Nous vous demandons l’abandon de ce funeste projet
Suppression des autotrains -
Par Éliane Assassi / 16 avril 2019Monsieur Guillaume Pepy
Président du directoire de la SNCF
Monsieur le Président,
Nous avons appris par voie de presse le projet de l’entreprise publique SNCF de mettre un terme à l’offre de service Autotrain à compter du 14 décembre 2019.
Selon « Le Parisien », cet abandon serait justifié dans un document interne par le manque de rentabilité de cette activité et le faible taux de remplissage de ces trains.
Depuis plusieurs années, en effet, le service a été progressivement réduit. En 30 ans, le service a perdu 80% de trafic et son modèle a largement évolué avec la disparition des Trains autocouchette (TAC) qui permettait aux clients de voyager dans le même train que leur voiture, répondant ainsi très spécifiquement aux besoins de ces usagers.
Il y a deux ans, sur les treize gares encore desservies par Autotrain, six seulement ont été conservées : une cure d’amaigrissement qui a fait passer le nombre de voitures transportées de 62 000 en 2016 à 33 500 en 2018.
Aujourd’hui, c’est sur ce faible chiffre que s’appuie la volonté de l’entreprise publique de supprimer cette offre.
La logique est donc toujours bien la même, on asphyxie à petit feu le service public le rendant inopérant et marginal pour ensuite l’abandonner au motif de sa dégradation et de son inadéquation avec la demande, une logique purement financière et comptable, bien loin du caractère spécifique d’une entreprise de service public.
Certes, le déficit de cette activité représente l’équivalent de son chiffre d’affaires, soit 6 millions d’euros (M€), avec un taux de remplissage de seulement 68% des trains ; pour autant, les enjeux de transition écologique, a fortiori dans le cadre de l’examen de la loi LOM, qui doit doter le système ferroviaire d’un nouveau droit aux mobilités, plus moderne et en adéquation avec les défis climatiques et sanitaires de notre temps, exige le maintien de cette activité utile.
D’autant que, comme offre de substitution, l’entreprise publique SNCF promeut le transport des voitures par camion ou leur acheminement par la route avec un chauffeur. Comment comprendre une telle démarche anti-écologique, puisqu’elle remplace une offre de transport ferré par une offre de transport par la route, déclinaison de mobilité bien plus émettrice en matière de gaz à effet de serre.
Les associations des usagers des transports, à juste titre, s’indignent de cette possibilité, qui se place en continuité avec la politique menée aujourd’hui par l’entreprise publique, de se placer comme un opérateur comme les autres, plus soucieux de la rentabilité que du bien commun et de la réponse aux besoins de nos concitoyens.
Une telle logique a conduit à l’abandon de la plupart des trains intercités, des trains de nuit, du fret ferroviaire… autant de leviers pourtant utiles pour le rééquilibrage modal et donc la transition écologique. L’outil ferroviaire et son industrie sont, dans notre pays, depuis des décennies continuellement démantelés, sacrifiés sur l’autel du tout marchand et de la libéralisation des transports organisée au niveau des instances européennes.
Par cette lettre, je vous sollicite donc, au nom des sénatrices et des sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), pour l’abandon de ce funeste projet et pour vous présenter, bien au contraire, tout l’intérêt du maintien de ce service, voire même sa reprise, dans une stratégie globale de reconquête du rail sur la route pour en finir avec les stratégies de dumping social, économique et écologique.
Dans l’attente d’une issue que j’espère favorable, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de mes salutations distinguées.