Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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La baisse du nombre de pompiers volontaires est un effet parmi d’autres de la RGPP

Sapeurs-pompiers volontaires -

Par / 6 juillet 2011

Je tiens tout d’abord à saluer le travail exemplaire des sapeurs-pompiers, qu’ils soient volontaires ou professionnels, et à leur rendre hommage, eux qui, souvent, mettent leur vie en danger et parfois la perdent pour sauver celle des autres.

Des pompiers sont d’ailleurs présents dans les tribunes pour suivre nos délibérations, qui, pour une part, décideront de leur sort. Ne les décevons pas !

Le Gouvernement nous a successivement proposé de pallier le manque d’effectifs dans la police nationale par des milices citoyennes, pudiquement appelées « réserves civiles de la police nationale », puis de pallier le manque d’effectifs dans la justice en mettant en place des jurés populaires. Et il nous proposera bientôt de pallier le manque de fonctionnaires en faisant travailler gratuitement les bénéficiaires du RSA.

Autant vous dire que nous craignons le prochain expédient qui éludera toujours un peu plus les questions de fond, qui ne cessent de se poser, même en dehors des périodes électorales.

En attendant, occupons-nous du volontariat !

Objectivement, on ne peut que partager le constat du déclin de l’engagement volontaire des sapeurs-pompiers.

La France comptait 207 583 sapeurs-pompiers volontaires en 2004 ; elle n’en compte plus que 196 800, avec une durée d’engagement qui tend à se réduire à dix ans. Parallèlement, le rythme annuel des interventions a explosé, passant de 3,5 millions à 4,2 millions entre 2004 et 2009.

Nous pensons qu’il y a des causes structurelles à cela.

La croissance de la demande de soins de la population vieillissante, couplée à la désertification médicale, a notamment fait croître le recours aux sapeurs-pompiers. Cette situation a été aggravée sur le terrain par la réorganisation des services d’urgence hospitaliers, qui a entraîné la fermeture de certaines unités, sans concertation avec les SDIS.

Le « 15 » est saturé et rebascule les appels vers les pompiers, seuls intervenants multidisciplinaires disponibles 24 heures sur 24.

Et c’est justement parce qu’ils se rendent disponibles 24 heures sur 24 que le temps de repos minimum, que la présente proposition de loi entend contourner, est nécessaire.

Confierait-on son corps à un chirurgien ou ses enfants à un chauffeur de car scolaire qui n’auraient pas disposé, l’un et l’autre, du temps de repos nécessaire au recouvrement de leurs esprits.

Il en est de même pour les pompiers, qui procèdent souvent à de lourdes opérations. Je sais néanmoins que des chefs d’opération sont très attentifs à ce que les astreintes et les gardes ne soient pas systématiquement assurées par des sapeurs-pompiers volontaires. Ce faisant, ils s’efforcent de tenir compte de leur spécificité, qui est d’exercer cette activité parallèlement à leur activité professionnelle.

Les vacations horaires sont payées entre 8 et 13 euros et la couverture sociale est lacunaire. Mes chers collègues, comment s’étonner, dans ces conditions, de la baisse du nombre des volontaires ?

La situation actuelle est donc aussi le fait de choix politiques, dont la majorité seule doit répondre. La révision générale des politiques publiques a largement participé à la dégradation des conditions de travail des sapeurs-pompiers, tant professionnels et volontaires. Dès lors, ces conditions de travail ne peuvent que se précariser et favoriser l’apparition de multiples problèmes.

Je pense en particulier au double statut du sapeur-pompier professionnel, qui intervient à la fois en qualité de professionnel dans une commune et de volontaire dans une autre.

M. Éric Doligé. Ce n’est pas nouveau !

Mme Éliane Assassi. Et alors ? Ce n’est pas une raison pour ne rien faire !

Je pense aussi au recours abusif aux pompiers volontaires qui sont substitués aux pompiers professionnels, notamment pour les gardes « postées ».

M. Éric Doligé. N’importe quoi…

Mme Éliane Assassi. Si c’est n’importe quoi, prenez donc la parole puisque vous en avez la possibilité !

M. Éric Doligé. Je vais la prendre et je vous répondrai !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Chacun pourra s’exprimer !

Mme Éliane Assassi. Les sapeurs-pompiers professionnels ne sont pas des variables d’ajustement, pas plus que les sapeurs-pompiers volontaires ne sont des pompiers de seconde zone ! Il n’en demeure pas moins que c’est le sentiment qui prévaut à ce jour chez les intéressés et que nous partageons.

Le volontariat est loué, tant dans le rapport que dans vos propos. Pour notre part, nous ne condamnons certainement pas la démarche qui conduit nos concitoyens à s’engager, non plus que l’esprit qui la guide. Cette démarche est honorable et doit indubitablement être pérennisée. Cela dit, le volontariat ne doit pas mettre à mal l’égalité de nos concitoyens devant le service public, matrice de notre droit.

L’égalité de nos concitoyens devant le droit à la sécurité civile est un impératif qui s’impose à tous les décideurs publics. L’égalité de nos concitoyens devant le maillage territorial en découle directement.

Or un constat s’impose : les sapeurs-pompiers volontaires représentent 80 % de l’effectif total des sapeurs-pompiers français et effectuent 64 % des interventions sur le territoire ; dans certains départements, comme la Lozère, ils représentent 99 % des effectifs.

On ne peut admettre que, pour l’exercice d’une mission d’une telle importance, la couverture ne repose que sur le volontariat. Il appartient donc à l’État, en théorie, de donner une impulsion légale au maillage territorial.

Si les maires, les présidents d’EPCI et les présidents de conseils généraux sont, de fait, les mieux placés pour définir la couverture des risques locaux, l’État ne pouvant assurer l’intégralité de cette mission sur l’ensemble du territoire, il est toutefois inacceptable que l’État se décharge ainsi de ses responsabilités, notamment en matière de cohérence et de coordination des dispositifs et de péréquation des effectifs.

La sécurité civile illustre parfaitement le désengagement de l’État, qui transfère des compétences vers des collectivités pourtant déjà en phase d’asphyxie avancée. La situation de ces dernières ne peut aller qu’en s’aggravant puisqu’un gel des dotations en leur faveur a été décidé pour les trois ans à venir.

Nous nous devons d’élaborer un budget de la sécurité civile à la hauteur des objectifs assignés à ses missions. Mais, à ce jour, la majorité, pour des raisons d’idéologie partisane, a décidé de n’y consacrer qu’une part minime des crédits budgétaires.

Renforcer l’attractivité du volontariat est une chose, se pourvoir des moyens et effectifs nécessaires à l’exercice de la mission régalienne qu’est la sécurité civile en est une autre.

Comme j’avais eu l’occasion de le souligner au nom de notre groupe lors de la discussion du budget de 2011, la mission « Sécurité civile » ne représente que 0,15 % du total des dépenses du budget de l’État. Les crédits qui lui sont alloués se révèlent bien trop limités pour garantir un dispositif de secours équitable dans tous les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.

Les investissements consentis dans les SDIS sont autant d’économies réalisées pour la collectivité. Et quelles économies, puisqu’elles se traduisent en vies sauvées, en biens protégés, en entreprises et en emplois sauvegardés ! Or la baisse constante des budgets concernés, conjuguée à la hausse simultanée de la demande d’intervention, appelle un accroissement des financements que l’État ne veut pas assumer alors que l’urgence est à une refonte de la sécurité civile dans son ensemble.

Il serait pourtant possible de faire augmenter les budgets des SDIS, mais les moyens à mettre en œuvre nécessitent, il est vrai, un peu de courage politique.

Nous pourrions, par exemple, mettre à contribution les sociétés d’assurance, dans la mesure où elles réalisent leurs profits pour partie grâce à l’efficacité des services d’incendie, qui limitent l’extension des sinistres et réduisent les hospitalisations. C’est ce que nous proposerons d’ailleurs par voie d’amendement.

À ce propos, il est à noter que d’autres pays de l’Union européenne ont déjà pris une telle mesure : la République tchèque, l’Allemagne, ou encore le Portugal. Pour ce dernier, la contribution représente 25 % environ du financement de la protection civile et de secours.

On pourrait aussi faire participer les entreprises à risques, puisque les SDIS sont obligés de s’équiper de matériels spécifiques pour couvrir leurs activités. Mesure-t-on bien l’intérêt économique d’une intervention rapide et efficace des sapeurs-pompiers pour sauvegarder le potentiel de production ?

Lorsque les sapeurs-pompiers interviennent dans ce type d’entreprises, c’est avant tout pour préserver leur appareil de production ; ils le font, ne l’oublions pas, au péril de leurs vies. Et leurs vies valent plus que les profits !

Si mon groupe a pris la décision de ne pas rejeter cette proposition de loi, c’est parce qu’elle contient un certain nombre de dispositions intéressantes en faveur des sapeurs-pompiers volontaires et qu’elle a au moins le mérite de soulever de véritables questions. Voilà pourquoi nous nous abstiendrons.

Mais, sur le fond, nous savons bien que ce texte ne permettra pas d’apporter de réelles solutions au problème de la crise du volontariat et encore moins de répondre aux problématiques des sapeurs-pompiers dans leur ensemble, qu’ils soient professionnels ou volontaires.

À nos yeux, une refonte globale de la sécurité civile s’impose. Cela nécessite un autre véhicule législatif que cette proposition de loi, qui, malgré le travail effectué par Mme le rapporteur, est débattue à la va-vite dans le cadre d’une session extraordinaire.

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