Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Vous vous attaquez aux agents de la fonction publique que vous faites passer pour des privilégiés

Transformation de la fonction publique (conclusions de la CMP) -

23 juillet 2019

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a donc abouti. La belle affaire !

Au sein de notre groupe, nous ne sommes pas surpris, tant les convergences sont grandes entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle pour briser le modèle social de notre pays, en affaiblissant la puissance publique au profit des intérêts privés…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est exactement l’objet du projet de loi. Vous lisez en nous à livre ouvert ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)

M. Pascal Savoldelli. … et en organisant l’impuissance de l’État à assurer l’intérêt général.

Alors que les services publics de notre pays sont exsangues à cause des politiques d’austérité menées depuis des décennies, et pas uniquement par l’exécutif actuel, vous vous attaquez maintenant au statut de leurs agents,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous êtes encore en dessous de la réalité ! (Mêmes mouvements.)

M. Pascal Savoldelli. … c’est-à-dire à ceux qui assurent au quotidien l’accès aux droits et qui, par leur esprit de responsabilité, pallient tous les dysfonctionnements pour garantir la continuité du service public.

Nous pensons bien au contraire qu’au lieu d’accabler et de vouloir faire passer ces fonctionnaires pour des sortes de privilégiés, vous feriez mieux de vous intéresser à ce qu’ils vous disent. Cela d’ailleurs pour vous aussi, monsieur Bas !

N’entendez-vous pas, par exemple, ces urgentistes en grève depuis plusieurs semaines qui vous disent qu’ils n’en peuvent plus, que c’est dangereux et qu’il va y avoir non-assistance à personne en danger ? Vous ont-ils demandé l’instauration de saisonniers dans la fonction publique hospitalière ? Pas du tout, ils demandent de la stabilité et des moyens supplémentaires !

N’entendez-vous pas ces personnels de l’éducation nationale qui vous alertent sur l’école inégalitaire que vous êtes en train de bâtir ?

Ne voyez-vous pas le mal-être de ces agents qui ne trouvent plus de sens à leur mission, alors qu’on leur demande de faire toujours plus avec moins, de ces fonctionnaires qui voient les conséquences dramatiques de la dégradation du service public décidée au plus haut niveau et devant laquelle ils sont impuissants ?

Ne voyez-vous pas, enfin, les difficultés de ces fonctionnaires qui touchent de petits traitements et dont les conditions de vie sont toujours plus difficiles, notamment en raison du gel du point d’indice ?

Non, manifestement, vous ne les entendez et ne les voyez pas, car vous êtes trop occupés à satisfaire les intérêts de ceux qui savent se faire entendre de votre majorité : les lobbies, les grandes entreprises, les exilés fiscaux, les vrais privilégiés en somme, ceux qui ont intérêt à rendre confus le sens de l’action de la puissance publique.

Dans ce cadre, les quelques avancées du texte en matière de déontologie sont de simples trompe-l’œil, puisque la porosité entre le public et le privé sera renforcée, tout comme les pratiques de pantouflage et de rétro-pantouflage. On verra bien si l’histoire nous donne tort.

Ce projet de loi s’inscrit incontestablement dans une démarche cohérente. Vous bradez les biens publics qui sont le patrimoine de tous. Vous libéralisez les services publics pour permettre à vos amis de faire des profits, et, maintenant, vous remplacez les fonctionnaires par des contractuels, afin « de promouvoir la diversification des viviers de recrutement », comme si ces hommes et ces femmes étaient de vulgaires poissons d’élevage ! (M. le président de la commission des lois rit.)

Vous poursuivez votre casse des outils de l’égalité républicaine. Eh oui, les fonctionnaires sont bel et bien les outils privilégiés de l’égalité républicaine, garantie par la loi. Pour ce faire, notre modèle républicain a permis l’émergence d’une fonction publique de carrière, donc du temps long, fondée sur les notions d’égalité, de responsabilité et d’impartialité. Ce modèle visait à garantir l’accès aux services publics à l’ensemble de nos concitoyens et en tout lieu.

Avec ce projet de loi, vous jouez un jeu extrêmement dangereux qui affecte la continuité territoriale de l’action publique et l’égal accès ou l’accès non discriminatoire au service public.

Ce texte jette le trouble sur la probité des agents du service public, qui demain seront contractuels, donc soumis aux aléas des jeux politiques, puisqu’ils seront très directement employés par l’autorité politique. Nous craignons non seulement le retour de l’arbitraire et du clientélisme, mais également le retour du fonctionnaire sujet, rouage de l’administration, contre lequel le statut s’est construit.

Votre projet, au fond, revient à faire disparaître l’État et à supprimer 120 000 fonctionnaires, que ce soit par le biais des ruptures conventionnelles ou des procédures de détachement d’office.

À ce titre, nous sommes satisfaits que la commission mixte paritaire ait permis de maintenir l’exclusion des conseillers techniques sportifs des détachements d’office votés par le Sénat. C’est un moindre mal.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Tout de même !

M. Pascal Savoldelli. Pour le reste, toutes les aggravations ont été maintenues, notamment les attaques contre le droit de grève. Après la remise en cause du rôle des commissions administratives paritaires, voilà un nouvel exemple du peu de cas que vous faites du dialogue social et des droits fondamentaux.

Enfin, ce projet de loi favorise une précarité accrue par un recours étendu aux futurs contrats de projet, qui concerneront demain l’ensemble des catégories de la fonction publique. Il s’agira de fonctionnaires de seconde zone pour un service de seconde zone, qui justifiera demain la privatisation de pans entiers de service public.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre ce texte qui organise le dépérissement de la fonction publique et la captation de l’appareil d’État par les intérêts privés, en détournant de l’intérêt général les finalités de l’action publique.

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