Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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A quelques mois des présidentielles, une nouvelle opération politicienne

Reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés -

Par / 19 janvier 2012

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le problème particulièrement sensible et douloureux de la place et du rôle des harkis lors de la guerre d’Algérie fait de nouveau l’objet, comme d’autres sujets en cette période préélectorale, d’une opération politicienne.

À l’approche des élections présidentielle et législatives, mais aussi du cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, quelques membres de la majorité présidentielle ont jugé opportun de rouvrir un débat sur cette question délicate. Avec la proposition de loi dont nous discutons ce matin, ceux-ci veulent manifestement reconquérir une partie de l’électorat déçue par le président-candidat.

En effet, quelle urgence, sinon une finalité électoraliste, imposerait d’examiner, avant la prochaine suspension des travaux parlementaires, un texte purement symbolique, déposé voilà un an pour amadouer des associations de défense de la communauté harkie qui considèrent que les promesses faites n’ont pas été tenues ?

Comme nous l’a exposé le rapporteur, Sophie Joissains, ce texte ne vise qu’à parachever un travail de reconnaissance morale qui n’a aucune incidence sur les revendications matérielles de cette communauté.

La proposition de loi de notre collègue Raymond Couderc est un affichage politique, qui se limite à combler une lacune de la loi du 23 février 2005, dont l’une des principales mesures était l’interdiction de la diffamation et de l’injure à l’égard des anciens harkis ou de leurs descendants. Cette loi revalorisait également l’allocation de reconnaissance versée aux harkis. Mais les sanctions pour diffamation et injure étaient renvoyées, sans autre précision, à l’état du droit en vigueur.

La Cour de cassation ayant jugé ce texte insuffisant pour permettre d’appliquer des peines, la proposition de loi qui nous est soumise permet de se référer directement aux peines déterminées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Elle permet aussi aux associations de poursuivre en justice en leur octroyant les droits de la partie civile.

En renforçant juridiquement la protection de ces hommes et des associations qui les représentent, ces dispositions pourraient paraître justes, sembler logiques, anodines et sans grande portée. Toutefois, derrière cette apparence se cachent de graves ambiguïtés.

Dans le cas d’espèce, la qualification d’injure et de diffamation, à partir de l’utilisation de façon péjorative du terme « harki » à l’égard d’individus et de leurs associations, restera difficile à établir, notamment parce que les associations de défense des intérêts des anciens harkis sont maintenant essentiellement composées de leurs fils et de leurs petits-fils, qui n’ont donc pas eux-mêmes la qualité de harki.

En outre, la plupart de ces associations se sont laissé instrumentaliser par une droite et une extrême droite qui interprètent de manière souvent fallacieuse l’engagement, plus ou moins volontaire et conscient, de ces supplétifs de l’armée française durant la guerre d’Algérie.

En effet, il faut lucidement reconnaître que la plupart d’entre eux, même si leur attachement à la France pouvait être réel, se sont engagés essentiellement pour survivre économiquement, par souci de sécurité, en se croyant à l’abri sous le drapeau français.

Dans un tel contexte, et au vu de ces considérations, on peut considérer que cette proposition de loi s’apparente à ces lois mémorielles qui interprètent la réalité des faits et imposent aux historiens de se conformer à une vérité officielle, alors même que le rôle et la place qu’ont tenus les harkis pendant la guerre en Algérie, mais aussi en métropole comme supplétifs de la police parisienne, sont encore loin d’avoir été établis de façon objective et dépassionnée.

La complexité et les antagonismes exacerbés de ce conflit expliquent en grande partie que, pour certains, le terme « harkis » puisse être devenu synonyme de « traîtres ». Avec une loi de ce type, des chercheurs qui estimeraient par exemple que ces Algériens engagés aux côtés de l’armée française ont trahi leur peuple qui se libérait de l’oppression coloniale, ne risqueraient-ils pas d’être condamnés ? Est-il judicieux de raviver aujourd’hui, de cette façon, des souvenirs douloureux qui divisent aussi bien la population française, dont ils font partie, que les descendants, eux aussi français, de l’immigration algérienne ?

Grands oubliés de l’histoire, parias en France, collaborateurs de l’ennemi en Algérie, les harkis souffrent certes d’un manque de reconnaissance. Cependant, il est vraiment paradoxal et contradictoire que cette proposition de loi émane de la droite, qui prétend se faire le défenseur exclusif de leur honneur et de leur réputation. En effet, compte tenu de ses responsabilités dans les drames qu’ils ont vécus et de la situation déplorable dans laquelle ont longtemps été maintenus leurs descendants, cette prétention est usurpée.

Je rappelle que c’est le gouvernement en place en 1962, alors que le général de Gaulle était Président de la République, qui les a désarmés et laissés, avec leurs familles, se faire massacrer par les partisans du nouveau pouvoir algérien. Par la suite, ce sont aussi des gouvernements de droite qui ont relégué dans des camps, à l’écart de nos villes et de nos villages, comme pour les cacher à la population française, ceux d’entre eux qui avaient souhaité venir en métropole. Surtout, ce sont ces mêmes gouvernements qui, pendant vingt ans, ont refusé de satisfaire leurs légitimes revendications matérielles, en matière d’indemnités ou d’aides à l’emploi et au logement, puis d’abord de mettre fin aux discriminations de toutes sortes, notamment sociales et économiques, auxquelles ont été confrontés leurs enfants et petits-enfants.

Dans ce contexte, et compte tenu de la complexité de cette question, le groupe communiste républicain et citoyen, dans sa grande majorité, ne prendra pas part au vote sur cette proposition de loi. Nous ne sommes pas dupes des arrière-pensées qui motivent la décision de la droite de la soumettre aujourd’hui au Sénat.

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