Les débats

La sécurité n’est pas l’affaire des municipalités, mais de l’État

Police municipale -

Par / 24 janvier 2013

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le code de la sécurité intérieure le proclame : « L’État a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la République […], au maintien de la paix et de l’ordre publics, à la protection des personnes et des biens. »

Les dérives qui découlent du désengagement progressif de l’État en matière de sécurité dans nos communes touchent aux fondements mêmes de notre République, pour reprendre des termes contenus dans le rapport de nos deux collègues. J’ajoute que ces dérives et ce désengagement se sont particulièrement fait sentir quand la droite était au pouvoir, singulièrement durant le précédent quinquennat.

Nous adhérons donc totalement au constat que dressent les auteurs de ce rapport, d’autant que, à maintes reprises, notamment dans cet hémicycle, nous avons dénoncé ce désengagement et alerté sur ses conséquences.

Ce rapport a donc une résonance particulière puisqu’il est corédigé, et donc « coapprouvé », si je puis dire, par deux sénateurs de bords différents, nos collègues François Pillet et René Vandierendonck, dont je tiens saluer le rigoureux travail de fond.

Nous pourrions certes discuter en détail chacune des 25 propositions contenues dans ce rapport, mais le constat, établi par la gauche comme par une partie de la droite de cette assemblée, des méfaits du désengagement de l’État en matière de sécurité est de nature à nous satisfaire, dans un premier temps. Peut-être même laisse-t-il présager une évolution prochaine en la matière ! Nous l’espérons, car il serait dommage que ce travail reste « dans les tiroirs ».

Ainsi, le rapport dénonce à juste titre la diminution progressive des effectifs de police nationale au cours des dernières années et le retrait des forces régaliennes du territoire, que les maires de tous bords – je dis bien : de tous bords – soucieux de la sécurité des citoyens, sont contraints de compenser par le renforcement de leurs services de police municipale.

Nos élus constatent chaque jour les conséquences de cet abandon, qu’ils se voient contraints de pallier par diverses mesures, qui entraînent toutes, pour les budgets locaux des charges supplémentaires auxquelles ils ne peuvent souvent faire face qu’avec difficulté.

Il s’ensuit inéluctablement une aggravation des inégalités entre nos concitoyens devant la sécurité en fonction des moyens dont disposent les communes, puisque toutes ne peuvent se permettre de compenser l’absence de police nationale par l’emploi de policiers municipaux ou par le recours à la vidéosurveillance – quoi que j’en pense par ailleurs –, voire à des services de sécurité privés.

De plus, même si elles en avaient les moyens, ce ne serait pas leur rôle. La sécurité des citoyens est une mission régalienne et doit le demeurer. « L’État ne doit pas délaisser sa responsabilité éminente », dit le rapport. J’ajoute que l’argent des collectivités serait sans doute plus utile dans la construction de logements sociaux.

Le rapport souligne aussi qu’au-delà des contraintes budgétaires, le désengagement des forces régaliennes brouille les pistes et entraîne des confusions. Pour avoir reçu un très grand nombre de représentants de syndicats de policiers municipaux, je peux dire qu’ils partagent ce point de vue.

La confusion concerne d’abord les agents de police municipale, qui se trouvent, par la force des choses, contraints d’accomplir de nouvelles missions de répression dévolues en principe aux forces nationales, au détriment de leurs missions traditionnelles de prévention et de proximité, pourtant essentielles.

Mais elle s’installe aussi dans l’esprit des citoyens, entretenue par la similarité des uniformes et des équipements. Ses conséquences peuvent être très dommageables. Les habitants sont en effet conduits à penser – je m’y suis moi-même déjà trompée – que l’ensemble des policiers, qu’ils soient nationaux ou municipaux, ont pour tâche principale de combattre les crimes et délits, de rechercher leur auteur et de les livrer à la justice.

On devine la pression supplémentaire qui pèse sur les policiers municipaux face à des citoyens qui risquent de voir leurs espérances déçues du fait du décalage entre les nouvelles missions assignées aux policiers municipaux et les moyens juridiques dont ils disposent.

On devine le mal-être de ces policiers, qui, du fait des nouvelles charges qu’ils subissent, ont le sentiment légitime de ne pas être reconnus à leur juste valeur.

S’agissant de l’armement des polices municipales, je n’y suis personnellement pas favorable, quelle que soit la nature des armes. Mais, au-delà de mon opinion, on devine que la polémique à ce sujet dissimule en réalité un débat plus large lié, là aussi, aux missions qui ne leur échoient qu’en raison du désengagement de l’État.

La seule issue à ces problèmes est une réappropriation par l’État de sa mission régalienne. En la matière, notre position est claire : la sécurité n’est pas l’affaire des municipalités, mais de l’État.

Pour éviter le développement d’une sécurité à double vitesse, je suis favorable, à l’inverse de Jean-Pierre Plancade, à la création, à terme, d’un grand service public où seraient regroupées les polices municipales, la police nationale et la gendarmerie nationale, et où le rôle des différentes forces serait clairement défini, de façon à mettre un terme à ces confusions, dans l’intérêt des citoyens comme des policiers.

M. Jean-Pierre Plancade. Ce n’est pas incompatible avec la décentralisation !

Mme Éliane Assassi. Certes, mais ce n’est quand même pas tout à fait le même projet. J’espère que le débat de ce matin ouvrira la voie à un débat plus ample, qui nous permettra éventuellement de trancher la question.

Je pense que cette proposition aurait la vertu de clarifier le statut social des policiers municipaux. Elle est ambitieuse, c’est vrai, mais elle mériterait, comme d’autres propositions, dont la vôtre, d’être débattue.

Nous avons réclamé, il y a quelque temps déjà, une réflexion globale sur la police municipale. Ce travail étant maintenant impulsé par ce rapport, il reste à agir !

Nous savons, monsieur le ministre, que vous avez reçu les syndicats représentatifs des policiers municipaux. Peut-être nous apporterez-vous des éléments de réponse sur les intentions de l’État en la matière.

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