Nos propositions de loi et de résolution

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Droit à vivre dans la dignité

Par / 14 avril 2005

par le groupe CRC

Par Mmes Nicole BORVO, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Gérard LE CAM, Michel BILLOUT, Yves COQUELLE, Mme Eliane ASSASSI, M. François AUTAIN, Mme Marie-France BEAUFILS, MM. Pierre BIARNES, Robert BRET, Mmes Annie DAVID, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Gélita HOARAU, MM. Robert HUE, Mmes Hélène LUC, Josiane MATHON, MM. Roland MUZEAU, Jack RALITE, Ivan RENAR, Bernard VERA et Jean-François VOGUET.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Prenant acte des insuffisances des dispositifs de lutte contre l’exclusion, de l’augmentation du nombre de situations de grande pauvreté et de l’absence de la reconnaissance d’un droit universel à la jouissance de biens de première nécessité, nous proposons d’inscrire une série de mesures visant notamment à reconnaître l’existence de droits inaliénables : le droit au logement ; le droit au maintien de la fourniture en énergie et en eau ; le droit à un revenu décent permettant à chacun de satisfaire les besoins essentiels et de poursuivre une vie sociale normale.
Notre proposition de loi comportera 6 articles portant diverses dispositions relatives au droit à vivre dans la dignité et proposant la mise en œuvre des mesures suivantes :
Une meilleure reconnaissance du droit au logement par l’interdiction des expulsions locatives pour des motifs économiques et sociaux. Nous proposons de modifier en ce sens les articles de procédure civile visant les mesures d’expulsion. (Modification de la loi n° 91-550 portant réforme des procédures civiles d’exécution).
L’instauration d’un droit à l’énergie et à l’eau, par l’interdiction des coupures de fourniture. Il s’agit de replacer l’Etat au centre du dispositif de solidarité et de prévoir l’engagement de la responsabilité pénale des fournisseurs ou distributeurs en cas de coupure intervenant à leur initiative. (Modification de l’article 115-3 du Code de l’action sociale).
Etendre le bénéfice de la tarification sociale en matière d’électricité à l’ensemble des usagers qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu et non aux seuls allocataires du revenu minimum d’insertion. (Modification de l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.) La modification des modes de calcul du reste à vivre, c’est-à-dire la part insaisissable des revenus des personnes en situation d’endettement ou de surendettement, en excluant de la part saisissable les sommes perçues au titre des prestations familiales et en prenant en compte les personnes à charge. (Modification de l’article 331-2 du Code de la consommation).

Dispositions relatives aux expulsions locatives
Il y a cinquante ans, le 1er février 1954, l’abbé Pierre lançait cet appel : « mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du Boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée ». En son temps, cet appel réveilla les consciences, inspirant et déterminant la mise en œuvre de vastes programmes de création de logements sociaux.
De nombreux acteurs de la politique du logement, de simples citoyens, des associations et bailleurs sociaux ont nourri leur action de cet appel, mais le droit au logement n’est toujours pas aujourd’hui pleinement reconnu.

Le droit au logement est pourtant inscrit comme droit social depuis 1946. Au niveau international, la déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 reconnaît dans son article 25-1 que le droit au logement fait partie des droits sociaux : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».
Ce droit est réaffirmé dans la loi du 31 mai 1990, visant justement à la mise en œuvre du droit au logement et dont l’article premier stipule : « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a marqué une nouvelle étape dans la reconnaissance de ce droit.
La loi relative à la lutte contre les exclusions comporte ainsi un certain nombre de mesures destinées à aider les personnes en difficulté. La protection du logement tient une place non négligeable dans ce dispositif. Mais le défaut prolongé de paiement du loyer aboutit toujours, en dernière extrémité, à l’expulsion, faute en particulier de la reconnaissance et de la mise en place d’un authentique service public du logement.
Le dispositif de prévention s’articule aujourd’hui autour de deux grands axes : La réforme de la procédure aux fins de constat de résiliation du bail ; Le renforcement du rôle du juge.
Nous proposons de revenir sur ce dispositif en prévoyant une exception à la compétence du juge, lorsque l’expulsion est poursuivie exclusivement au motif du défaut de paiement du loyer et des charges locatives ; nous proposons qu’en ce cas, le bailleur soit tenu de saisir une commission départementale dite « de solidarité » (article 3) chargée de statuer sur les dossiers, et notamment sur la solvabilité du débiteur.
Aussi, nous proposons, dans un article 1er, de préciser dans un second alinéa à l’article 60 de la loi n° 91-550 portant réforme des procédures civiles d’exécution, que : « Toute expulsion poursuivie à l’encontre du locataire d’un local à usage d’habitation pour des motifs économiques et sociaux est interdite. Le bailleur est tenu, à compter du deuxième loyer impayé, de saisir la commission départementale de solidarité ».

Dispositions relatives aux services publics de l’eau, de l’électricité et du gaz

Le préambule de la Constitution de 1946 dispose notamment que « la Nation assure à l’individu et à la famille, les conditions nécessaires à leur développement » et que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
Sachant que l’électricité et le gaz sont des produits de première nécessité indispensables à la garantie des droits fondamentaux de la personne et que les services publics de l’électricité et du gaz assurent l’allocation universelle de ces biens, il est du devoir de l’Etat d’une part de faire respecter les principes constitutionnels et, d’autre part, de préserver et garantir l’accès à ces services publics.
Selon l’article 1er de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité : « le service public de l’électricité concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l’électricité pour tous (...) Matérialisant le droit de tous à l’électricité, produit de première nécessité, le service public de l’électricité est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique ».
L’article 1er de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative aux statuts des entreprises EDF et GDF a réaffirmé les contributions d’EDF et GDF à la cohésion sociale. Mais, parallèlement, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a abrogé l’article L. 261-4 du code de l’action sociale qui prévoyait un dispositif national d’aide et de prévention des familles ne pouvant faire face à leurs dépenses d’eau, d’électricité et de gaz. La loi a également révisé le dispositif de l’article 115-3 du même code renvoyant désormais aux fonds de solidarité pour le logement, dont le financement est assuré par les départements avec des concours financiers des opérateurs de distribution d’électricité, de gaz et d’eau, le soin d’apporter une aide aux familles éprouvant des difficultés particulières pour faire face au paiement de ces factures.
Le retrait de l’Etat du dispositif de solidarité est ainsi consacré, et il n’existe aucune assurance sur la capacité des fonds départementaux à couvrir la totalité de la demande sociale. En outre, le dispositif actuel laisse encore ouverte la possibilité d’interrompre la fourniture en énergie et en eau, dans l’hypothèse du rejet de la demande d’aide.
Il convient donc, afin d’assurer et garantir, en toutes circonstances, la fourniture en énergie et en eau aux personnes vivant sur le territoire national, de renforcer le dispositif législatif actuel. C’est l’objet des dispositions de la présente proposition de loi qui, afin d’assurer une permanence de la fourniture d’énergie à quiconque réside sur le territoire national, dans le respect du principe d’égalité et du droit à vivre dans des conditions d’existence décentes, propose les mesures suivantes :
L’article 2 propose de modifier le dernier alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale. Dans sa rédaction actuelle, celui-ci prévoit que : « en cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenu jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide. »
Nous proposons, de façon à prévenir toute coupure de la fourniture en eau, en électricité ou en gaz, de privilégier la rédaction suivante : « Les coupures de fourniture en énergie et en eau sont interdites. Le fournisseur ou le distributeur est tenu de saisir, à compter de deux échéances impayées, la commission départementale de solidarité, qui statue sur les demandes d’aide. » et, de façon à prévenir les coupures intempestives de fourniture, prises sur décision du fournisseur de prévoir l’engagement de la responsabilité pénale du fournisseur contrevenant au principe de maintien de la fourniture d’énergie, de préciser dans un alinéa que : « Le fournisseur ou distributeur qui procède de sa propre initiative à une coupure engage sa responsabilité pénale. »
Nous proposons, en outre, au titre de mesure de prévention, d’étendre le bénéfice de la tarification sociale en matière d’électricité à toutes les personnes qui ne sont pas assujetties à l’impôt sur le revenu.
Il s’agit donc de modifier, dans un article 4, le troisième alinéa du I de l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, et de proposer d’y inscrire la référence aux dispositions de l’article 5 du Code général des impôts :
« Les tarifs aux usagers domestiques tiennent compte, pour les usagers dont le revenu net n’excède pas, par foyer fiscal, et conformément aux dispositions de l’article 5 du Code général des impôts, 7250 euros, ou 7290 euros, s’ils sont âgés de plus de soixante-cinq ans, du caractère indispensable de l’électricité en instaurant, pour une tranche de leur consommation, une tarification spéciale “produit de première nécessité”. Un décret précise les conditions d’application du présent alinéa. »

Dispositions relatives au calcul du « reste à vivre »
La loi fixe, pour la détermination des « restes à vivre », c’est-à-dire la part insaisissable des salaires, un plancher égal au revenu minimum d’insertion (RMI) majoré de 50 % dans le cas d’un ménage, c’est-à-dire lorsque le débiteur vit en couple, avec ou sans enfants.
La plupart des commissions de surendettement vont aujourd’hui au-delà de ce plancher, mais la détermination du « reste à vivre » à partir de ce minimum fixé par la loi demeure nettement différenciée d’une commission à l’autre. Cela s’explique largement par l’appréciation portée sur les dossiers individuels et par les différences de situation économique. Reste qu’il serait souhaitable de développer dans ce domaine un étalonnage des commissions permettant d’établir des comparaisons et ainsi développer des bonnes pratiques.
Par ailleurs, le mode de calcul du « reste à vivre » tend à pénaliser les débiteurs à petits revenus et les familles avec personnes à charge puisque le minimum pour un couple ne prend pas en compte les enfants et personnes à charge. L’octroi des restes à vivre devrait prendre plus systématiquement en compte la situation des familles. Il pourrait être relevé au-delà du mode de calcul actuel au cas où la famille comprendrait des personnes à charge.
Une grave difficulté est également posée du fait d’un arrêté du 2 février 2002 de la 1re chambre civile de la Cour de Cassation qui dispose que les prestations sociales doivent être incluses dans les ressources du débiteur permettant de déterminer la capacité de remboursement et le reste à vivre. Nous proposons que la loi revienne sur cette jurisprudence qui permet d’affecter des prestations familiales au remboursement de dettes, en soulignant que l’insaisissabilité de ces prestations devrait primer sur toute autre considération.
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 331-2 du Code de la consommation dispose, dans son second alinéa, que « le montant des remboursements résultant de l’application des articles L. 331-6 ou L. 331-7 (visant le surendettement) est fixé, dans des conditions précisées par décret, par référence à la quotité saisissable du salaire telle qu’elle résulte de l’article L. 145-2 du Code du travail, de manière à ce qu’une partie des ressources nécessaire aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité. »
L’article précise en outre que, « cette part de ressources (...) intègre le montant des dépenses de logement, de nourriture et de scolarité, dans la limite d’un plafond, selon des modalités définies par décret ».

Pour combler les deux lacunes essentielles évoquées plus haut concernant le mode de calcul du « reste à vivre », nous proposons un article 5 modifiant cette dernière phrase en ajoutant, après les mots, « de nourriture et de scolarité », les mots « le montant des factures d’eau, d’électricité et de gaz, le montant des prestations familiales et le nombre de personnes à charge ».
Nous vous proposons d’adopter cette proposition de loi ainsi rédigée :

PROPOSITION DE LOI

Article 1er
Toute expulsion poursuivie à l’encontre du locataire d’un local à usage d’habitation au seul motif du défaut de paiement des loyers, charges locatives ou indemnités d’occupation, ou en raison de difficultés économiques et sociales, est interdite. Le bailleur est tenu, à compter du deuxième loyer impayé, de saisir la commission départementale de solidarité, sans que les aides au logement puissent être suspendues ou supprimées.

Article 2
Toute coupure de fourniture en énergie et en eau est interdite. Le fournisseur ou le distributeur est tenu de saisir, à compter de deux échéances impayées, la commission départementale de solidarité, qui statue sur les demandes d’aide. Les personnes qui n’ont pas accès au réseau et rencontrent des difficultés pour accéder ou maintenir leur distribution d’énergie peuvent également saisir la commission départementale d’une demande d’aide.
Le fournisseur qui procède de sa propre initiative à une coupure engage sa responsabilité pénale.

Article 3
Il est instauré une commission départementale de solidarité et de suivi qui comprend le représentant de l’Etat dans le département, des élus municipaux et départementaux, les bailleurs, les opérateurs de distribution d’eau, d’électricité et de gaz, les centres communaux et intercommunaux d’action sociale, les associations de locataires, les associations, organismes et institutions intervenant dans le domaine de l’exclusion. Elle définit notamment les modalités de mise en œuvre des aides au logement, que l’occupant ait un titre ou non à occuper celui-ci, et au maintien de la fourniture en énergie et en eau. Elle statue sur la capacité de payer du débiteur. Si le débiteur est en incapacité de payer, l’aide prévue à l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est de droit, assurant notamment une véritable sécurité sociale du logement. Si le débiteur est en capacité de payer, la commission propose un plan d’apurement des dettes et peut, le cas échéant, saisir le juge de l’exécution.

Article 4
Le dernier alinéa du I de l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité est ainsi rédigé : Les tarifs aux usagers domestiques tiennent compte, pour les usagers dont le revenu net n’excède pas, par foyer fiscal, et conformément aux dispositions de l’article 5 du code général des impôts, 7 250 euros, ou 7 290 euros s’ils sont âgés de plus de soixante-cinq ans, du caractère indispensable de l’électricité en instaurant, pour une tranche de leur consommation, une tarification spéciale « produit de première nécessité ». Un décret précise les conditions d’application du présent alinéa.

Article 5
Dans le dernier alinéa de l’article L. 331-2 du code de la consommation, après les mots : « de nourriture et de scolarité, », sont insérés les mots : « le montant des factures d’eau, d’électricité et de gaz, le montant des prestations familiales et le nombre de personnes à charge, ».

Article 6
Les charges éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux et pour l’Etat de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux contributions visées à l’article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

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