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L’heure est à une nouvelle vague de réquisition des logements inoccupés

Par / 18 janvier 2024

La présente proposition de loi vise à faire évoluer le droit de réquisition avec attributaire tel que décrit dans le code de la construction et de l’habitat en le partageant entre les préfets et les maires. En effet, ces derniers connaissent parfaitement leurs territoires.

La France connaît, ce début janvier 2024, une forte vague de froid. Celle-ci exacerbe les conditions de vie précaires des nombreuses personnes qui dorment à la rue ou sont mal logées.

Selon la Fondation Abbé Pierre, le nombre de personnes sans domicile fixe en France a atteint 330 000 en 2023, soit une augmentation de 30 000 par rapport à l’année précédente.

Nous faisons face à un paradoxe persistant. Le sans-abrisme se développe alors que le nombre de logements vacants continue de croître de manière inquiétante dans toutes les grandes métropoles. Selon l’agence nationale de la cohésion des territoires, à Paris et à Lille, 10 % du parc immobilier est vacant, à Marseille ou à Saint-Denis de la Réunion, 9 % des logements sont vides. Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre indique que 137 000 logements sont inoccupés depuis plus de deux ans en zone tendue.

Cette situation intolérable dans un contexte de carence de places en centres d’hébergement et de forte tension sur le marché locatif en zone tendue est alimentée par des phénomènes tels que la spéculation immobilière ou l’afflux massif de meublés touristiques.

Depuis 2017, la part de logements vacants grimpe de manière spectaculaire dans toute la France. Cette dynamique est la conséquence de l’enrichissement disproportionné de quelques-uns par le marché au détriment du bien-être collectif. Elle passe par l’accumulation de patrimoine immobilier par une minorité de propriétaires avec un engouement pour la location de type Airbnb, la résidence secondaire et l’investissement locatif défiscalisé.

Ainsi, selon l’Insee, depuis 2023 deux tiers du parc de logements en France sont entre les mains de multipropriétaires immobiliers.

Ces transformations sont soutenues par des choix politiques. Une forme de laisser faire et une législation qui incitent certains propriétaires à laisser leurs biens sans vie, à investir pour placer leur argent sans intention de louer ou pour occuper un pied à terre moins d’une semaine par an.

Alors que la France fait face à une vague de froid d’une ampleur majeure, de nombreuses personnes dorment chaque soir dans la rue. Cette considération ne peut plus être évacuée des débats. Le Gouvernement ne peut plus oublier les visages derrière les longues listes d’attente du 115.

Dans un tel contexte et face à l’urgence sociale, les élus locaux et les habitants sont comme David contre Goliath eu égard aux avantages exorbitants dont bénéficient les comportements de certains propriétaires. Cela n’a que trop duré.

Des responsables politiques de tous bords l’affirment désormais : la collectivité, en tant qu’acteur public, peut intervenir en régulation des marchés.

À ce titre, l’utilisation effective des locaux d’habitation est un enjeu majeur. Miser sur la seule bonne volonté des propriétaires et minimiser le besoin de mesures urgentes est hasardeux.

C’est pourquoi, nous en sommes convaincus, l’heure est à une nouvelle vague de réquisition des logements inoccupés de longue date - un pouvoir réservé aujourd’hui au représentant de l’État.

Aux quatre coins de la France, dans les grandes métropoles, les élus locaux interpellent les gouvernements successifs au sujet d’immeubles vacants depuis plusieurs dizaines d’années.

L’un des premiers moyens qui permet de gérer l’urgence par une mise à l’abri ponctuelle est le pouvoir de réquisition. C’est un des outils qui permet de mettre en oeuvre le droit de toute personne de disposer d’un logement décent reconnu par le Conseil constitutionnel comme objectif à valeur constitutionnel.

Contrairement à l’expropriation et au droit de préemption, la réquisition n’emporte pas transfert du droit de propriété. Il s’agit simplement de l’usage temporaire d’un bien immobilier pour une durée allant de quelques mois à six ans maximum pour effectuer de l’hébergement d’urgence ou loger des personnes dépourvues de logement.

Seuls les logements effectivement inoccupés depuis plus d’un an dans les communes où sévit une crise grave du logement peuvent être réquisitionnés. Cette situation étant caractérisée, selon la jurisprudence, par « d’importants déséquilibres entre l’offre et la demande de logements au détriment de certaines catégories sociales ».

La réquisition donne systématiquement lieu à une convention d’occupation précaire et à une indemnité.

Cette faculté de réquisition est aujourd’hui, pour l’essentiel, détenue et utilisée par le représentant de l’État dans les départements. Les préfets en usent en réalité très peu. Leur connaissance de l’immobilier local et des espaces vacants est souvent partielle. Leur prudence se traduit trop souvent par une inaction.

Aussi, leur position de représentant de l’État qui leur permet d’agir parfois contre les intérêts privés au bénéfice supérieur de l’intérêt général, les pousse à ne pas procéder aux réquisitions sur des biens publics appartenant à l’État, à ses services ou aux agences publiques.

Faire évoluer le droit de réquisition n’est pas saugrenu. Jacques Chirac, Maire de Paris, avait en son temps orchestré aux côtés du préfet deux grandes vagues de réquisitions.

Ce droit date de l’ordonnance du 11 octobre 1945 émise par le Conseil national de la Résistance puis reprise dans le Code de la construction et de l’habitat. Il a été amendé à de multiples reprises et encore récemment avec la loi ELAN.

La présente proposition de loi vise à faire évoluer le droit de réquisition avec attributaire tel que décrit dans le code de la construction et de l’habitat en le partageant entre les préfets et les maires. En effet, ces derniers connaissent parfaitement leurs territoires.

L’article 1er ouvre ainsi la compétence de réquisition aux maires afin de mettre en oeuvre les procédures aux côtés des préfets. Elle se fait au nom du pouvoir de police générale du maire. En revanche, il ne prévoit pas que la commune se substitue à l’État pour l’indemnisation des propriétaires en cas de défaillance du bénéficiaire. Il s’agit ici de ne pas créer de distorsions géographiques dans le droit au logement en fonction de la santé financière des communes concernées.

L’article 2 prévoit une nouvelle procédure de réquisition, en plus des trois procédures qui existent déjà. Il s’agit, par cet article, de permettre également la réquisition de logements qui seraient inoccupés dans le parc public (notion entendue au sens large).

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