La disette budgétaire pour les populations de l’outre-mer

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les recommandations de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer ont déjà été rappelées par son président, M. Serge Larcher, et par plusieurs de mes collègues. Comme l’a souligné M. le rapporteur, on peut y croire ou non ; pour notre part, nous voulons y croire.

Pourtant, la seule application, pour le moment, du passionnant débat que nous avons eu au début de l’année à l’occasion de l’examen du projet de loi pour le développement économique des outre-mer a été la tenue des états généraux de l’outre-mer, qui ont, c’est le moins que l’on puisse dire, mis en évidence les différences – et même les divergences – d’appréciation entre les forces vives de chacun des territoires composant l’outre-mer quant aux voies et moyens à utiliser pour résoudre les problèmes de toute nature auxquels ceux-ci sont confrontés.

En effet, certaines organisations, dont la légitimité est parfois liée à l’acquis des luttes sociales et politiques, n’ont pas participé à ces états généraux. Dans d’autres cas, les différences d’approche sont manifestes : j’en veux pour preuve les termes du discours prononcé par le président de la Polynésie française, M. Oscar Temaru, qui mettait la France en garde contre un retour à des pratiques coloniales.

Surtout – c’est en tout cas ce que montrent certaines interventions –, les espoirs que nourrissaient certains suite à l’adoption de la LODEOM demeurent de simples espoirs et ne trouvent guère de traduction dans les faits. La consultation sur internet du site même de la Haute Assemblée est sans la moindre équivoque à cet égard : à la date du 28 septembre dernier, aucune des mesures tant réglementaires que non réglementaires prévues par la loi promulguée en mai dernier n’avait été prise. Peut-être les dernières semaines auront-elles quelque peu permis de remédier à cette situation, mais, pour l’heure, il n’y a rien de plus…

En revanche, un rapide examen du projet de loi de finances pour 2010 nous apprend que certaines dispositions de la LODEOM trouveront application. En effet, à la lecture de l’évaluation des recettes et de l’article 11 du projet de loi de finances, nous apprenons qu’en raison de l’imputation du revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, sur la prime pour l’emploi, l’État va pouvoir récupérer 108 millions d’euros jusqu’ici versés au titre de cette prime aux salariés ultramarins, somme à peine entamée par les 3 millions d’euros que coûterait l’exonération du RSTA ! Les prix ne sont pas encore contrôlés outre-mer, mais les choses vont beaucoup plus vite, semble-t-il, dès qu’il s’agit de récupérer un peu d’argent sur le dos de nos compatriotes ultramarins avant tout engagement de dépenses nouvelles !

Quant aux crédits de la mission « Outre-mer », ils n’échappent aucunement aux principes de régulation budgétaire aujourd’hui largement appliqués. Leur augmentation de 118 millions d’euros en 2010 trouve son origine dans les politiques d’allégement du coût du travail, qui, pour notre groupe, constituent la forme la plus achevée d’une action publique sans pertinence ni efficacité prouvée. Ainsi, les crédits affectés à l’action « soutien aux entreprises » progressent de 93 millions d’euros et constituent désormais de loin la plus grande part des crédits de la mission. Dans le même temps, les crédits de la ligne budgétaire unique consacrée au logement stagnent à 210 millions d’euros et la dotation de continuité territoriale est arbitrairement maîtrisée. Ces quelques chiffres montrent à quel point nous sommes loin des attentes fortes exprimées tant au travers des mouvements sociaux que dans les débats relatifs à la LODEOM !

De fait, c’est dans un contexte budgétaire déprimé, où l’outre-mer doit apporter son écot à la régulation générale, c’est-à-dire prendre sa part dans la politique de réduction générale de la dépense publique, que nous sommes amenés à débattre aujourd’hui, en particulier du devenir institutionnel de l’outre-mer : les tensions sociales sont fortes, les expérimentations diverses – nous devrions discuter sous peu d’une proposition de loi relative au régime fiscal des résidents de Saint-Martin, c’est dire ! –, et on ajoute donc le problème de la monodépartementalisation aux autres.

Je ne sais s’il faut anticiper la transformation des conseillers généraux et des conseillers régionaux en conseillers territoriaux en fusionnant les assemblées de chaque « département-région d’outre-mer » et en adaptant le nombre des élus à la situation nouvelle ainsi créée, mais ce qui semble certain, pour l’heure, c’est que la LODEOM est loin d’avoir trouvé sa pleine application et que de longues années de disette budgétaire attendent encore les élus de l’outre-mer, aux prises avec la poudrière sociale et économique des territoires concernés !

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