Tribunes libres

Parues dans la presse ou dans le journal du groupe, retrouvez ici les tribunes libres signées par les membres du groupe CRC.

Lire la suite

La transparence ne doit pas être un vain mot

Vie politique -

Par / 25 juillet 2013

Tribune parue dans le n°85 d’Initiatives, été 2013.

Le Gouvernement a présenté, le 24 avril 2013, trois projets de loi dits de moralisation de la vie publique et contre la fraude fiscale, devant assurer la transparence et le contrôle des patrimoines des responsables publics. Ils sont présentés comme une réponse aux aveux de l’ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac à propos de ses comptes bancaires détenus à l’étranger.

Cette question n’est pas nouvelle : les affaires liées au financement des partis politiques et des campagnes électorales au cours des années 1980 ont conduit à l’adoption d’une première loi en 1988, sous le gouvernement de Jacques Chirac, avant qu’une nouvelle loi ne soit votée en 1990 sous le gouvernement de Michel Rocard ; en 2011, une commission d’information « Prévenir effectivement les conflits d’intérêts pour les parlementaires » de la Commission des Lois à laquelle participait Nicole Borvo Cohen-Seat, avait, quant à elle, préconisé un certain nombre de recommandations contre les conflits d’intérêts ; en 2010, la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts présidée par Jean-Marc Sauvé avait été créée au plus fort de « l’affaire Woerth/Bettencourt ».

Dans son rapport, cette commission avait, notamment, proposé une loi de déontologie, le renforcement des incompatibilités et de nouvelles interdictions de cumul des fonctions. Un projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a été présenté en Conseil des ministres le 27 juillet 2011, mais il n’a jamais été discuté au Parlement. Ainsi, remis au gout du jour sous l’impulsion de l’actualité politique, ces projets de loi s’inspirent des rapports de la commission présidée par Jean-Marc Sauvé sur la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique et de la commission présidée par Lionel Jospin pour la rénovation et la déontologie de la vie publique. À la suite de « l’affaire Cahuzac », le Président de la République précisait que « le mensonge d’un ministre, c’était un outrage pour la République et qu’à partir de là, il fallait prendre toutes les décisions qui renforceraient notre volonté de cette République exemplaire ». « Une République exemplaire », promesse de campagne de François Hollande, se trouvant fort ébranlée, l’objectif était double.

D’abord, insister sur le fait que seul un homme porte la responsabilité du scandale renvoyant à l’idée d’une faille personnelle et non une faille du système. Ensuite, renforcer le système existant afin qu’une faille personnelle ne puisse, à nouveau, venir « tacher » le système et par là cette République exemplaire tant promise. C’est avec ce double objectif que le Président de la République affichait l’ambition « de lutter de manière impitoyable contre les conflits entre les intérêts publics et les intérêts privés et assurer la publication et le contrôle sur les patrimoines des ministres et de tous les parlementaires ». Aujourd’hui plusieurs textes sont donc soumis aux parlementaires sur la « transparence de vie publique ». Ils ont pour objet de doter la France, « de moyens effectifs de prévention, de contrôle et de sanction du non-respect des obligations de probité et d’intégrité qui s’imposent à tous ceux qui exercent des responsabilités publiques ».

Nous nous félicitons que soit remis à l’ordre du jour le principe de transparence. Nous sommes évidemment favorables à l’introduction dans notre droit d’une définition du conflit d’intérêts en ce qu’elle représente une avancée importante, car, jusqu’à présent, le caractère imprécis et fragmenté de la notion de conflit d’intérêts, non définie par un texte législatif en droit français, ne permettait pas d’élaborer une véritable politique de prévention des conflits. Nous sommes également favorables aux différentes obligations désormais imposées pour empêcher concrètement ces conflits d’intérêts : le renforcement des incompatibilités applicables tant aux élus qu’aux agents publics, l’obligation de déport ou décharge de fonction, le durcissement et l’extension des règles de pantouflage.

De même, la généralisation et la précision du contenu des déclarations d’intérêts et de patrimoine favoriseront l’efficacité des dispositifs proposés. Pour les déclarations de patrimoine, le droit de consultation ouvert aux citoyens devrait permettre de concilier la nécessaire transparence et le respect de la vie privée. Pour autant, nous estimons que ces textes ne vont pas suffisamment loin. En effet, ils oublient la question du lobbying pourtant plus qu’étroitement liée à celle des conflits d’intérêts ; une obligation de déport qui reste trop limitée. Quant à la création d’une Haute autorité de la transparence, si elle est intéressante, il n’en demeure pas moins qu’en l’état, elle risque d’être une coquille vide dès lors qu’on ne lui fournirait pas les moyens humains et matériels pour mener à bien ses missions. Nous préconisons donc un renforcement de ces moyens puisque l’objectif est d’en faire la clé de voute du mécanisme de contrôle de l’intégrité des responsables publics. Moyens matériels pour lui permettre d’investiguer et possibilité d’enjoindre l’administration fiscale de lui transmettre tous les éléments dont elle pourrait disposer.

Quant à sa composition, elle n’est pas, pour l’heure, satisfaisante. Par ailleurs, sur la notion de conflits d’intérêts, nous proposons principalement de privilégier la définition donnée dans le rapport Sauvé plus précise et mieux applicable juridiquement. Son champ doit être élargi pour interdire l’exercice d’une profession durant un mandat parlementaire (sauf dérogation expresse) et rendre incompatible l’exercice d’un mandat parlementaire avec des participations directes dans des entreprises de presse ou d’audiovisuel. Poursuivant l’objectif d’une République exemplaire, nous souhaitons rendre obligatoire l’absence de condamnation - pour les délits relevant de la Haute autorité - comme condition de candidature aux élections locales, législatives et sénatoriales. Enfin, s’agissant du lobbying, s’il nous semble que l’écoute de tous les acteurs de notre société est nécessaire et essentielle à l’élaboration des décisions publiques, les échanges entre les élus et les groupes d’influence doivent être menés de manière déontologique et transparente pour les citoyens.

Il est plus que temps que la France s’attaque au lobbying. L’actualité est là pour le démontrer ! Chacun conviendra que la mise en place de dispositifs de prévention, de contrôle et de sanction des obligations d’intégrité qui s’imposent à tous ceux qui exercent des responsabilités publiques

est une exigence démocratique. La transparence ne doit et ne peut être un vain mot, un vain concept pour le pouvoir en place. Et puisque « la vérité c’est d’abord ce que l’homme cache » (Malraux), efforçons-nous toujours de contraindre le pouvoir à sa manifestation. La transparence est à ce prix !

Les dernieres tribunes

Tribunes libres Face à la politique libérale d’Emmanuel Macron, une autre voie est possible

Déclaration politique du groupe Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste - Par / 6 octobre 2020

Tribunes libres Face à la crise démocratique, quelle révolution constitutionnelle ?

Interventions des participants au colloque organisé le 5 mars au Sénat - Par / 12 mars 2018

Tribunes libres Stop aux violences policières et au racisme ! 

Réunion publique à la bourse du travail de Gennevilliers - Par / 14 mars 2017

Tribunes libres C’est l’Amérique

Trump, Obama, Clinton, Sanders... - Par / 11 novembre 2016

Administration