Les rapports

Pourquoi avons-nous souhaité la mise en place d’une telle commission d’enquête ?

Installation de la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques -

Par / 25 novembre 2021

Je vous remercie chaleureusement en premier lieu d’avoir fait le choix de participer à cette commission d’enquête dont mon groupe a souhaité l’instauration dans le cadre de son droit de tirage.

Je remercie tout particulièrement Arnaud Bazin qui assurera la présidence de la commission.

Je souhaite également remercier d’emblée les fonctionnaires qui se sont rapidement attelés à la tâche et augurent déjà d’un travail rapide, sérieux et efficace.

Pourquoi ai-je souhaité, avec mon groupe, la mise en place d’une telle commission d’enquête ?

La crise sanitaire a mis en lumière l’intervention de cabinets de conseil privés dans la politique publique de lutte contre la pandémie. L’intervention de 26 officines dans ce cadre entre mars 2020 et février 2021 a frappé l’opinion et relancé nombre d’enquêtes journalistiques.

Il est vite apparu que le ministère de la Santé n’était que la partie visible de l’iceberg que constitue la masse avérée ou supposée de l’intervention d’acteurs privés extérieurs (cabinets de conseil, mais aussi avocats et autres structures) dans la conduite des affaires de l’État et même l’élaboration des projets gouvernementaux.

En fait, cela fait des années que l’externalisation de travaux, pourtant au cœur des décisions gouvernementales ou de la haute administration, s’est développée.
Des rapports du gouvernement, des études d’impact de projets de loi (qui relèvent d’une obligation constitutionnelle), des études d’impact comme celle du projet de loi « LOM », ont été rédigées par ces instances privées. Depuis le rapport de la Cour des comptes de 2014, aucune étude exhaustive précise n’a été menée pour établir la réalité de cette privatisation - car il faut appeler un chat un chat – de l’organisation de la politique publique. Pourtant, nous savons par la presse que 500 commandes ont été passées en trois ans par la puissance publique dans le domaine de la stratégie, de l’organisation du management et de l’informatique.

Notre commission d’enquête aura en premier lieu à établir une cartographie de l’intervention de ces acteurs privés et de permettre d’établir en la matière une transparence qui manque en la matière.

D’ores et déjà, nous pouvons établir que les prestations de conseils comprennent en particulier l’aide à la décision (y compris le conseil en stratégie), l’influence (y compris le conseil en communication), la gestion RH et l’organisation des services, l’accompagnement de projets (y compris les projets informatiques), l’aide à la mise en œuvre des politiques publiques et à leur évaluation, l’expertise dans des domaines spécifiques (conseils juridiques ou financiers, audits comptables).

En revanche, nous pouvons nous accorder sur le fait que notre commission ne couvrira pas les prestations de conseils commandées pour les collectivités territoriales, les contrats de maîtrise d’ouvrage ou de maîtrise d’œuvre pour les travaux, les délégations de service public, non pour éluder ces questions, mais pour cadrer notre travail avant de pouvoir mener l’investigation avec sérieux et efficacité dans les délais impartis.
En effet, il apparaît fortement souhaitable de terminer nos travaux à la mi-mars.
Il apparaît difficilement envisageable de rendre notre rapport entre les deux tours de la présidentielle par exemple…

Cette phase d’établissement de la transparence aura évidemment un volet financier. Nous devrons établir le montant global de ces prestations, leur évolution. Nous devrons établir quels sont les ministères les plus concernés et en conséquence, les administrations qui ont recours à cette forme d’externalisation.

Notre travail sera d’examiner, de comprendre, quel est le cheminement de l’intervention de ces acteurs privés, de la définition des besoins jusqu’à l’évaluation finale du travail, s’il y en a une systématiquement.

Second volet important de cette commission auquel les auteurs de ce droit de tirage tiennent beaucoup, il sera nécessaire d’examiner le rôle et l’influence des cabinets extérieurs dans la prise de décision.

Il existe un véritable enjeu démocratique en la matière qui nous éloigne du simple constat comptable.

À l’heure où la parole politique est mise en cause, ne faut-il pas s’inquiéter de l’influence croissante de ces cabinets privés ?

Je reprends la question qui clôt l’exposé des motifs de la proposition de résolution du groupe CRCE : « Qui mène des politiques publiques ? Un gouvernement et l’État qu’il dirige ou des prestataires privés dépourvus de toute légitimité démocratique ? ».
La question de la déontologie, des conflits d’intérêts possibles, ou déjà constatés, entre cabinets influençant la décision publique et conseillant par ailleurs des prestataires de services sera également au cœur de nos investigations.

Nous essaierons également de nous intéresser tout particulièrement aux cabinets « pro bono ».
La question de la déontologie, c’est aussi la question du pantouflage. Trop souvent, nous constatons que des responsables publics, y compris des ministres, atterrissent dans des cabinets de conseils privés. Il faudra examiner la réalité des choses sur ce point.

Ce n’est pas une question déontologique a proprement parlé, mais s’y apparente selon moi, il sera intéressant d’examiner comment les grands cabinets de conseils sont associés à la formation des hauts fonctionnaires. Quel est leur degré d’implication dans les grandes écoles, voire à l’université ?

C’est un point important, car cette intrusion dans la formation de « l’élite » de la République a pu avoir un rôle dans l’acceptabilité de la présence des acteurs privés au cœur même de l’État.

Nous examinerons également les questions liées à la souveraineté.

Bon nombre de ces prestataires extérieurs sont des sociétés étrangères. En participant à la définition des politiques publiques, elles ont accès à des données sensibles, en particulier numériques, ce qui pose indéniablement la question de souveraineté.
Quand Bercy a recours à Google, c’est le cas. Mais qu’en est-il du domaine des affaires étrangères et de la défense, particulièrement opaque en la matière. Le secret-défense pourra nous être opposé, mais nous devrons poser la question.

J’ai eu déjà l’occasion de le dire, je n’ai aucunement l’intention d’adopter une posture de procureure, nous avons une instruction à mener, mais nous ne sommes pas juges.
Notre travail devra être de rassembler les éléments, d’essayer de comprendre pour étayer notre réflexion, celle du Sénat, mais aussi de tous ceux qui suivront nos travaux, car des auditions, importantes, seront publiques, pour déterminer les raisons, les objectifs, de cette influence croissante des acteurs privés au cœur même de l’État.
L’affaiblissement de la fonction publique, en particulier des directions d’administration centrale, a-t-il ouvert cette voie ou alors, des choix politiques ont-ils prévalu ?
La crise sanitaire, pour revenir au point de départ de mon propos, a démontré l’importance de l’État pour préserver la cohésion de notre société et permettre à chacun de faire face à une situation dramatique.

C’est dans ce contexte que les questionnements qui nous intéressent ont ressurgi. C’est dans ce contexte que nous travaillerons durant les 10 semaines de travaux intenses qui nous attendent.

Nous examinerons les questions générales, mais aussi des cas particuliers, énumérées dans la lettre de cadrage, qui permettront d’illustrer notre recherche et mieux faire comprendre les mécanismes qui se sont mis en place au fil des dernières années et tout particulièrement lors du dernier quinquennat où ce qui était considéré comme, comment dire, un peu inavouable, est devenue une vitrine ou un modèle de ce qu’il est convenu d’appeler la start-up Nation.

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