Le gel des prestations familiales est inacceptable

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de débuter mon intervention sur la branche famille, je souhaite remercier André Lardeux de son honnêteté.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Parce que nous, nous ne sommes pas honnêtes ?

Mme Isabelle Pasquet. Alors que le Gouvernement et la majorité tentent d’expliquer les déficits sociaux par la crise, vous reconnaissez, mon cher collègue, que nous rentrons dans une période de déficit structurel. Au groupe CRC-SPG, nous partageons pleinement cette analyse et nous considérons même que ce déficit structurel est précisément la conséquence de la politique que mène le Gouvernement en matière de réduction des recettes.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mme Pasquet ne m’a pas écouté : j’ai dit la même chose que M. Lardeux ! Il n’est pas le seul à faire preuve d’honnêteté intellectuelle ...

Mme Isabelle Pasquet. C’est exact !

C’est peu de dire que la branche famille est habituellement le parent pauvre des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Cette année, la situation est encore plus grave : alors que cette branche est structurellement excédentaire, nous nous trouvons face à un déficit. Nous nous souvenons tous des débats qui ont eu lieu en 2008 sur la manière d’utiliser les 324,4 milliards d’euros d’excédents de la branche famille. Ce temps est malheureusement révolu car, à en croire les prévisions, le déficit dépasserait les 3 milliards d’euros pour 2009, et devrait atteindre 4,4 milliards d’euros en 2010.

À n’en pas douter, les familles de notre pays, à commencer par les plus pauvres d’entre elles, seront les victimes indirectes de ce sous-financement organisé de notre protection sociale.

C’est pourquoi le groupe CRC-SPG ne peut accepter le gel des prestations familiales, tel qu’il est prévu dans l’annexe B de ce PLFSS pour 2010. Nous considérons, pour notre part, que c’est justement parce que la crise est là, et peut être même durablement, qu’il est nécessaire de faire jouer à plein la solidarité nationale. Cela vaut particulièrement pour la branche famille, dont nous savons tous qu’elle est indirectement au cœur de très nombreuses solutions. À titre d’exemple, la démographie, si elle s’accompagne d’un fort taux d’emploi, peut jouer un rôle moteur dans la problématique des retraites.

On sait aussi qu’en période de crise la famille est l’espace de toutes les solidarités, notamment quand les solidarités nationales sont insuffisantes, voire inexistantes. Je pense, en particulier, à la prise en charge de la dépendance, ou encore à l’aide en direction des jeunes de moins de vingt-cinq ans privés d’emploi qui ne perçoivent aucune forme d’aide. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder autour de soi et d’observer l’importance du phénomène du retour au domicile parental, y compris pour des adultes ayant dépassé la trentaine.

Alors oui, même si cela peut paraître à contre-courant des discours tenus en de telles circonstances, nous en appelons, pour notre part, au développement des solidarités.

J’ai lu avec attention le rapport de notre collègue André Lardeux. Comme lui, je refuse, avec les membres de mon groupe, que l’on finance la branche famille par la dette. Nous refusons également que la situation économique actuelle serve de prétexte pour diminuer ou supprimer certaines prestations.

Mais là où nous divergeons, c’est sur la hausse des prélèvements sociaux. Nous y sommes opposés, car cela pèserait encore davantage sur les familles qui, à notre avis, contribuent déjà pour une part importante au financement de notre protection sociale par les franchises médicales, la participation forfaitaire d’un euro, le forfait hospitalier et les mécanismes de récupération sur succession. Demain, avec la suppression de la taxe professionnelle et l’instauration de la taxe carbone, elles seront de nouveau mises à contribution.

Je voudrais par ailleurs, madame, messieurs les ministres, attirer votre attention sur ce qui fait défaut dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

J’aurais souhaité que vous ouvriez le bénéfice du versement des pensions de réversion aux concubins notoires et aux partenaires liés par un PACS, comme nous l’avions suggéré dans l’une de nos propositions de loi.

La différence de traitement entre les couples mariés et les couples pacsés n’est pas acceptable. Elle est d’autant moins justifiable que les couples pacsés sont tenus, durant leur vie commune, à un strict devoir de solidarité. Cette distinction pourrait d’ailleurs entraîner une sanction européenne, puisqu’elle fait naître une différence de traitement entre les citoyens en raison de leur orientation sexuelle, dans la mesure où le mariage, qui seul donne droit au bénéfice de la pension de réversion, n’est pas accessible aux couples de même sexe.

Par ailleurs, je regrette la faiblesse de vos propositions en matière de garde d’enfants. Nous avons bien compris que, pour vous, la création des 200 000 places de garde d’enfants supplémentaires passait presque exclusivement par l’autorisation accordée aux assistants maternels d’accueillir, non plus trois, mais quatre enfants.

Cela n’est pas satisfaisant et ne suffira pas à répondre aux besoins. C’est pourquoi nous regrettons que vous refusiez, comme nous le proposons, la création d’un grand service public de la petite enfance.

Je souhaite profiter de mon intervention pour vous inviter, madame la ministre, à engager avec votre ministère une réflexion sur le déplafonnement de la prestation de service. Ce déplafonnement permettrait aux maires des communes qui hésitent à créer des crèches municipales de le faire, puisque l’ensemble des frais de gardes seraient assurés par la combinaison des allocations de la CAF et des participations acquittées par les parents. Ce déplafonnement serait un signal fort. Il permettrait sans doute la création de places en crèches, ce mode de garde étant plébiscité par plus de 80 % des familles concernées.

Les familles attendent des réponses à leurs inquiétudes. Elles attendent une modulation de l’allocation de rentrée scolaire en fonction du niveau d’étude, elles attendent une allocation d’autonomie jeunesse, elles attendent surtout le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Elles attendent un gouvernement solidaire, et je crains qu’avec ce PLFSS elles n’attendent encore.

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