Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’objectif du gouvernement comme de la majorité sénatoriale n’est pas d’être utile, mais bien de faire illusion

Projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution : deuxième lecture -

Par / 5 juillet 2021

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour la seconde fois, nous sommes convoqués pour débattre du projet de loi constitutionnelle visant à modifier l’article 1er pour y inscrire la protection de l’environnement.
Sans surprise, le Sénat, en première lecture, a réécrit le texte afin d’en affaiblir la portée, réduisant l’insertion à une sorte de tautologie renvoyant à la Charte de l’environnement.

Sans surprise non plus, après l’annonce par le Président de la République que le texte continuerait de cheminer, l’Assemblée nationale a rétabli le fameux « garantit » concernant la protection de l’environnement, tout en cédant sur le verbe « lutter » s’agissant de dérèglement climatique.

Nous voilà donc coincés dans un débat purement sémantique sur la portée concrète des verbes « garantir », « préserver » et « agir », dans le cadre d’une navette qui pourrait se poursuivre éternellement.

J’avais dit, en première lecture, que nous nous inscrivions en faux contre cette instrumentalisation du Parlement, une manœuvre dilatoire aux effets pervers. En effet, loin de consacrer constitutionnellement la protection de l’environnement, ces rédactions fragilisent au contraire la Charte, sans créer aucune obligation de quasi-résultats, malgré vos déclarations, monsieur le garde des sceaux.

Pour cette raison, nous vous avions proposé de réduire ces modifications constitutionnelles, non pas aux symboles, mais à l’enrichissement de la Charte, selon les principes de solidarité écologique et de non-régression.

Ces dispositions utiles auraient permis au juge constitutionnel de censurer un certain nombre de lois récentes, comme la réautorisation des néonicotinoïdes ou les mesures de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, la loi ASAP.
Les faits sont cependant têtus, et l’objectif du Gouvernement, comme de la majorité sénatoriale, n’est pas d’être utile, mais bien de faire illusion. Je dois vous le dire : cette farce constitutionnelle commence à nous agacer sérieusement,…

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme Éliane Assassi. … d’autant que, nous le savons tous ici, le fameux référendum qui justifie ce texte ne verra jamais le jour.

M. Roger Karoutchi. C’est évident !

Mme Éliane Assassi. Pour bien me faire comprendre, je citerai Le Guépard de Visconti et son fameux « il faut que tout change pour que rien de change », qui décrit exactement la stratégie de ce gouvernement en matière de transition écologique, avec la complicité de la majorité sénatoriale.

M. Roger Karoutchi. Non !

Mme Éliane Assassi. La discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets en est un exemple criant. Nous avons passé deux semaines à débattre d’une poignée de mesures insignifiantes, déjà obsolètes, qui ne remettent en cause ni l’organisation du système financier et de production ni la préservation des intérêts économiques et les droits acquis.

Cette manière de procéder décrédibilise le Parlement et la politique dans son ensemble. Ce n’est pas en poursuivant ces débats stériles que nous convaincrons nos concitoyens d’user de leur droit de vote.

Cette réforme constitutionnelle passe ainsi à côté de l’essentiel : elle ne porte pas les évolutions constitutionnelles dont notre pays a tant besoin pour sortir de la présidentialisation du régime, pour engager l’irruption citoyenne et le respect de la souveraineté populaire, notamment en rééquilibrant les pouvoirs en faveur du Parlement.

Concernant le climat, aucune réforme constitutionnelle n’aura d’effectivité sans mettre en œuvre de politiques publiques ambitieuses. Il faudrait ainsi, et prioritairement, faire respecter la Charte.

Il faudrait également remettre en cause les accords de libre-échange et les politiques libérales de privatisation et de casse du service public ; engager un vaste plan de reconquête dans les secteurs clés que sont les transports et l’énergie, en s’appuyant sur les opérateurs publics, EDF et la SNCF, voire en revenant dans le capital de certains opérateurs ; enfin, respecter les engagements contractés dans l’accord de Paris.
Des décisions de justice administrative récentes nous y obligent. Le Conseil d’État vient ainsi d’enjoindre le Gouvernement, dans le cadre de « l’affaire du siècle », à prendre toutes les mesures utiles pour que la France tienne ses objectifs. Dans un jugement du 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris avait déjà reconnu une carence partielle de l’État, qui engageait sa responsabilité.

Pour reprendre l’image de la maison qui brûle, je dirais que depuis le début de ce mandat, c’est à grand renfort d’essence que vous nous nourrissez ce feu. Il ne restera bientôt que des cendres et la colère de nos concitoyens ; une colère légitime face à l’inaction climatique de la France, mais aussi, et surtout, face à l’incapacité du politique à agir pour garantir à chacun des conditions d’existence dignes, trop occupés que vous êtes à démanteler tous les conquis sociaux.

Nous confirmons donc notre vote négatif sur ce projet de loi inutile et inopérant, qui n’a d’autre objet que détourner notre attention des véritables objectifs de ce gouvernement.

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