Tribunes libres

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Pour un juste prix des services de l’aide à domicile !

Rencontre nationale des acteurs de l’aide à domicile -

31 mars 2017

Suite à la rencontre nationale des acteurs de l’aide à domicile organisée le 9 mars dernier, retrouvez ici l’intervention de Dominique Watrin, sénateur du Pas-de-Calais et co-auteur du rapport "l’aide à domicile, un système à bout de souffle à réformer d’urgence".

Mesdames, Messieurs,

Selon une étude récente, 67% des Français souhaiteraient que le financement durable de la perte d’autonomie fasse partie des réformes du prochain quinquennat.
C’est dire si le jugement des Français sur la loi Adaptation de la Société au Vieillissement est d’abord celui d’un goût d’inachevé…

Eux qui à 87% déclarent apporter une aide régulière à leurs parents âgés attendaient sûrement plus et mieux, comme vient de le rappeler mon ami Thierry Foucaud.
Un sentiment d’ailleurs largement partagé par le milieu associatif, les salariées du médico-social, les usagers les plus concernés : « on a une loi d’adaptation de la société au vieillissement, mais la loi promise n’est pas au rendez-vous », entendait-on dire récemment dans un colloque national dédié au vieillissement.

Mes chers amis,
La rencontre d’aujourd’hui, que nous avons préparée ensemble, ne pourra traiter toutes les problématiques vieillesse. Nous avons donc convenu de la circonscrire aux questions liées à l’accompagnement à domicile pour les Personnes Agées en ciblant d’emblée un objectif commun : l’urgence d’un juste prix de rémunération des services pour la dignité des Personnes Agées en perte d’autonomie et des salariés de l’aide à domicile.

Le problème de l’équilibre financier des structures associatives n’est pas nouveau. En témoigne notamment le titre du rapport sénatorial d’information que j’ai cosigné en juin 2014 avec Jean-Marie Vanlerenberghe, « l’aide à domicile auprès des publics fragiles : un système à bout de souffle à réformer d’urgence ».

Déjà il y a deux ans et demi, les 2 rapporteurs pointaient parmi les 13 propositions générales formulées dans ce rapport :
-  En n°1 : la nécessité de renforcer durablement la participation de l’État dans le financement de l’APA et de la PCH afin d’assurer la solvabilisation et la qualité des interventions des structures d’aide à domicile. Pour mémoire, la participation de l’État est passée de 42% du montant des plans d’aide en 1997 à 31% en 2016 : un vrai désengagement national ! ;
-  En n°2 : la définition, sur la base de l’étude nationale des coûts, d’un tarif national de référence de l’APA, modulable suivant les caractéristiques des départements.

Or j’attire votre attention sur ce point précis : la loi ASV dans sa version définitive a totalement tourné le dos à cet objectif. J’ai ici l’amendement déposé par Madame Joëlle Huillier, députée et rapporteuse du texte, MM. Georges Labazée et Gérard Roche, sénateurs, rapporteurs en CMP qui modifie le rapport annexé à l’article 2 dans son alinéa 299 et substitue au concept de tarif national de référence (au singulier), des tarifs nationaux de références non opposables, ce qui revient de fait à laisser faire chaque Département et à renoncer à un tarif socle.

Quant aux amendements déposés par le groupe Communiste, Républicain et Citoyen visant notamment à instaurer un tarif national de référence opposable et correspondant aux résultats de l’étude nationale d’évaluation des coûts, ils ont été balayés d’un trait par les autres groupes parlementaires ! Je rappelle que nous proposions que cette augmentation du tarif, eu égard aux difficultés financières des départements, soit intégralement prise en charge par l’État, pour la partie comprise entre le tarif moyen pratiqué par les Départements et le tarif cible de 25€.

Sans réponse de fond à ces questions, il ne faut pas s’étonner que les appels au secours lancés par les associations, les salariés de l’aide à domicile, les usagers, se fassent chaque jour plus pressants !

Et à chaque déplacement que j’effectue en province (Isère, Pyrénées Orientales, Nord,…) ce sont des dizaines d’acteurs qui se mobilisent pour tenter de faire entendre leur voix.

Celle de l’inquiétude grandissante des structures associatives confrontées pour la plupart à une rémunération des services effectués, inférieure au coût de revient.
Aujourd’hui, il n’y a plus de réserves, plus de matelas financier : c’est la pérennité elle-même de ces structures qui est directement menacée… 107 associations d’aide à domicile auraient mis la clef sous la porte ces deux dernières années, 10.000 emplois auraient été supprimés entre 2009 et 2012 dans ce secteur pourtant présenté comme porteur.

Cette sous-rémunération, c’est aussi beaucoup de mal-être chez des personnels précarisés, réduits à vivre avec 832€ de salaire moyen par mois alors que les aides à domiciles (pour 98% des femmes) sont censées effectuer une mission sociale, voire sociétale.

J’entends aussi leur angoisse et leur révolte à devoir effectuer, au nom de la réduction des coûts, des tâches pour lesquelles elles n’ont pas été formées, qui exigent légalement un diplôme d’auxiliaire de vie voire d’infirmière et qui les plongent dans une situation de stress.

Ce secteur de l’aide à domicile, c’est aussi un taux de sinistralité (accidents du travail, maladies professionnelles) quatre fois plus élevé que le taux moyen. Une véritable souffrance au travail engendrant des taux d’absentéisme et un turn-over record. Cette situation inquiétante alerte pourtant à peine les autorités départementales et nationales, l’Inspection du Travail ou la Médecine du Travail mais complique au quotidien la gestion des structures.

Ces difficultés, trop souvent vécues nous feraient presque oublier la finalité de cet accompagnement : le maintien à domicile dans les meilleures conditions possibles des personnes en perte d’autonomie mais trop souvent victimes d’une forme de maltraitance institutionnelle avec des plans d’aide de plus en plus fractionnés.

Ce sont aussi pour les usagers, qui ont travaillé toute leur vie et participé au redressement de notre pays, des doubles restes à charge quand le département ne rémunère les services qu’à 17,5 ou 18,5€ de l’heure et que les seniors sont obligés d’acquitter :
-  Et le ticket modérateur sur le plan d’aide APA fixé par un barême national si leurs revenus sont supérieurs à 800€ par mois,
-  Et le paiement à plein pot du différentiel entre les 17,5 ou 18,5€ par heure (ce qui est remboursé à l’association par le Département) et le tarif réel facturé par celle-ci à l’usager (parfois 3 ou 4€ de l’heure en plus !)

Chers amis,
Certains me reprocheront, je le sais, une vision trop noire de la réalité. Il est vrai qu’il y a des Départements qui rémunèrent 23,5€ de l’heure, 24€ de l’heure, voire plus, et pas les plus riches, ce qui est tout à leur honneur ! Mais que penser alors d’un système qui institue l’inégalité de traitement des usagers devant la loi suivant l’endroit où ils résident ?

Mes chers amis,
Je pourrais parler pendant des heures, mais je fais le choix de laisser le maximum de temps aux échanges, me réservant la possibilité de réagir aux différentes interventions. Bien sûr, il y aura des témoignages sur le vécu des uns et des autres, ces témoignages sont précieux et nous devons les entendre.

Mais je veux rappeler l’objet, la finalité même de cette rencontre qui est de déboucher sur une action commune. Déjà nous pouvons être fiers collectivement du succès de cette rencontre qui est un véritable évènement national ! C’est la première fois en effet dans le pays que s’exprimeront ensemble, autour d’un objectif commun, et les fédérations d’employeurs, et les salariés de l’aide à domicile via leurs syndicats et les usagers à travers le collectif des 9.

Bien sûr, nous avons tous conscience des différences, voire parfois des antagonismes qui existent forcément entre des acteurs qui se situent à des places différentes et qui n’ont pas toujours les mêmes intérêts et les mêmes points de vue.

Moi-même, avec mon groupe politique, le groupe CRC, nous n’avons pas la même approche que les autres groupes politiques de cette question du vieillissement.
Les élus et les militants communistes militent pour un véritable service public national de l’aide à domicile, s’appuyant sur les structures existantes, organisé départementalement, démocratiquement et financé dans le cadre de la branche maladie de la Sécurité Sociale.

Nous avons aussi proposé une mesure d’urgence qui aurait permis de rémunérer les associations de l’aide à domicile à 25€ de l’heure dès le 1er janvier 2017 en doublant le produit de la Contribution Additionnelle de Solidarité pour l’Autonomie, par la taxation des revenus des actionnaires au même niveau que ceux des retraités imposables. Notre groupe n’a été suivi par aucun autre groupe politique, sans même qu’ils ne présentent de solutions alternatives.

Que les choses soient claires : je ne demande à personne ici de se rallier à quiconque. Notre ambition commune est de porter plus haut et plus fort les constats partagés de ce secteur auprès des pouvoirs publics, ceux qui nous gouvernent aujourd’hui et ceux qui nous gouverneront.

Notre ambition, c’est d’exiger ensemble, avec la force et la conviction nécessaire, le respect de l’étude nationale d’évaluation des coûts. Que dit cette étude, trop longtemps bloquée et enfin rendue publique au premier semestre 2016 ? Que le coût moyen des services d’aide à domicile était de 24,24€ de l’heure mais sur la base des données collectées entre 2011 et 2013, ce qui veut dire aujourd’hui 25€ de l’heure !
Et encore s’agit-il d’une évaluation qui ne prend pas en compte le besoin d’élever la qualité du service rendu aux usagers, ni la reconnaissance de la profession, ses besoins de formation, d’augmentation des salaires, de déprécarisation et d’amélioration des conditions de travail des salarié(e)s.

Voilà pourtant un socle commun d’exigences qui aurait le mérite de sortir le secteur des rafistolages de façade ou des cataplasmes qui ne guérissent pas l’origine du mal.
J’espère que dans l’urgence de la situation, nous saurons nous rassembler pour porter avec la conviction, la force et l’efficacité nécessaires cet objectif de 25€ de l’heure à la fois ambitieux et réaliste.

Tel est le sens de cette première rencontre nationale dont nous pouvons tous être fiers.

Je vous remercie de votre attention.

CR rencontre nationale Aide à Domicile 9III2017

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