Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Nous estimons nécessaire de désintoxiquer notre société de la finance, de l’argent facile, de l’argent qui corrompt

Rétablissant de la confiance dans l’action publique -

Par / 10 juillet 2017
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Nous estimons nécessaire de désintoxiquer notre société de la finance, de l’argent facile, de l’argent qui corrompt

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les textes que nous examinons aujourd’hui visent à répondre à la défiance de nos concitoyens à l’encontre non seulement de certains comportements de femmes et d’hommes politiques, mais aussi des vases communicants entre fonctions électives ou ministérielles, fonction publique et postes et intérêts privés.

La dernière campagne présidentielle, avec les affaires à tiroirs de l’un des candidats, a porté cette exaspération à son sommet.

Ce grand déballage a été vu comme l’aboutissement d’un parcours apportant régulièrement – trop régulièrement – son lot de révélations défrayant la chronique, de l’organisation de la campagne d’un ancien Président de la République à un ministre du budget avouant, sur une chaîne d’information, détenir des comptes bancaires secrets en Suisse.

Cette situation est insupportable, tant pour nos concitoyennes et nos concitoyens que pour la grande majorité des élus qui ont à cœur le débat politique et la défense de l’intérêt de leurs administrés.

Le nouveau chef de l’État a très vite annoncé sa volonté de présenter un projet de loi sur la « moralisation de la vie publique », rapidement devenu un projet de loi relatif à la « confiance dans la vie démocratique » pour finalement viser à rétablir « la confiance dans l’action publique ». Le président Bas nous propose, quant à lui, de « réguler » la vie publique.

Cette diversité sémantique provient, à mon avis, d’une difficulté à délimiter le champ d’intervention du législateur. Quelle est la source de la perte de confiance évidente de la population dans ceux qui font la politique, membres du Gouvernement et élus, en particulier parlementaires ?

Comment ne pas constater que le nouveau pouvoir fait déjà face un rejet dans l’opinion, notamment s’agissant des ordonnances qui s’attaquent au code du travail, alors même qu’une victoire importante aux élections législatives aurait dû s’accompagner d’une popularité inédite ?

De toute évidence, la raison de cette perte de confiance ne provient pas d’une vision désenchantée de l’exercice du pouvoir, mais plutôt d’un doute profond sur l’utilité du vote pour obtenir les changements attendus.

M. Philippe Bas, rapporteur. Exactement !

Mme Éliane Assassi. Or il ne s’agit pas seulement de supprimer les emplois familiaux ou d’assurer la transparence des revenus et du patrimoine des parlementaires ou des ministres. Le véritable changement, attendu depuis des décennies, c’est une vie meilleure, c’est le retour du plein emploi, ce sont des conditions de logement et de soins décents, ce sont des études gratuites et de qualité, ce sont des retraites permettant de vivre dignement, c’est une lutte résolue, efficace, pour une transition écologique échappant aux lobbies industriels et financiers.

Ce sont l’absence de résultats et les promesses non tenues qui exaspèrent nos concitoyens. Ceux qui « ne sont rien », ceux qui n’ont pas grand-chose, ne supportent plus l’image de certains qui réussissent en violant la loi, en profitant de la situation acquise à travers leur vote.

Nos institutions, qui ne permettent pas une juste représentation de la réalité politique du pays ni une réelle proximité entre représentants, gouvernants et citoyens constituent le deuxième élément de la perte de confiance du peuple.

Le dernier épisode des élections législatives est frappant : Emmanuel Macron et son gouvernement ont obtenu une large majorité à l’Assemblée nationale, alors qu’ils sont minoritaires dans le pays, comme l’a illustré le vote de confiance à l’Assemblée nationale.

M. Philippe Bas, rapporteur. Très juste !

Mme Éliane Assassi. L’opposition est donc totalement minorée par le rouleau compresseur de la Ve République.

M. Philippe Bas, rapporteur. Exactement !

Mme Éliane Assassi. Pourtant, le Président de la République, élu par un vote nécessaire face à Marine Le Pen et non par un vote d’adhésion, entend appliquer son programme à la lettre, armé des prérogatives exceptionnelles que lui accorde la Constitution de 1958, sans tenir compte le moins du monde de la relativité de son élection.

Bien au contraire, il repousse quasiment chaque semaine les limites de l’hyperprésidence.

Madame la garde des sceaux, rétablir la confiance dans l’action publique exige un débat sur le caractère de plus en plus monarchique de notre régime. Irriguer la démocratie demande de casser la verticalité rigide qu’impose le nouveau pouvoir alors que le mouvement En Marche, qui se voulait révolutionnaire, me semble-t-il, visait à privilégier l’horizontalité. Comme trop souvent, on annonce des choses et on fait le contraire une fois élu. C’est de cela que le peuple a assez.

Instaurer la proportionnelle intégrale et non un saupoudrage est une exigence pour rétablir la confiance. Le mode de scrutin actuel apparaît de plus en plus comme un miroir déformant et déformé de la volonté populaire. Il y a danger. Persister dans cette voie peut conduire à une remise en cause de l’institution parlementaire elle-même.

Redonner dans le même temps ses pouvoirs au Parlement doit être une priorité : fin du 49-3, droit d’amendement pleinement restauré, en particulier en matière budgétaire, et pouvoir de contrôle accru sont des exigences. Comment redonner confiance au peuple dans son Parlement si les pouvoirs de ce dernier s’amenuisent en peau de chagrin ?

Les sujets sont vastes, comme celui, par exemple, d’une justice au service de tous, accessible aux plus faibles et à l’indépendance confortée pour affronter les dérives constatées au sein du pouvoir politique.

Le fonctionnement de la haute administration et ses relations avec le pouvoir politique doivent aussi être profondément modifiés, et les allers et retours entre ces deux mondes interdits.

Que dire des excès du CAC 40, de l’explosion des fortunes, des profits indécents gagnés sur des vies asservies et parfois brisées, comme chez Whirpool et GM&S ? La répartition des richesses est une clé essentielle du retour de la confiance dans notre système politique.

Enfin, comment moraliser et rétablir la confiance sans s’attaquer aux liens frappants entre médias, pouvoir politique et finance ? Qui n’a pas constaté, durant la dernière campagne présidentielle, l’influence de certaines chaînes d’information, tombées peu de temps auparavant aux mains d’hommes d’affaires comme MM. Drahi et Bolloré, qui avaient choisi leur camp et le défendaient bec et ongles.

M. Alain Fouché. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Comment ne pas noter également la proximité des instituts de sondage avec les allées du pouvoir ou de la bourse, voire des deux ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Absolument !

Mme Éliane Assassi. Le texte dont nous allons débattre peut apparaître utile pour poser quelques rustines sur un pneumatique au bord de l’explosion.
Interdire les emplois familiaux, remettre en cause les réserves parlementaire et ministérielle, s’interroger sur les moyens de fonctionnement des élus, améliorer encore le tracé des financements des partis politiques et des campagnes électorales : ces mesures constituent parfois des évidences et toujours des progrès incontestables.

Au cours de la discussion, nous apporterons notre soutien à de telles dispositions améliorées de façon souvent pertinente par le président et rapporteur de la commission des lois.

Nous proposerons toutefois d’aller plus loin, même dans ce champ restreint. Je pense notamment à la création d’un véritable statut des collaboratrices et collaborateurs parlementaires, pour répondre enfin aux préoccupations très vives qui s’expriment, particulièrement au sein de notre assemblée, à quelques semaines du scrutin sénatorial.

Nous avons déposé d’autres amendements visant à élargir le débat et à desserrer le cadre imposé par le Gouvernement. Je regrette d’ailleurs que la consultation publique envisagée à l’origine sur ces projets de loi ait été abandonnée. Un aller et retour démocratique sur un tel sujet aurait sans doute été profitable. Vous n’en avez plus voulu, madame la garde des sceaux, ce qui me semble très dommageable.

Mes chers collègues, un grand quotidien a produit un dossier sur la montée en puissance du secteur privé dans nos sociétés occidentales, tout particulièrement en France, vieux pays de mixité de l’économie, des intérêts privés, en un mot de l’argent, en montrant que les occasions de conflits d’intérêts se sont tellement multipliées que les penseurs officiels constatent leur normalité. Ces textes, comme d’autres, viseraient donc simplement à réguler cette nouvelle normalité.

C’est sur cette question de fond que nous divergeons avec les partisans, parfois béats, de ces projets de loi. Le poison de l’argent distillé dans la vie politique ne peut être régulé, il doit être combattu, il doit être éradiqué.
Pour reprendre les mots utilisés par le Premier ministre sur un autre thème, nous estimons nécessaire de « désintoxiquer » notre société de la finance, de l’argent facile, de l’argent qui corrompt.

Pour notre part, trois siècles plus tard, nous serons guidés par les propos de Montesquieu, qui écrivait, dans De l’esprit des lois : « Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintiennent ou se soutiennent. Les forces des lois dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre […]. Mais, dans un État populaire, il faut un ressort de plus, qui est la VERTU ».

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