qu’il y a dix ans. Et les frais de location de coffre-fort ont progressé de 14 %, avec une facture moyenne de 99 euros.

Selon cette même étude, les frais de tenue de compte sont désormais facturés, dans le panel concerné, 17,06 euros par an en moyenne, contre 1,43 euro dix ans plus tôt, soit une hausse vertigineuse de 1193 % en dix ans. Les banques ne baissent pas les prix des cartes, qui restent assez coûteuses pour beaucoup d’entre elles, jusqu’à 325 euros par an pour une carte Visa Infinite en 2018, et dont les cotisations annuelles ont progressé de 5,5 % à 14,8 % sur dix ans. Tel est le contexte général.

Ces sommes pourront paraître dérisoires à des gens qui n’ont pas de difficultés en fin de mois, mais elles viennent sensiblement grever les moyens limités de nos concitoyens les plus en difficulté.

Selon les associations de consommateurs, 78 % des personnes en situation d’endettement n’ont bénéficié d’aucun plafonnement et 91 % des clients touchant moins de 1 800 euros de revenus et payant plus de 40 euros de frais pour incidents par mois n’ont pas non plus bénéficié du plafonnement à 25 euros, sur lequel les banques s’étaient engagées.

Par ailleurs, certains frais sont, à nos yeux, totalement injustifiés, par exemple ceux qui sont imputés lors de la saisie à tiers détenteur – c’est une véritable double peine qu’il conviendrait, selon nous, d’interdire. Citons encore le rejet de prélèvement qui est facturé 20 euros, alors que son coût administratif n’est en réalité que de quelques centimes.

Autant d’opérations qui viennent alimenter le montant de 6,5 milliards d’euros cité par notre collègue dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. Certes, la Fédération bancaire française semble contester ce chiffre, ce qui peut paraître surprenant pour des professionnels du chiffre au quotidien qui doivent pourtant être capables, à mon avis, de comptabiliser ces opérations ! Une commission d’enquête parlementaire serait-elle nécessaire pour obtenir ce chiffre ?

Un premier bilan établi fin 2019 montre que le principe du gel des frais bancaires a été globalement appliqué par la majorité des banques. Une analyse détaillée devrait être publiée très prochainement sur ce sujet – M. Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, en parlait récemment. Il y a donc eu quelques exceptions notables.

Sans doute faudra-t-il exercer une certaine vigilance quant à l’évolution des tarifs sur l’année en cours. En effet, il faut absolument éviter une forme de rattrapage du gel de 2019. Toute augmentation serait socialement et moralement inacceptable. La force d’une loi serait la bienvenue de ce point de vue.

La pandémie en cours a des effets économiques énormes ; dans ce contexte, les millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté seraient particulièrement exposés à ce risque.

L’action du Gouvernement pour contrer ces effets nous semble insuffisamment volontariste et les propositions des banques souvent trop complexes, voire restreintes. C’est pourquoi le groupe CRCE est d’accord avec le présent texte qui propose un encadrement global de tous les frais bancaires.

Le plafonnement proposé par ce texte permet de laisser une marge de manœuvre assez large aux négociations entre le secteur bancaire et le Gouvernement, puisqu’il sera décidé par décret et garde la forme actuelle d’un plafonnement par mois et par opération. Toutefois, un plafonnement obligatoire par an serait, selon nous, le bienvenu.

Permettre à différentes instances, comme la Banque de France ou les présidents des conseils départementaux, d’enjoindre aux banques de proposer à certaines personnes l’offre spécifique renforcerait la visibilité de cette option et du statut de fragilité financière, qui est aujourd’hui appliqué de manière plus ou moins inégalitaire selon les établissements et mériterait d’être mieux défini.

La croissance soutenue des frais bancaires sur les dernières années et les stratégies de contournement des banques pour compenser les plafonnements partiels existants sont une véritable plaie sociale qui accroît les inégalités et fait des clients une variable d’ajustement pour réaliser des marges, à l’heure où les taux sont à la baisse et alors même que les banques devraient être au service de leurs clients.

Réglementer davantage le secteur bancaire incitera les banques à limiter les coûts de gestion liés aux irrégularités et les encouragera à mieux accompagner les personnes en difficulté financière. Au-delà d’une telle réglementation, nous défendons la mise en place de sanctions pour les établissements ne respectant pas les plafonnements. Des instances comme l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Observatoire de l’inclusion bancaire doivent être mobilisées pour aller vers plus de transparence.

Nous voterons donc cette proposition de loi de bon sens qui invite à une tarification responsable et à une meilleure inclusion bancaire.

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