Les courriers officiels

Lettre à Monsieur Hugues DALLEAU,Président général de l’UNC

commémoration de la fin de la guerre d’algérie -

Par / 26 février 2010

Monsieur le Président,

Suite à votre courrier du 6 février dernier concernant la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie. Je tenais à vous répondre par écrit afin de vous exposer ma position.

Quarante ans après la signature des accords d’Evian, il est temps pour la France de regarder son histoire en face et de permettre au travail de mémoire de s’effectuer avec la rigueur et la sérénité nécessaires. L’instauration d’une journée du souvenir du conflit et de ses victimes répond à ce souci de clarification et d’apaisement.
Le 19 mars, jour de l’application du cessez-le-feu, s’impose à l’évidence comme l’unique date capable de symboliser les conflits d’Afrique du Nord. Celle-ci s’inscrit par ailleurs dans la tradition du souvenir qui fait logiquement du jour du cessez-le-feu, le jour commémoratif d’un conflit.
Le 19 mars 1962, les armes se sont tues, mais l’armée française n’a pas été défaite. En procédant, conformément aux accords d’Evian, à l’application du cessez-le-feu sur le territoire algérien, la France ne s’incline pas militairement ; elle effectue une démarche politique de décolonisation mettant ainsi un terme à un conflit brutal et sans issue. Cette mutation n’a pu, hélas, se réaliser sans douleur et sans violence. Il appartient désormais à la France de regarder cette histoire en face, avec lucidité, et hors de toute vision partisane.
La reconnaissance d’une journée nationale du souvenir à la mémoire des victimes des combats en Afrique du Nord s’inscrit ainsi dans la tradition commémorative du 11 novembre et du 8 mai. Plus que la célébration d’une victoire militaire, ces deux journées sont l’occasion de rendre hommage aux victimes et de célébrer le silence des armes, la paix retrouvée et la victoire de la démocratie sur la barbarie. Ainsi la commémoration du 8 mai est également l’occasion de célébrer plus d’un demi-siècle de paix en Europe occidentale fondée sur la réconciliation des ennemis d’hier, la France et l’Allemagne, moteurs de la construction européenne.
En second lieu, la reconnaissance officielle d’une journée nationale du recueillement à la mémoire des victimes des combats en Afrique du Nord doit permettre de maintenir vivace le souvenir des souffrances subies par l’ensemble des parties prenantes à ce conflit, qu’elles soient militaires ou civils, Français ou Algériens.
Il faut signaler que cette date ne marque pas à proprement parler la fin de la guerre d’Algérie ; d’autres événements très douloureux ont eu lieu après cette date.
Cependant le 19 mars apparaît comme la date la plus opportune pour rendre hommage à toutes les victimes de cette guerre en raison de sa double et indissociable signification.
Pour les soldats et leurs familles, le 19 mars 1962 a été vécu comme la fin de combats cruels et le début d’une période de difficile réintégration dans la vie civile. Pour les rapatriés, cette date a signifié l’abandon de leur terre natale. Quant aux Harkis, cette date a été le point de départ d’un choix qui s’est avéré lourd de conséquences. On doit d’ailleurs déplorer très vivement les conditions désastreuses dans lesquelles ces personnes ont été par la suite accueillies en France. Elles ont été les victimes de discriminations inacceptables. Cet hommage de la Nation concerne au demeurant plusieurs générations : les parents des soldats et les enfants des anciens supplétifs de l’armée française. Au cours des dernières années, la deuxième génération de Harkis a justement rappelé aux pouvoirs publics le rôle joué par leurs parents aux côtés de l’armée française ; ils se battent légitiment pour que leur sort et celui de leurs parents encore en vie, jusqu’à présent peu enviable, s’améliore dans notre pays.
Pour toutes les victimes de ces combats, il n’est pas de plus grande douleur que le silence gêné dans lequel la France les a longtemps tenus. Choisir de reconnaître une journée pour rendre hommage à ces femmes et à ces hommes, c’est perpétuer le souvenir des souffrances subies par chacun ; c’est également permettre au travail de deuil et de mémoire de s’effectuer enfin.
La reconnaissance d’une journée nationale du souvenir doit enfin contribuer, par le climat de coopération qu’elle devrait susciter à ce que Français et Algériens écrivent de concert cette histoire qui leur est commune, comme les historiens français et allemands l’ont fait pour la première et la seconde guerre mondiale.
Il est désormais temps d’inscrire durablement l’évocation de cette guerre dans notre mémoire collective.
Monsieur le Président, restant à votre disposition, recevez mes respectueuses salutations.

Isabelle PASQUET

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