Pourquoi toute année d’espérance de vie gagnée devrait-elle être transformée en année travaillée ?

Je voudrais dire mon opposition tant à la mesure proposée qu’à son postulat économique.

J’aimerais croire que cet article n’est pas la conséquence des exigences européennes. Pourtant, tout nous conduit à penser que cette réforme, lorsqu’on la compare aux attentes de nos concitoyens, constitue la contrepartie promise par la France à la Commission européenne en échange du répit de deux ans accordé sur le déficit de la France.

Madame la ministre, vous contestez cette réalité et justifiez l’allongement de la durée de cotisation par le déséquilibre financier de la CNAV et par l’allongement de l’espérance de vie, un peu comme si, contrairement à ce que nous affirmions ensemble en 2010 aux côtés des salariés, il fallait que toute l’espérance de vie gagnée soit transformée en temps travaillé ; ou un peu comme si, pour combler le déficit des comptes sociaux, il n’y avait d’autre solution que de faire payer les salariés, soit en allongeant leur durée de cotisation, soit en réduisant leurs pensions.

Et pourtant, malgré les sommes a priori colossales dont il est question ici, et qui inquiètent légitiment nos concitoyens, il faut admettre que le déficit de la branche vieillesse, comme celui de la sécurité sociale dans son ensemble, est non pas structurel, mais conjoncturel.

C’est bien la crise et les destructions massives d’emplois qui l’accompagnent qui creusent le déficit de la sécurité sociale. Selon l’économiste Henri Sterdyniak, « sans la crise, le système de prestation retraite et chômage serait excédentaire de 6 milliards ».

Cette crise a, par ailleurs, été aggravée sous le poids terrible des politiques d’austérité qui sont menées en France et en Europe, au point que, entre 2011 et aujourd’hui, notre dette publique, au lieu de baisser, a crû dans des proportions importantes, passant de 85,9 % à 91,7 % du PIB.

Dans le même temps, alors que l’avenir de nos retraites serait remis en cause en raison des déficits de la branche vieillesse, vous continuez à priver cette dernière des quelque 30 milliards d’euros de cotisations sociales qui partent en fumée chaque année, sous la forme d’exonérations de cotisations sociales pour les employeurs.

Comme si, subitement, ces sommes colossales, qui participent à la destruction de l’emploi et à la pression sur les salaires, n’étaient plus indispensables au financement des retraites.

Comme si le retour à la retraite à 60 ans pour toutes et tous ne dépendait ni de ces exonérations ni même de la taxation des revenus financiers que vous ne cessez de repousser.

Comme si, au final, il n’y avait pas d’autre choix que de faire payer les salariés.

Avec mes collègues du groupe CRC, nous refusons cette analyse. En fonction du sort qui sera réservé à cet article après la mise aux voix des amendements de suppression, nous vous ferons peut-être la démonstration que des solutions de substitution solidaires et durables existent, afin de passer d’une réforme injuste, car elle est essentiellement supportée par les salariés, à une réforme qui soit tout à la fois efficace pour réduire les déficits, durable dans le temps et juste dans ses effets.

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