Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Posons clairement la question de la légitimité du Conseil constitutionnel

Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution -

Par / 18 juin 2015

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi organique du président Mézard et du groupe du RDSE a au moins deux grands mérites.

Premièrement, elle nous rappelle l’extraordinaire inflation législative et l’immense difficulté du Parlement à faire face à la pression de l’exécutif sur le plan de l’élaboration de la loi.

Deuxièmement – est-ce tout à fait volontaire ?–, elle montre bien la fragilité, voire l’arbitraire, des décisions du Conseil constitutionnel, que beaucoup considèrent comme le sacro-saint gardien des normes.

Pour en revenir au premier point, il faut rappeler que l’étude d’impact qui doit accompagner les projets de loi, à l’exception d’un certain nombre d’entre eux – les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, par exemple –, avait pour finalité annoncée de limiter l’inflation législative.

Ce raisonnement avait toute sa logique. En effet, de nombreux textes législatifs sont des lois d’affichage, d’opinion, des lois qui, par médias interposés, doivent démontrer un certain volontarisme. Cet affichage explique que bien souvent – trop souvent ! – les décrets d’application ne suivent pas et que la loi devienne ainsi lettre morte.

Produire une étude d’impact dans les conditions prévues par la loi organique de 2009 devait logiquement conduire à écarter les projets de loi dépourvus d’objectifs réels et sérieux. Or, l’exécutif, dès 2009 et aujourd’hui encore, plutôt que de ralentir la cadence infernale, continue à appuyer sur l’accélérateur, au risque de faire exploser la machine institutionnelle. Les études d’impact sont négligées, voire, de fait, oubliées.

C’est aussi pour souligner ce fait, grave, que mon groupe a décidé, le 28 juin 2014, de saisir la conférence des présidents de la véritable provocation que constituait l’étude d’impact du projet de loi créant les nouvelles régions. Rien n’était mentionné, sinon un verbiage superficiel, sur les conséquences économiques, sociales et financières de la création de ces nouvelles régions. Rien n’était indiqué non plus sur les conséquences pour l’emploi public de cette évolution institutionnelle très importante.

Lorsque nous voyons où nous en sommes aujourd’hui avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, c’est-à-dire la création de répartitions incompréhensibles pour les citoyens – des citoyens qui, de surcroît, ont été écartés du débat –, mais aussi pour nombre d’élus, il aurait mieux valu prendre le temps de réaliser une étude d’impact sérieuse. Les membres de mon groupe et moi-même avons rappelé souvent, trop souvent sans doute, que l’une des sources essentielles des difficultés du travail du Sénat et du Parlement se situait dans l’avalanche des normes produites par l’exécutif, soumis lui-même à l’avalanche des normes bruxelloises et aux exigences de la mondialisation financière.

Il faut le dire au Gouvernement, la pression exercée sur le Parlement, rabaissé au simple rang de chambre d’enregistrement, est dangereuse pour la démocratie, l’efficacité et l’intelligibilité de la loi.

Il faut aller vite, réformer vite. Le débat serait archaïque et il conviendrait de bousculer les immobilismes et les conservatismes. Cette conception autoritaire du fonctionnement des institutions n’est pas acceptable, surtout pas du point de vue d’hommes et de femmes de gauche, qui porte en son cœur la confrontation des idées comme élément de construction démocratique.

Cette proposition de loi organique met ensuite en évidence – second mérite – la faiblesse de l’argumentation du Conseil constitutionnel.

Je ne rappellerai pas la critique historique que nous émettons sur un organisme dépourvu d’une réelle légitimité, qui se comporte comme une Cour suprême intouchable convaincue de sa puissance et de la justesse innée de son jugement, conviction qui provient de l’absence de contestation possible de ses décisions.

L’exposé des motifs de la présente proposition de loi organique est efficace, mais aussi effrayant par certains aspects.

Vous rendez-vous compte, mes chers collègues, que l’on a confié, par exemple, le jugement des questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, ce qui lui permet de faire et défaire la loi comme bon lui semble cinq, dix, vingt ou trente ans après son vote, alors que, sur un point pourtant aussi évident et flagrant que l’examen de l’étude d’impact du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, il a eu – il faut le dire ! – tout faux.

Cette proposition de loi organique pose donc indirectement, mais crûment, la question de la légitimité du Conseil constitutionnel. Nous proposons, pour notre part, d’autres pistes de contrôle de constitutionnalité, en particulier une commission parlementaire de contrôle de constitutionnalité qui permettrait d’apporter une garantie démocratique.

Si la proposition de loi organique soulève de vraies questions, la réponse qu’elle apporte nous paraît totalement contreproductive. Mais peut-être avons-nous mal compris… Il nous semble en effet que ses auteurs proposent en réalité de vider les études d’impact de leur sens en supprimant, en particulier, l’obligation d’évaluation non seulement des conséquences économiques, sociales et financières, mais aussi des conséquences sur l’emploi public d’un texte.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. À juste titre !

Mme Éliane Assassi. Je comprends l’agacement du groupe du RDSE et de son président, et je le partage pleinement. Toutefois, cette forme de terre brûlée ne nous semble pas la bonne option.

Nous ne pouvons donc soutenir l’article unique de la proposition de loi organique initiale, et qui est aujourd’hui devenu l’article 1er du texte qui nous est soumis. En effet, M. le rapporteur, Hugues Portelli, et les membres de la commission des lois ont complété la proposition de loi organique par un certain nombre de dispositions que nous pouvons approuver, même si l’effet sera cosmétique face à la pression législative dont je parlais précédemment.

Justifier la procédure accélérée est une bonne chose, même si nous sommes, pour notre part, partisans de l’empêcher in concreto… Rendre public l’avis du Conseil d’État paraît évident. Enfin, réaliser une étude d’impact sur les amendements substantiels déposés par le Gouvernement est une idée pertinente, mais, me semble-t-il, très difficile à réaliser. Comment, en effet, définir les amendements substantiels ? Là aussi, nous avons proposé à maintes reprises une autre voie, à savoir empêcher le dépôt tardif des amendements du Gouvernement, quels qu’ils soient.

En conclusion, le groupe communiste, républicain et citoyen, sous réserve d’évolution de la proposition de loi organique, s’abstiendra sur ce texte modifié par la commission des lois, en rappelant toutefois fortement son souhait du maintien de l’exigence en matière d’étude d’impact.

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