Les courriers officiels

Situation alarmante des mineurs isolés étrangers en France

Des propositions à prendre en compte -

29 juin 2016

Monsieur le Premier ministre,

Après la journée mondiale des réfugiés du 20 juin, je veux profiter de l’éclairage donné à ce sujet pour vous interroger sur les difficultés rencontrées par de trop nombreux mineurs isolés étrangers sur notre territoire, et la mise en danger qu’il en résulte.

Préoccupé par la situation de ces réfugiés dans le Nord de la France, l’UNICEF France a récemment lancé une enquête sur les risques auxquels sont exposés les mineurs non accompagnés vivant dans les différents bidonvilles du Nord de la France et de la Manche. Le constat principal de son enquête est une mise en danger de ces mineurs dans les sites étudiés.

Un constat qui rejoint, de fait, ceux exprimés par de nombreuses associations qui œuvrent sur le terrain pour l’accueil de ces mineurs et qui m’ont récemment alerté sur la situation nantaise, par exemple. Ainsi, selon l’association GASPROM, il y a aujourd’hui une centaine de jeunes mineurs isolés étrangers, âgés de 14 et 18 ans, non scolarisés à Nantes. Près de la moitié de ces jeunes vivent dans la rue, les autres vivent dans deux squats pour mineurs au cœur de Nantes. Cette association lutte pacifiquement pour les scolariser depuis septembre 2015, malheureusement sans beaucoup de succès. L’accès à l’éducation est d’autant plus important pour ces enfants étrangers que le fait de poursuivre une formation est un des critères pris en compte dans le cadre des demandes de régularisation de leur situation administrative à la majorité, ainsi que pour l’octroi d’une éventuelle Aide Provisoire Jeune Majeur.

Ces enfants vivent ainsi dans des conditions inhumaines et dégradantes. Leur santé physique et psychologique est affectée par ces conditions de vie extrêmement difficiles. Ils souffrent du froid et de la fatigue. Certains ne mangent qu’un repas par jour et pour tous, les conditions d’hygiène sont très insuffisantes.

La loi stipule bien qu’un mineur isolé étranger devrait être à priori considéré comme un enfant en danger et pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Or, pour un grand nombre d’entre eux, la prise en charge relève du parcours du combattant, avec remise en cause trop fréquemment de la véracité de leurs papiers d’identité. Dans ce cas, le Parquet est autorisé à faire procéder à des expertises osseuses pour déterminer l’âge de l’enfant. Même si le recours à ces tests très incertains ne peut être réalisé sans l’accord de l’intéressé, quelles garanties sont en réalité offertes à ce jeune qui s’y opposerait ? Même susceptibles d’appel devant les tribunaux, ces tests ont la conséquence de mettre à la rue des jeunes mineurs au lieu de les mettre à l’abri.

Sur ce dossier, les départements sont aussi en première ligne. Le domaine de la protection de l’enfance relève prioritairement, depuis la loi du 5 mars 2007 de la compétence des départements, l’État étant pour sa part compétent en matière de maîtrise des flux migratoires et de lutte contre l’immigration clandestine. L’intérêt supérieur de l’enfant, qui devrait primer dans toutes les décisions le concernant se trouve depuis lors mis à mal par le désaccord persistant entre l’État et les départements.

C’est donc dans ce contexte que de nombreuses associations signalent la situation alarmante des MIE sur le territoire français qui se dégrade depuis plusieurs années.

l’UNICEF France vient ainsi d’interpeller les pouvoirs publics pour que les besoins spécifiques des enfants et l’obligation de protection soit respectée. L’organisation fait plusieurs recommandations permettant d’améliorer la protection des mineurs isolés ainsi que l’application de leurs droits. Elles s’ajoutent ainsi à celles déjà formulées par la commission nationale consultative des droits de l’homme en juillet 2014 (JORF N°0156 DU 8 JUILLET 2014).
Les principales recommandations sont importantes puisqu’elles concernent, selon l’association terre d’asile, environ 8 000 mineurs isolés en France métropolitaine.

- Instaurer des formations régulières pour les intervenants associatifs, les forces de l’ordre, les administrateurs ad hoc et les bénévoles, sur la protection de l’enfance, l’identification de situations de traite (TEH) et élaborer un document pratique de référence facilement diffusable.
- Garantir à tous les enfants un accès équitable au droit à l’information et aux différents services.
- Rappeler le cadre légal de la protection de l’enfance, dont l’importance des signalements aux parquets et des informations préoccupantes pour responsabiliser les conseils départementaux dans leur mission de prise en charge des mineurs en danger.
- Reporter toute évacuation en l’absence de mise en place d’un dispositif d’accueil et d’accompagnement adapté.
- Garantir aux mineurs l’accès à une assistance juridique de qualité afin que leur demande de réunification familiale soit soumise dans les plus brefs délais.

Dans ces conditions, je souhaiterais connaître les suites que le gouvernement entend donner à ces recommandations nécessaires à l’amélioration du traitement des mineurs isolés étrangers.

Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, en l’expression de mes salutations les plus distinguées.

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