Les débats

Votre politique porte atteinte aux droits fondamentaux de l’enfant

Petite enfance -

Par / 25 mai 2011

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vous étonnerai guère en vous disant que je partage totalement le constat dressé par mon amie Isabelle Pasquet. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, on mesure en effet au quotidien les effets désastreux de votre politique tant familiale qu’économique, madame la secrétaire d’État.

La Caisse d’allocations familiales de la Seine-Saint-Denis peine ainsi, faute de personnels en nombre suffisant, à maintenir un service public de bonne qualité, au point que, très récemment, de nombreux établissements ont été contraints de fermer leurs portes au public afin de pouvoir traiter les dossiers en retard, ce qui constitue une première.

Or, si les dossiers s’accumulent, c’est certes parce que, comme je viens de le souligner, le personnel est en nombre insuffisant, mais également parce que les besoins des populations de ce département, qui sont particulièrement fragilisées du point de vue social, augmentent au fur et à mesure que la crise s’installe.

Le reproche unanimement formulé à notre pays par les associations et les instances internationales, c’est qu’il manque d’une politique globale et coordonnée, destinée à protéger les plus jeunes.

Compte tenu du faible temps qui m’est imparti, je souhaiterais intervenir sur trois sujets.

J’aborderai tout d’abord la lutte contre la pauvreté infantile.

Celle-ci résulte naturellement de la situation de précarité, et parfois de grande pauvreté, dont sont victimes les parents. Selon un rapport sur le « bien-être des enfants dans les pays riches » publié par l’UNICEF en 2007, la France occuperait la seizième place sur les vingt et un pays que compte l’OCDE. Plus récemment, dans le rapport intitulé Précarité et protection des droits de l’enfant, remis en 2010 par la Défenseure des enfants, il est précisé que « les résultats en termes de réduction de la pauvreté des enfants et des familles pauvres ne sont pas probants et montrent une aggravation des discriminations sociales de toutes sortes ».

Mme Dominique Versini soulignait d’ailleurs, dans son dernier discours, prononcé à l’occasion de l’annonce de la suppression de sa fonction, que notre pays comptait deux millions d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté. Ce sont évidemment eux qui cumulent les plus grandes difficultés – on pense au logement -, ce qui a de lourdes conséquences sur leur santé.

M. René-Pierre Signé. Elle a raison !

Mme Éliane Assassi. Selon la Fondation Abbé Pierre, notre pays compterait 600 000 enfants mal logés. Parmi eux se trouvent toutes celles et ceux qui, selon cette même fondation, vivent dans les quelque 400 000 logements indignes recensés dans notre pays.

Les conséquences du mal-logement sur les jeunes enfants sont connues. Ils souffrent, davantage que les adultes et les enfants de plus de six ans, du saturnisme lié à la présence de plomb dans les anciennes peintures ou les tuyauteries, de pathologies respiratoires graves et d’infections dermatologiques dues notamment à des problèmes de ventilation ou de chauffage. Nous pourrions également ajouter les cas d’accidents domestiques résultant de la vétusté des installations électriques.

Aussi la réduction des logements insalubres et l’augmentation de la construction de logements sociaux, en particulier de logements très sociaux, constituent-elles des priorités. Or le Gouvernement ne prend pas la mesure de l’urgence de la situation. Par exemple, il ne cesse de diminuer la part du financement étatique de l’aide à la pierre apportée par les départements, alors que, rappelons-le, il manque au bas mot 900 000 logements sociaux en France.

M. Ronan Kerdraon. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Le deuxième point que je souhaiterais aborder concerne le sort que notre pays réserve aux enfants issus de l’immigration.

Je passe rapidement, faute de temps, sur les propos scandaleux de Claude Guéant, qui n’hésite pas à les stigmatiser et à les humilier en affirmant qu’ils sont responsables de deux tiers des échecs scolaires…

Mme Gisèle Printz. C’est faux !

M. Ronan Kerdraon. C’est scandaleux !

Mme Éliane Assassi. En plus d’être scandaleuse, cette affirmation est bien évidemment fausse.

Je voudrais en revanche m’arrêter sur les évolutions récentes et continues de la politique migratoire que mène votre gouvernement, madame la secrétaire d’État, qui entraînent d’importantes violations, par notre pays, de la convention internationale des droits de l’enfant ; je pense, par exemple, à la disposition qui garantit le droit des enfants à vivre unis avec leurs deux parents.

En la matière, nous partageons pleinement l’analyse de Mme Versini, selon laquelle « les difficultés des enfants étrangers », qu’ils soient isolés ou en famille, en situation régulière ou irrégulière, « sont d’autant plus d’actualité que le discours politique et la politique d’immigration se durcissent ».

À cet égard, je voudrais rappeler qu’il n’est pas acceptable que des jeunes enfants étrangers soient privés de liberté en raison de la situation administrative de leurs parents. Je vise ceux qui sont retenus en zones d’attente et ceux qui sont dans les centres de rétention administrative.

Ce phénomène connaît une véritable explosion. Alors que 162 enfants étrangers étaient placés en rétention administrative par l’État français en 2004 – c’est déjà beaucoup –, ils étaient 318 en 2009, et, pour cette seule année, 698 mineurs se trouvaient effectivement en zone d’attente, et ce en totale violation de la convention internationale des droits de l’enfant, plus particulièrement de son article 19.

Dernier point, et en conclusion, je voudrais aborder l’aspect éducatif. Comme vous le savez, le taux de scolarisation des enfants âgés de moins de trois ans a considérablement chuté. La Cour des comptes dans son rapport du 10 septembre 2008 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale constatait déjà une baisse de 27 %. Elle soulignait également que certains départements étaient plus touchés que d’autres. Tel est le cas de la Seine-Saint-Denis où, le 30 juin 2005, 645 enfants âgés de plus de trois ans étaient en crèche, faute de place à l’école maternelle. Et, depuis, la situation n’a cessé de se dégrader.

Pourtant, comme l’indiquait la Cour des comptes, « Cette évolution apparaît peu cohérente au regard de la bonne utilisation de l’argent public : le coût par enfant est moindre s’il est accueilli en maternelle plutôt qu’en EAJE », c’est-à-dire en établissements d’accueil du jeune enfant, « 13 368 euros en 2006 en EAJE, contre 4 570 euros en maternelle, hors périscolaire. »

Le phénomène est également dommageable du point de vue pédagogique, puisque cet accueil permet aux jeunes enfants de se développer dans un cadre collectif qui contribue, par ailleurs, à la lutte contre les inégalités sociales.

Cette politique, qui s’apparente en réalité à un transfert de coûts de l’État vers les familles, n’est d’ailleurs pas sans incidence sur la réussite scolaire des enfants.

À l’image de notre collègue Isabelle Pasquet, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG dénoncent ce qui s’apparente à une non-politique de l’enfance.

Madame la secrétaire d’État, vos décisions injustes socialement et contre-productives économiquement portent atteinte au développement et aux droits des jeunes enfants, ce que nous ne pouvons accepter.

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