Vous stigmatisez les allocataires du RSA

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi du groupe Les Indépendants – République et Territoires vise à expérimenter un mécanisme d’incitation au retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Elle s’inspire d’une expérimentation menée dans le département de l’Allier, où les bénéficiaires du RSA peuvent travailler 15 heures par semaine sans perte des allocations du RSA.

Cette proposition de loi nous pose trois problèmes principaux.

Premièrement, elle repose sur un postulat biaisé : les bénéficiaires du RSA n’effectueraient pas les démarches pour retrouver un emploi alors qu’il leur suffirait de « traverser la rue »…

En comparant le nombre d’offres d’emploi et le nombre de bénéficiaires du RSA, la proposition de loi reprend le mythe d’un vivier d’emplois disponibles. En réalité, les intentions d’embauche ne sont pas les postes actuellement vacants. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), seulement 185 000 emplois étaient vacants au quatrième trimestre 2020.

De surcroît, un poste vacant n’est pas forcément pourvu par un chômeur. Selon les chiffres de Pôle emploi, la moitié des offres concernées sont retirées faute de besoins et 25 % des emplois proposés sont attribués en interne : en réalité, seulement 25 % des offres ne trouvent pas de candidat, soit 46 000 postes disponibles pour 2 millions de bénéficiaires du RSA en décembre 2020.

Deuxièmement, cette proposition de loi ne permet pas de faire sortir les bénéficiaires du RSA de la précarité. Avec un CDD de 15 heures de travail par semaine, il leur sera toujours impossible d’obtenir un prêt bancaire ou un logement.

En permettant de déroger à la durée hebdomadaire minimale de travail de 24 heures, vous aggravez les inégalités sociales et particulièrement les conditions de travail des femmes. En effet, ce sont elles qui subissent majoritairement les contrats courts dans le secteur des métiers du lien social.

Troisièmement et enfin, cette proposition de loi n’apporte aucune solution d’accompagnement et de formation pour les bénéficiaires du RSA éloignés de l’emploi. Pourtant, ce chantier devrait être la priorité.

Alors que la France dénombre actuellement 6 millions de chômeurs, l’État doit mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires pour permettre à Pôle emploi de remplir sa mission de formation et de réinsertion. Plutôt que de réformer l’assurance chômage en réduisant les droits des chômeurs, le Gouvernement devrait s’attaquer au non-recours au RSA, dont le taux est estimé à 36 %. Ce phénomène représente plus de 3,6 milliards d’euros de prestations non versées.

En reprenant le vieux refrain cher à la droite – « les pauvres sont responsables de leur situation » –, vous stigmatisez les personnes qui survivent avec les minima sociaux. N’oublions pas que l’on parle de 565,34 euros par mois pour une personne. Qui peut vivre dignement avec une telle somme ? Qui ?

Plutôt que de culpabiliser les bénéficiaires du RSA pour les faire travailler 15 heures par semaine, aidons-les concrètement à se former et à retrouver de la mobilité.
Dans son rapport sur l’état de la pauvreté en 2020, le Secours catholique défend l’idée d’un revenu minimum garanti équivalant à 50 % du revenu médian, soit 893 euros par mois.

Cette proposition de loi va à l’encontre des attentes des bénéficiaires du RSA qui ont basculé dans l’extrême pauvreté depuis des années, alors même que leur nombre se multiplie ces derniers temps. Ils demandent un filet de sécurité qui les protège réellement et des solutions d’accompagnement individualisées pour retrouver un emploi durable.

Nous voterons contre cette proposition de loi !

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