Les débats

La lutte contre le changement climatique demande de la volonté, mais aussi des moyens

Climat et énergie en Europe -

21 mai 2014
La lutte contre le changement climatique demande de la volonté, mais aussi des moyens
La lutte contre le changement climatique demande de la volonté, mais aussi des moyens

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous remercions nos collègues du groupe écologiste d’avoir pris l’initiative de ce débat sur le climat et l’énergie en Europe. Bien sûr, quelle que soit la qualité des interventions, nous sommes bien conscients que ce débat ne va pas résoudre la question. Il reste que nous avons entendu s’exprimer des points de vue intéressants, qui méritaient points de vue intéressants, qui méritaient d’être formulés.

Le sujet est large, d’autant qu’il nécessite une mise en perspective internationale. En effet, la question du climat ne connaît pas de frontières. Les conséquences dramatiques du réchauffement climatique appellent une réponse globale, solidaire et concertée des États du monde entier. Quel chantier ! C’est pourquoi les engagements qui seront pris dans le cadre du sommet sur les changements climatiques organisé par Ban Ki-moon à l’automne prochain pèseront lourds, nous le savons, en particulier au regard des positions adoptées par des pays jusque-là très sceptiques, ou en retrait, ainsi que dans la perspective de la Conférence des parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui se déroulera à Paris en 2015.

Le 13 avril dernier, le nouveau rapport du GIEC destiné à promouvoir auprès des États des pistes pour, notamment, décarboner leur économie a rappelé encore une fois l’urgence qu’il y a à agir. La croissance des émissions mondiales de gaz à effet de serre n’a jamais été aussi rapide. Les experts du GIEC préconisent de réduire ces émissions de 40 % à 70 % d’ici à 2050 et de les ramener à un niveau proche de zéro d’ici à la fin du siècle. Lourde tâche !

Tous les secteurs de l’économie sont concernés : l’énergie, mais aussi l’agriculture, le bâtiment, les transports… J’en oublie sans doute ! Ainsi, les transports par la route ou les airs, qui se sont intensifiés en raison de la multiplication des échanges commerciaux, sont de forts émetteurs de gaz à effet de serre. C’est pourquoi lutter contre le dérèglement climatique suppose de reconnaître les coûts écologiques et sociaux de l’économie mondialisée et d’adopter une méthode normative, mais aussi, sans doute, d’effectuer un travail beaucoup plus important au niveau local.

Aujourd’hui, la nécessité d’agir et de diminuer l’utilisation des énergies fossiles, de réduire les gaz à effet de serre ne font plus débat. Nul n’ignore les effets du changement climatique, notamment sur les populations les plus vulnérables, ni les conséquences à venir, qui ont été fort bien détaillées par les orateurs précédents.

Dans son excellent avis sur l’adaptation au changement climatique, la section de l’environnement du Conseil économique, social et environnemental partage le bilan établi par de nombreux acteurs institutionnels ou de la société civile. Elle note ainsi que « le réchauffement pourrait, suivant l’importance des émissions de gaz à effet de serre, atteindre dans notre pays environ 1,5°C en 2050 et entre 2,5 et 3,5°C en 2100. » C’est un scénario tout à fait probable. Elle poursuit : « Les régions montagneuses seront touchées par une diminution de l’enneigement et […] une quasi-disparition des glaciers, tandis que l’élévation du niveau de la mer […] aura des conséquences importantes dans certaines régions côtières particulièrement sensibles à la montée des eaux.

M. Roland Courteau. Eh oui !

Mme Évelyne Didier. « Les régions ultramarines auront également à faire face à ce réchauffement avec des conséquences spécifiques – risque d’intensification des cyclones tropicaux les plus violents, acidification de l’océan qui rendra encore plus fragile la survie d’écosystèmes liés à certains récifs coralliens. » Sans parler de toutes les conséquences sociales, que je ne peux décliner ici.

J’en profite pour rappeler l’initiative de notre collègue Paul Vergès, qui a attiré l’attention du président de la commission du développement durable et va prochainement solliciter les groupes politiques du Sénat afin de proposer une démarche visant à faire prendre conscience de l’importance de nos régions ultramarines, en particulier de la problématique spécifique des îles. J’espère que tous les groupes de notre assemblée soutiendront cette initiative.

Après l’échec de nombreux sommets consacrés à la question, parfois en raison du faible champ d’application de l’effet contraignant des objectifs – Kyoto concernait environ 15 % des émissions mondiales –, la Conférence de Paris de 2015 ne doit pas, ne peut pas être un rendez-vous manqué.

Or, en mars dernier, l’Union européenne n’a pas pu aboutir à une décision formelle visant à construire un accord ambitieux, équitable et juridiquement contraignant. En effet, si la Commission a retenu des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, elle n’a pas posé d’objectifs en termes d’efficacité énergétique ou d’énergies renouvelables.

Lors de son audition devant les commissions du développement durable et des affaires économiques du Sénat, Nicolas Hulot a expliqué que le Royaume-Uni en avait fait « une ligne rouge afin de laisser ouverte l’hypothèse d’un retour aux énergies fossiles conventionnelles ». Ainsi, l’Allemagne produit déjà de l’électricité à partir de son lignite, mais d’autres pays se réservent le droit de revenir à de telles solutions.

Bien sûr, la priorité demeure la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais l’on ne peut ignorer les divergences entre les pays membres, qui protègent d’abord leurs propres intérêts.

Comment les Européens vont-ils être en mesure de porter un projet ambitieux dans le cadre onusien s’ils renoncent déjà individuellement à une partie des objectifs ? Ce sera tout l’enjeu du travail que vous devrez mener, madame la ministre, avec quelques-uns de vos collègues. Ce sera d’autant plus crucial que la réduction des gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport à l’année de référence, à savoir 1990, apparaît comme un seuil minimal pour qu’une décrue de 85 % soit enregistrée en 2050.

Par ailleurs, le marché européen de crédits carbone, présenté comme un outil dans la lutte contre le changement climatique, a montré ses limites. Je dirai même, au vu des chiffres, que c’est un flop ! Le marché est-il l’outil qu’il nous faut ? Je n’en suis pas certaine. D’un point de vue idéologique, nous l’avons toujours dit, il est critiquable puisqu’il acte un droit à polluer. D’un point de vue technique, il souffre d’inefficacité en raison notamment du surplus des quotas alloués.

Enfin, bien que le Parlement européen ait, dans le cadre du paquet énergie-climat, voté des engagements contraignants en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, cette solution n’a pas été retenue : la Commission propose 27 % d’énergies renouvelables au sein de l’Union européenne, mais cet objectif repose sur la bonne volonté des États.

Lors de votre audition, madame la ministre, vous nous avez dit votre volonté, dans le cadre du Conseil des ministres européens de l’environnement du 12 juin et du Conseil des ministres de l’énergie du 13 juin, de « tirer tous les États membres vers le haut afin de trouver le mix énergétique le plus efficace et le plus susceptible de lutter contre le réchauffement climatique ». J’espère que vous serez entendue. En tout cas, nous saluons cette volonté, car il importe, selon nous, de parvenir à créer une véritable politique de l’énergie européenne à travers une planification écologique.

Les États doivent se réengager dans l’avenir de leur filière industrielle énergétique. C’est dans ce sens que nous portons l’exigence de filières relocalisées, notamment en ce qui concerne la filière photovoltaïque, qui est une filière d’avenir.

M. Jean Desessard. Exactement !

Mme Évelyne Didier. C’est également dans ce sens que nous nous opposons résolument à la mise en concurrence et à la privatisation des concessions hydroélectriques, qui constituent en France la première source d’énergie renouvelable non intermittente. Celles-ci figurent parmi nos avantages compétitifs, il convient de le souligner.

Le mix énergétique ne peut se faire indépendamment du niveau de maturité des différentes technologies ; la recherche et l’innovation sont donc essentielles. La recherche sur le stockage de l’énergie avance, même s’il reste beaucoup de progrès à réaliser ; le stockage peut constituer un saut technologique de nature à faire modifier sérieusement la donne. Je pense ici à la plateforme expérimentale MYRTE, projet de stockage d’énergie hydrogène développé par Areva, le laboratoire de sciences pour l’environnement de l’université de Corse et le Commissariat à l’énergie atomique, mais aussi à des expériences qui sont menées dans certains territoires.

Enfin, je voudrais aborder la question du financement.

Au niveau supranational, le financement est un élément clé de la réussite d’un accord. Le ministre des affaires étrangères, lors de son audition au Sénat, a affirmé sa volonté d’obtenir, avant la fin de l’année 2014, une capitalisation ambitieuse du fonds vert pour le climat, afin de rendre cet instrument opérationnel – c’est un point important, notamment dans le dialogue entre l’Union européenne et l’Afrique. Il a précisé qu’il était prévu de lui affecter une part significative du produit de la taxe sur les transactions financières – c’est, vous le savez, un type de taxe auquel nous sommes très attachés –, soit un montant de 100 milliards de dollars par an.

Des efforts devront être consentis en faveur du fonds d’adaptation et du fonds pour les pays les moins avancés. Tous les États doivent donc s’engager de façon différenciée à tenir des objectifs clairement définis. Surtout, les pays riches et industrialisés doivent très fortement aider et accompagner les pays les plus en difficulté, notamment par des transferts de technologie.

Au niveau national, la transition énergétique a également un coût, qui ne doit pas reposer sur nos concitoyens. Par ailleurs, il est nécessaire de dresser le bilan du coût de la libéralisation du secteur, afin de trouver des solutions financières pérennes en faveur des investissements dans la production, la distribution, le transport et la recherche.

Enfin, les savoir-faire, l’indépendance stratégique de l’Europe en matière énergétique passent, selon nous, par la constitution d’un pôle public de l’énergie – c’est notre spécificité –, par une association étroite des citoyens et des salariés dans la construction de la politique énergétique de demain.

Mes chers collègues, l’Europe aura une lourde responsabilité dans les négociations prochaines. Nous saluons la volonté exprimée par le Gouvernement d’aboutir, dans le cadre de la Conférence de Paris, à un accord contraignant et ambitieux, mais beaucoup de choses restent à écrire.

Pour conclure, je dirai que la lutte contre le changement climatique demande de la volonté, de la méthode, mais aussi des moyens, ce qui sera sans doute compliqué au regard des politiques d’austérité qui sont mises en œuvre. Elle implique une mobilisation sans précédent qui fasse vivre de véritables coopérations et solidarités à l’échelle du monde.

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