Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Haute autorité de lutte contre les discriminations : 2ème lecture

Par / 22 décembre 2004

par Eliane Assassi

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Nous voici arrivés quasiment au terme de l’examen de ce projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations. Pourtant, malgré deux lectures, le groupe CRC ne peut s’empêcher d’émettre des réserves sur ce texte, qui comporte de nombreuses imperfections, malgré l’ajout des dispositions relatives à la lutte contre l’homophobie et le sexisme.

Le premier reproche que l’on puisse faire concerne la composition de la HALDE. En effet, en l’état, la désignation de ses membres notamment par les plus hautes autorités politiques, ne garantit ni le pluralisme ni l’indépendance qu’exige pourtant une telle institution. Le Sénat avait, en 1ère lecture, tenté de remédier à cette carence en introduisant justement cette notion de respect du pluralisme au sein de la Haute autorité. L’Assemblée nationale a fait le choix de la supprimer. Pourtant, dans le débat, plusieurs arguments ont été avancés pour la maintenir. Ainsi, il a été rappelé que Monsieur Jean-Louis Debré, Président de l’Assemblée Nationale, a eu récemment l’occasion de montrer l’exemple en matière de pluralisme en se tournant vers l’opposition afin que celle-ci propose une personnalité à nommer à la Haute autorité de santé.

Mais si l’attitude de Jean-Louis Debré montre le champ des possibles et est respectable, il n’est pas certain qu’elle se perpétue. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à réintroduire cette notion de pluralisme, notion qui est suffisamment large pour ne pas prétendre contraindre les autorités de nomination dans leur choix.

J’insiste encore aujourd’hui pour préciser qu’en matière de lutte contre les discriminations, ce sont les associations qui sont le plus qualifiées pour identifier les pratiques discriminatoires et trouver les moyens de lutter contre celles-ci. Il est donc dommage d’écarter le monde associatif de cette haute autorité.

Le second reproche que nous adressons au gouvernement est de n’avoir pas empêché la suppression par l’Assemblée nationale des délégués territoriaux, alors que lorsque notre groupe a défendu cet amendement en 1ère lecture, le gouvernement et la commission y étaient favorables. Pourquoi un tel revirement ? Il semble pourtant que l’intérêt des victimes est justement de bénéficier d’une aide de proximité et rapidement accessible. La Commission nationale consultative des droits de l’homme avait elle-même, dans son avis rendu sur ce texte le 17 juin 2004, exprimé la nécessité de « préciser que la Haute autorité peut établir des délégations territoriales. »

L’Assemblée nationale a supprimé l’article 3 bis au motif que cette disposition était d’ordre réglementaire et n’avait donc pas sa place dans la loi. Certes. Mais cet article avait surtout pour objet de traduire, et d’inscrire dans la loi, une intention que nous croyions partagée par tous : faire de cette autorité une institution caractérisée par sa proximité, sa territorialisation, sa facilité de saisine et d’accès en générale. Apparemment, l’Assemblée préfère en faire une institution centralisée. Si ce n’était pas son intention, il me semble alors devoir rétablir la mise en place de délégués territoriaux : c’est une garantie que nous devons donner aux personnes victimes de discriminations.

Lorsque ce projet de loi nous a été présenté la première fois, nous émettions un certain nombre de doutes quant à l’efficacité de cette Haute autorité. Les moyens humains, matériels et financiers nous semblaient insuffisants, l’avenir des personnels du service téléphonique du numéro « 114 » était incertain : dans ces conditions, la Haute autorité était-elle en mesure de mener à bien ses missions ? Alors que certaines garanties ont été apportées par notre assemblée, l’Assemblée nationale a pour sa part annulé les principales, et notre interrogation première reste la même. Nous espérons donc que vous accepterez nos amendements visant à réintroduire des dispositions essentielles au bon fonctionnement de cette haute autorité.

J’en viens maintenant aux dispositions relatives à la lutte contre les propos homophobes et sexistes. L’Assemblée nationale a eu la sagesse de ne pas adopter l’amendement de Jean-Paul Garraud, qui permettait aux seules associations d’utilité publique de se constituer partie civile et qui réduisait à néant le dispositif du projet de loi, puisque aucune association de lutte contre l’homophobie n’est à ce jour reconnue d’utilité publique.

Or, il est indispensable que des femmes et des hommes, victimes de discriminations à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, puissent se faire défendre par les associations et que celles-ci puissent se porter partie civile en cas de procès. Par ailleurs, elles apportent non seulement un soutien moral mais aussi matériel et logistique, au travers de conseillers juridiques qui mettent leurs compétences au service des victimes. Cela aurait été nier leur travail que d’adopter l’amendement de Jean-Paul Garraud et c’est pourquoi nous voterons -comme nous l’avons fait en 1ère lecture- les articles relatifs au renforcement de la lutte contre les propos homophobes et sexistes.

Toutefois, nous regrettons que le Gouvernement mette l’accent uniquement sur la sanction a posteriori des propos homophobes ou sexistes. En effet, je pense qu’il faut également agir en amont car c’est par l’éducation, l’information et le débat que la société réussira le plus efficacement à combattre l’intolérance, que celle-ci concerne le sexe, l’orientation sexuelle, mais aussi l’origine ethnique ou encore le handicap. L’acceptation des différences et le respect de la dignité de chaque être humain ne doit pas relever du seul juge pénal. La société doit être mise devant ses responsabilités.

Nous devons -nous les élus- lui en donner les moyens et il appartient à l’Etat de protéger les libertés des personnes, leur égalité de traitement et de faire en sorte que ces personnes vivent leur vie en toute tranquillité, en toute dignité sans en subir de conséquences néfastes. C’est pourquoi, je le disais, il convient d’associer plusieurs acteurs étatiques afin de sensibiliser dès le plus jeune âge les enfants à la lutte contre toutes les discriminations. Nous avions déposé un amendement en ce sens en 1ère lecture.

En effet, nous souhaitions qu’un enseignement obligatoire et régulier sur le racisme, le sexisme, l’homophobie et, de manière générale, sur toutes les formes de discriminations, soit dispensé dès l’école primaire, et que cet enseignement continue d’être assuré en second cycle. L’Education nationale apparaît comme un des acteurs essentiels dans la lutte contre les discriminations. Mais il faut ici une volonté politique pour mettre en œuvre de tels programmes. Que nous proposez-vous en ce sens ? Rien n’est dit dans ce projet de loi.

En conclusion, nous regrettons que le dispositif créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations, déjà insuffisant à l’origine, ait été affaiblit par l’Assemblée nationale. Et si nous approuvons les dispositions prises en faveur de la lutte contre les propos homophobes et sexistes, nous attendrons de voir ce que le gouvernement envisage de faire pour renforcer la légitimité de la Halde avant de nous prononcer sur l’ensemble du texte.

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Bio Express

Éliane Assassi

Sénatrice de Seine-Saint-Denis - Présidente du groupe CRCE
Membre de la commission des Lois
Elue le 26 septembre 2004
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