Les communiqués de presse

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Il faut soustraire à l’influence de l’industrie pharmaceutique le contrôle de la chaîne du médicament

Mediator -

29 juin 2011

Intervention de François Autain lors de la conférence de presse
donnée à l’occasion de la présentation du rapport de la mission commune d’information relative au Mediator, mission présidée par le sénateur de Loire-Atlantique.

Il faut soustraire à l’influence de l’industrie pharmaceutique le contrôle de la chaîne du médicament
Il faut soustraire à l’influence de l’industrie pharmaceutique le contrôle de la chaîne du médicament

Notre mission n’a pas chômé : elle a réalisé 87 auditions publiques ; elle s’est rendue en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne et aux Etats-Unis. Elle a aussi effectué deux déplacements en France, au siège de l’Afssaps et dans les locaux de la Haute Autorité de Santé.

Quelques mots sur les conditions dans lesquelles la mission d’information a vu le jour.

Je suis en effet l’auteur de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête, qui est à l’origine de la mise en place de notre mission commune d’information. Elle a été déposée en bonne et due forme le 19 novembre dernier sur le bureau du président du Sénat, puis présentée par mes soins 5 jours plus tard à ceux de vos confrères et consoeurs qui avaient pu se déplacer jusqu’au Palais du Luxembourg.

Après, plus rien. Il a fallu patienter un long mois pour que la conférence des présidents se prononce positivement sur ma demande. Plus d’un mois, c’est de mon point de vue ce qui s’appelle traîner les pieds ! Au final, nous n’avons pu nous mettre au travail qu’au début du mois de février. Nous avons ainsi accumulé près de 2 mois de retard.

Alors que nous avons été les premiers à demander une mission, d’information, nous avons été les derniers à rendre notre rapport.

Au cours de nos travaux, nous n’avons pas cherché à déterminer les responsabilités que les uns et des autres pouvaient avoir dans la genèse de cette crise sanitaire. Nous avons simplement essayé de comprendre pourquoi notre système de sécurité sanitaire, pourtant reconnu jusque là pour sa qualité, avait failli.
Nous avons essayé d’identifier les dysfonctionnements qui avaient conduit à ce fiasco pour proposer des réformes afin d’éviter le retour d’une nouvelle affaire Mediator.
Nous avons pu vérifier l’exactitude du constat auquel était parvenu l’IGAS dans son premier rapport et qu’il résumait lui-même ainsi :

l’AFSSAPS se trouve « structurellement et culturellement en situation de conflit d’intérêts … par une coopération institutionnelle avec l’industrie pharmaceutique qui aboutit à une forme de coproduction des expertises et des décisions qui en découlent ».

Dans ces conditions, il s’agit de soustraire à l’influence de l’industrie pharmaceutique le contrôle de la chaîne du médicament comme nous l’avions fait pour le politique en 1993 et 1998 à la suite de la crise du sida et de la vache folle.
Nous avons crû à cette époque qu’il suffisait de rendre publics les liens d’intérêts des experts pour les affranchir de toute dépendance à l’égard de l’industrie du médicament.

Force est de constater qu’il n’en à rien été.

Il est possible que nous ayons sous-estimé à l’époque la puissance de cette industrie et les dérives auxquelles elle exposait notre société.
***
D’une manière générale, nous avons pu constater que notre société est menacée d’une surmédicalisation : on prescrit beaucoup trop de médicaments, comme si tout problème de santé appelait nécessairement une réponse pharmacologique.
On va même jusqu’à créer de nouvelle maladies, à seule fin de créer un besoin artificiel de médicaments nouveaux.
Pire encore peut-être, on modifie certaines normes physiologiques pour augmenter le nombre de malades potentiels et les prescriptions qui en résultent.

Ces dérives ne sont pas sans conséquences puisque l’iatrogénie médicamenteuse - largement sous-estimée puisque 5% seulement des effets indésirables sont effectivement signalés - ferait selon les estimations de 13 à 18 000 morts chaque année. Elle est aussi à l’origine de 150 à 170 000 hospitalisations tous les ans.

Bref, la « démédicamentation » de notre société constitue une urgence.

Certes, il ne faut pas pour autant oublier les effets bénéfiques médicaments ; il s’agit plutôt de reconnaître que leur utilisation intempestive peut être aussi nuisible.

Cette « démédicamentation » se heurte à la logique économique qui préside à la commercialisation des médicaments.

L’industrie pharmaceutique, dans un environnement sanitaire globalement déficitaire (10 milliards de déficits cette année encore) reste une activité lucrative, très lucrative. Son taux de rentabilité du capital après impôt ne s’établit-il pas en effet autour de 30%, loin devant les banques et l’industrie pétrolière pourtant déjà bien loties ?

Certes, les activités de recherche auxquelles sont tenues les entreprises du médicament sont connues pour être très onéreuses encore que, dans ce domaine, les chiffres avancés par les laboratoires sont sans communes mesures avec ceux donnés par les universitaires indépendants qui étudient le modèle économique de l’industrie pharmaceutique. Pour les laboratoires, ces dépenses s’élèvent à 800 millions de dollars ; pour les économistes, elles ne seraient en réalité que de 150 millions.

Ajoutons que l’activité de recherche § développement de l’industrie pharmaceutique est dans une impasse : elle ne trouve plus grand chose ! C’est sans doute la raison pour laquelle elle s’en désinvestit pour se tourner vers la puissance publique afin qu’elle en assume la sous-traitance. Pfizer à Londres ou encore Sanofi en France n’ont ainsi pas hésité à fermer leurs centres de recherche.

Remarquons enfin que l’industrie pharmaceutique a toujours privilégié le marketing par rapport à la recherche.

La« démédicamentation » se heurte aussi à l’omniprésence et à l’omnipotence de l’industrie du médicament qui est présente dans tous les secteurs de notre système de santé où elle n’a pas sa place : dans la formation et l’information des professionnels de santé, dans le financement partiel ou total des sociétés savantes (y compris la plus prestigieuse d’entre elles, l’académie de médecine), dans nombre d’associations de patients, dans le secteur de l’éducation thérapeutique…
Sans compter que les laboratoires pharmaceutiques disposent aussi du monopole du financement et de la réalisation des études cliniques pré et post-AMM servant de bases à l’évaluation publique des médicaments.

*

La crise du Mediator créera-t-elle les conditions qui permettront de remédier à la situation ?
Je dois reconnaître que je porte un jugement plutôt positif sur la façon dont le Gouvernement et spécialement le Ministre Bertrand a géré la crise. En revanche, je suis beaucoup plus réservé sur le reste.
D’abord, je n’ai pas beaucoup apprécié que le ministre fasse connaître ses propositions avant que le Sénat ait fait connaître les siennes.

Quand aux propositions, j’estime que, si elles vont dans le bon sens, elles ne sont pas suffisantes.

Parmi celles qui me semblent bienvenues et qui étaient attendues depuis bien trop longtemps puisqu’elles étaient préconisées dans des rapports publics depuis 15 ans ainsi que dans l’excellent rapport du Sénat publié en août 2006, on compte :

-  le financement direct par l’Etat de l’AFSSAPS ;
-  la généralisation des essais comparatifs ;
-  le meilleur encadrement des prescriptions hors AMM ;
-  la baisse du nombre de médicaments mis sur le marché ;
-  la réforme de la visite médicale à l’hôpital ;
-  ou encore la fin du financement par l’industrie de la formation des professionnels de santé ; à tout le moins si mon interprétation des propos du ministre est la bonne et que la mesure qu’il a annoncée vise tant le développement professionnel continu des médecins que leur formation initiale.

Pour notre part, nous proposant autre chose en matière de mise sur le marché des médicaments ; Madame la Rapporteure vous en parlera certainement tout à l’heure.

Pour le reste, je m’interroge sur la volonté du ministre de s’attaquer résolument aux dysfonctionnements qui ont permis l’affaire du Mediator, qui selon moi ont trait à l’indépendance et l’impartialité de l’expertise, ainsi qu’au nombre trop important de médicaments mis sur le marché chaque année.

Pour ce qui concerne l’indépendance des experts - ou si on veut poser le problème autrement, la non dépendance des experts vis à vis de l’industrie pharmaceutique – la publication des liens d’intérêts, comme je vous l’ai exposé en introduction, ne suffit pas.
Si nous sommes d’accord avec le ministre pour demander à ce que les experts soient moins nombreux et moins longtemps en place, nous estimons qu’il est nécessaire que tous les experts internes de la future agence du médicament, l’ANSM, n’aient plus de liens avec l’industrie pharmaceutique. A cet égard, le directeur général de l’AFSSAPS actuel doit devenir un exemple puisque, au moment de sa nomination, il n’avait plus de liens d’intérêts depuis 5 ans.

La baisse du nombre de médicaments mis sur le marché passe moins par un retrait ou un déremboursement des médicaments qui existent déjà que par une diminution drastique du nombre de médicaments mis sur le marché chaque année : il nous faut donc agir sur les flux et ne plus mettre sur le marché de nouveaux médicaments que s’ils présentent un réel intérêt thérapeutique.

Nous ne sommes naturellement pas opposés, comme le propose le ministre, à une réévaluation des médicaments les plus anciens. Mais, instruits par l’échec de la même mesure mise en œuvre par l’un de ses prédécesseurs en 1999, nous sommes sceptiques sur sa faisabilité et donc sur son efficacité.
Le Mediator d’ailleurs faisait partie des 835 médicaments considérés à cette époque comme insuffisants et qui devaient être retirés ou déremboursés ; il aura fallu attendre 10 ans pour qu’il le soit effectivement.

Comment croire à l’efficacité d’une telle mesure quand on constate que des médicaments mis sous surveillance renforcée et figurant sur la liste des 76 rendue publique par l’AFSSAPS, ont été considérés par la commission de transparence lors de leur mise sur le marché ou pour certains comme le NIMESULIDE (NEXEN®) plus récemment, comme ne devant plus être pris en charge par l’assurance maladie ?
Nous en avons identifié 25 dans ce cas. L’Actos® en fait partie d’ailleurs.
Qu’attend-on pour les suspendre ? Par surcroît, une telle décision rendrait plus crédible la proposition du ministre.

Nous estimons que la vraie mesure qui réduira de manière sure et pérenne l’offre pléthorique dont disposent les médecins consiste à ne plus autoriser que les médicaments qui constituent un véritable progrès thérapeutique par rapport au traitement de référence médicamenteux ou non déjà disponible. 10% seulement des médicaments autorisés chaque année répondent à ce critère. Ce qui signifie que, chaque année, on pourrait faire l’économie de quelques 200 spécialités sans que la santé des patients en soit affectée.

On peut même, sans risque de se tromper, affirmer que du même coup on épargnerait aux malades les effets indésirables potentiels liés à ces médicaments inutiles.
Ajoutons que ces fausses innovations sont remboursées très souvent à des prix très supérieurs à ceux de leurs homologues anciennement commercialisés et qui sont très souvent génériqués.

A ce petit jeu, non seulement la santé publique est perdante, mais aussi l’assurance maladie.

Maintenant, je vais laisser la parole à Madame la Rapporteure qui va vous exposer les grandes lignes du rapport et surtout les recommandations qu’elle a proposées à la mission et qui ont toutes été acceptées.

On nous a beaucoup reproché de ne pas avoir prévu une publication de nos travaux moins tardive, de même que nous aurions souhaité que le ministre attende de connaître nos propositions pour faire connaître les siennes. Ce handicap n’est qu’apparent : il me permet de les critiquer.

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