Chronique d’une bataille parlementaire (7)

Depuis le 5 octobre et pour deux semaines, peut-être trois, le Sénat examine à son tour la réforme des retraites. Cette discussion, parole de sénateurs communistes et du Parti de Gauche, n’aura rien de feutré ! Retrouvez ici un résumé quotidien des interventions et des actions venant de parlementaires mobilisés contre une réforme « totalement injuste » et qui se veulent à l’unisson de la protestation populaire.

Du Sénat au métro Vavin, il y a un petit kilomètre que les sénateurs communistes et du Parti de Gauche parcourent à pied, traversant le jardin du Luxembourg, en une dizaine de minutes. C’est là, boulevard Montparnasse, qu’ils vont à la rencontre des manifestants parisiens, ce mardi 12 en début d’après-midi. Echarpes tricolores en bandoulière, ils reçoivent un accueil particulièrement chaleureux. Au milieu de la foule, Nicole Borvo Cohen-Seat souligne que les « élus du groupe CRC-SPG sont totalement en phase avec ce que veulent les Français ». A savoir le retrait du projet et l’ouverture de négociations sur des bases alternatives. A ses côtés, Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF estime que le message de cette nouvelle mobilisation est clair : « Le pays n’acceptera pas cette réforme. Le mouvement va continuer et le gouvernement sera bien obligé à un moment de ravaler son arrogance. » Les élus du groupe en profitent pour distribuer le dernier exemplaire de leur journal, « Initiatives », barré de cette une : « Le bras de fer se poursuit au Sénat et dans le pays ». Plusieurs centaines d’exemplaires sont écoulés en quelques minutes. Un vrai succès !

En séance, les jours se suivent et se ressemblent. On peut résumer les choses ainsi : cela n’avance pas ! 856 amendements sont encore en souffrance, alors que la séance reprend cet après-midi à partir de 14h30. Hier, la majorité sénatoriale a péniblement adopté l’article premier, un article pourtant mineur qui prévoit la création d’un comité de pilotage. « Les missions de ce futur comité de pilotage sont essentiellement financières, déplorent cependant les élus du groupe CRC-SPG ; il jouera pour les régimes de retraite le rôle des agences de notation vis-à-vis des comptes publics : c’est dire qu’il y a de quoi s’inquiéter. Présidé par le ministre -ce qui n’est pas gage d’indépendance- il sera chargé de travailler à la fusion des 38 régimes existants. Nous savons ce qu’il en sera : avec la majorité, le Président de la République et le gouvernement, l’alignement se fait toujours par le bas ! »

« Il est clair que votre gouvernement mène une politique en rupture avec les valeurs qui sont au coeur de la République, qui sont celles de la fraternité et de la solidarité », déclare Odette Terrade lors de la séance des questions cribles au gouvernement programmée à 17 h ce mardi au milieu de la discussion sur les retraites. Thème de la séance : l’accès au logement. Un thème que la sénatrice du Val-de-Marne élargit, actualité oblige, à l’accès au logement des retraités. « Aujourd’hui, analyse-t-elle, c’est à chacun selon ses moyens, nous aurons la retraite obtenue individuellement par la voie de la capitalisation et non de la répartition. Et nous pourrons nous loger, sous l’unique condition d’être solvables. Oui, les logements sont chers, oui les retraités non fortunés pourront de moins en moins se voir garantir un droit au logement. Et cela d’autant plus que leur situation spécifique nécessite bien souvent des aménagements particuliers. Ma question sera donc simple : quand ce gouvernement va-t-il entendre, et notamment en ce jour de manifestation, la voix du peuple ? » Réponse de Benoist Apparu, secrétaire d’État : « Si le gouvernement veut accélérer l’accession à la propriété, c’est aussi pour sécuriser la retraite des Français. » On est prié de le croire.

Dans la soirée, alors que le succès des manifestations est confirmé, Guy Fischer se fait le porte-parole de la rue dans l’hémicycle. « Le gouvernement et la majorité ont parié sur le pourrissement, la démobilisation : ils ont eu tort, constate avec satisfaction le sénateur du Rhône. La mobilisation se renforce ! C’est une gifle pour une droite sourde à la colère du peuple. M. Fillon a opposé une fin de non-recevoir aux 3,5 millions de manifestants et à tous ceux qui les soutiennent. Cette position est irresponsable et dangereuse pour notre pays. Je vous propose, Madame la présidente de la commission, de recevoir dès demain les organisations syndicales pour faire ce à quoi le gouvernement s’est refusé : ouvrir les négociations. C’est la responsabilité du Parlement et du Sénat, comme lors de la crise du CPE, de permettre au pays de sortir de l’impasse dans laquelle le plonge l’entêtement de M. Sarkozy ! »

Ces 3,5 millions de manifestants constituent en effet un désaveu cinglant pour le gouvernement et sa majorité. La stratégie de précipitation des débats au Sénat a échoué. Le vote en priorité des deux mesures phares de la réforme, les reports à 62 ans et à 67 ans, n’ont visiblement pas découragé les opposants à la réforme.

Ce matin, le groupe CRC-SPG et les députés communistes et du Parti de Gauche organisent une table ronde, suivie d’une conférence de presse, avec différents collectifs de médecins du travail. Objectif : mettre en lumière, indique Annie David, sénatrice de l’Isère, « les mesures iniques relatives à la médecine du travail » que l’UMP a glissé à l’occasion du débat à l’Assemblée nationale dans son projet de réforme des retraites sous la forme d’un « cavalier législatif ». Celui-ci torpille ni plus ni moins l’indépendance des médecins du travail en les soumettant au bon vouloir des patrons, tout en rompant le lien entre travail et santé. « Les missions définies sont exercées, précise l’amendement en question, sous l’autorité de l’employeur, par les médecins du travail ». Une définition qui remet en cause l’autonomie des médecins, alors que ceux-ci étaient libres de définir leurs missions indépendamment des désirs des chefs d’entreprise.

Ce soir à 19 h, réunion de la Conférence des présidents. L’organe exécutif du Sénat, où l’UMP est évidemment majoritaire et où la voix du gouvernement est particulièrement écoutée, doit se pencher sur l’organisation des débats en cours. Et sans doute reconnaître ce qui semble inéluctable au regard du tempo actuel : les débats devront se poursuivre la semaine prochaine. Pour une loi dont la presse a dit un peu vite qu’elle était d’ores et déjà votée, cela commence à faire mauvais genre !

A suivre...

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