Chronique d’une bataille parlementaire (9)

Depuis le 5 octobre et pour trois semaines, le Sénat examine à son tour la réforme des retraites. Cette discussion, parole de sénateurs communistes et du Parti de Gauche, n’aura rien de feutré ! Retrouvez ici un résumé quotidien des interventions et des actions venant de parlementaires mobilisés contre une réforme « totalement injuste » et qui se veulent à l’unisson de la protestation populaire.

Série noire pour le gouvernement, ce jeudi. La mobilisation lycéenne s’amplifie, une nouvelle journée de mobilisation est annoncée pour mardi prochain et le débat continue de piétiner au Sénat : seulement 61 amendements examinés au cours de la séance. Ce matin, 744 sont encore au programme des sénateurs.

17 h 50 : les épaules d’Eric Woerth s’affaissent brutalement. Assis au banc du gouvernement, le ministre du Travail vient d’entendre le président de séance annoncer les résultats du vote sur l’article 4 du projet de loi. Stupéfaction dans l’hémicycle : l’article, qui porte sur les modalités d’allongement de la durée de cotisation jusqu’en 2020, est rejeté par 181 voix contre 155. Explication : le sénateur centriste de Mayotte, Adrien Giraud, tout juste 74 ans, détenteur des délégations de vote de l’ensemble de son groupe a voté par erreur contre l’article. « La fatigue aidant, après des heures et des heures de débat, notre sénateur s’est trompé. Nous voulions voter pour l’article », explique-t-on au groupe Union centriste. Franche rigolade sur les bancs du groupe CRC-SPG où l’on apprécie à leur juste valeur les déboires de la majorité. Celui-ci sera néanmoins sans grande conséquence : à la fin de l’examen du projet, le gouvernement demandera une seconde délibération sur cet article. Sur le fond, « relever de deux ans la durée de cotisation, c’est interdire aux jeunes, dont l’âge moyen d’entrée dans la vie active est de 23 ans -et je ne parle pas de ceux qui ont un long cursus universitaire- de prendre leur retraite à 60 ans, a souligné Marie-France Beaufils. Prolongation de la durée de cotisation et raccourcissement de la durée de la retraite : voilà votre projet ! Chaque année de cotisation vaut moins au regard de la retraite. Vous spéculez sur la mort des assurés. »

Avec des centaines de lycées bloqués et des dizaines de milliers de manifestants partout en France, la mobilisation grandissante des lycéens s’invite dans le débat sénatorial. « Vous semblez incrédule devant la montée du mécontentement populaire. La jeunesse ne veut pas de votre réforme, car elle sait que ce projet de loi les privera d’une vraie retraite, lance Guy Fischer à l’adresse du gouvernement. Son inquiétude n’a pas besoin d’être attisée, il suffit de voir les chiffres du chômage ! »

« Récemment, des jeunes ont été mis en examen : on sanctionne désormais l’action, relève pour sa part Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’il soit dit ici que les organisations politiques n’ont jamais incité les jeunes à manifester ! Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier, disiez-vous pour abaisser la majorité pénale ! S’ils peuvent être envoyés en prison à 13 ans, ils peuvent bien s’inquiéter de leur retraite ! Ils ne sont pas stupides : la jeunesse comprend les problèmes de société. »

Toujours dans l’après-midi, on apprend que Marie-George Buffet a demandé que des « consignes » soient données par le gouvernement pour que les « violences à l’encontre des jeunes » qui manifestent contre la réforme des retraites « cessent immédiatement ».
A Montreuil, un lycéen a été blessé par un tir de flash-ball. « Au moment où les jeunes se mobilisent de plus en plus nombreux contre le projet gouvernemental sur les retraites, il est important plus que jamais de les écouter et de les entendre », estime la députée de Seine-Saint-Denis.

Aujourd’hui, poursuite de la discussion sur l’article 8, qui applique aux fonctionnaires les principes généraux de la réforme. « Notre pays compte 5 millions d’agents au sein des trois fonctions publiques. Certains estiment qu’il serait temps que les collectivités locales cessent de recruter, indique Josiane Mathon-Poinat, sénatrice de la Loire. Tous les néolibéraux pensent qu’il y a trop de fonctionnaires et nous assistons au plus hallucinant plan social, justifié par la langue de bois de la RGPP. Quand vous parlez maîtrise des dépenses publiques, les fonctionnaires traduisent : suppressions de postes, augmentation de la productivité et contraction des rémunérations. Les fonctionnaires, on les aime, mais on leur fait payer la réforme des retraites et la réduction des déficits publics. M. le ministre estime que cette réforme est juste et équilibrée, mais parce qu’elle va chercher dans la poche des fonctionnaires l’argent que vous vous refusez de prendre dans celle des entrepreneurs. »

Fait inédit depuis la création de la seconde chambre du Parlement, un préavis de grève est déposé par le syndicat des fonctionnaires du Sénat, pour le 19 octobre, reconductible qui plus est. Les agents du Sénat protestent contre une réorganisation des services internes du Palais du Luxembourg et contre l’interdiction de manifester à l’intérieur du Sénat, une décision prise par le président Gérard Larcher à la suite des initiatives spectaculaires du groupe CRC-SPG, comme le déploiement d’une banderole dans l’hémicycle où sous les lambris de l’immense salle des Conférences. Il ne manquait plus que cela : les sénateurs communistes et du Parti de Gauche déclencheurs de grève à l’intérieur même du Palais !

A suivre

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