Les débats

L’économie a souffert de la crise, le secteur bancaire pas du tout

Conclusions du rapport d’information « Une crise en quête de fin – Quand l’histoire bégaie » -

17 janvier 2018

Mes chers collègues, Louis XVI écrivit un seul mot dans son journal personnel le matin du 14 juillet 1789 : « Rien » ; 219 ans plus tard, M. Alain Minc, grand expert économiste devant l’éternel, déclara, six mois avant la crise, en octobre 2008 : « Je pense que la crise est derrière nous et que notre système économique a bien tenu. »

À l’heure où moins de 2 %, 1,6 % pour être précis, des transactions financières dans le monde ont un lien avec l’économie réelle, c’est-à-dire la production de biens, de marchandises et de services pour l’humanité, il paraît que nous aurions tiré toutes les leçons de la crise de 2008. La finance serait maîtrisée, régulée, contrôlée, assainie, sécurisée.

Selon Mme Couppey-Soubeyran, universitaire qui fut auditionnée par la délégation à la prospective, l’économie a souffert de la crise, le secteur bancaire pas du tout. La valeur des actifs des banques françaises est passée de 7 000 milliards d’euros en 2007 à 8 500 milliards d’euros en 2014, et sans doute plus aujourd’hui. Les activités de produits dérivés dans le monde ont atteint en 2012 625 000 milliards de dollars, et nous serions aujourd’hui à 800 000 milliards, soit dix fois le PIB du monde. Et je ne parle pas de la finance de l’ombre, déjà évoquée, qui ne subit aucune régulation. Le trading haute fréquence est par ailleurs économiquement inutile.

Bien sûr, il y a eu la loi bancaire de 2013, mais tout le monde s’en est moqué. Ainsi, M. Oudéa, P-DG de la deuxième banque française, a dit devant des députés médusés, lors de son audition par la commission des finances : « Votre loi va encadrer 1 % de mon activité bancaire. »

L’argent va donc beaucoup et surtout à la spéculation, et trop peu à l’investissement pour avoir une croissance économique durable. Le Gouvernement a fait le pari du ruissellement : est-ce bien raisonnable dans un contexte d’hyper-liquidités ? Madame la secrétaire d’État, envisagez-vous, au regard des risques d’un nouveau krach financier, de renforcer singulièrement les contraintes de la loi bancaire française ? L’attention et la vigilance ne suffiront pas : il faut des actes forts !

M. le président. Quelle est votre réponse, madame la secrétaire d’État ?

M. Bruno Sido. « Rien » ! (Sourires.)

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous évoquez des risques nouveaux qui s’amplifieraient depuis la crise de 2008.

En effet, il y a en permanence de la créativité dans le secteur financier, comme dans tous les secteurs, mais soyez assuré que nous observons cette créativité. Nous en parlons aussi au plan international avec nos partenaires. Nous avons par exemple proposé d’évoquer un certain nombre de sujets au G20, par exemple la titrisation, le bitcoin, ou la finance chinoise, qui fait l’objet de discussions.

Même si nous ne crions pas au loup, nous nous occupons et nous préoccupons bien de tout cela.

S’agissant des produits dérivés, qui semblent particulièrement vous préoccuper, nous pensons bien évidemment qu’ils doivent être correctement encadrés, mais nous considérons qu’ils constituent un élément utile pour contribuer au bon fonctionnement de l’économie, en particulier à la couverture des risques dans les entreprises qui y ont recours.

Enfin, nous voulons aussi que le trading haute fréquence soit encadré, mais nous pensons également qu’il a un impact positif sur la liquidité des marchés.

Sur tous ces instruments, en fait, nous sommes obligés de considérer les apports et points positifs, les risques et l’encadrement nécessaire. Telle est la tâche à laquelle s’attèlent l’ensemble des autorités, avec l’appui des administrations françaises.

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