Une sécurité juridique et financière pour les salariés

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, bien que se résumant à un article unique et n’abordant qu’un aspect juridictionnel, apporte aux salariés qui décideraient de prendre acte de leur rupture du contrat de travail une sécurité juridique et financière indispensable à leur démarche.

D’une manière générale, le grand public connaît trois modes de rupture du contrat de travail : deux d’entre elles sont historiques, la démission et le licenciement, tandis que le troisième, à savoir la rupture conventionnelle, est plus récent.

Pourtant, il existe une autre façon de mettre fin au contrat de travail, antérieure à la rupture conventionnelle, que les juristes ont d’ailleurs qualifiée de « rupture du troisième type ». Toutefois, cette procédure est d’abord et avant tout une construction jurisprudentielle, puisque la première référence à ce mode de rupture du contrat de travail remonte à une décision de la Cour de cassation du 25 septembre 2002.

Concrètement, la prise d’acte de rupture du contrat de travail marque la fin du lien contractuel à l’initiative du salarié en raison de faits que ce dernier reproche à son employeur.

En fait, le salarié tire les conséquences du non-respect des obligations contractuelles de l’employeur pour mettre fin au contrat qui les lie. Pour faire reconnaître la légitimité de cette prise d’acte de rupture, le salarié doit saisir le conseil des prud’hommes, instance qui – ce n’est un secret pour personne ! – connaît des délais de traitement particulièrement longs, ce qui est la conséquence de l’augmentation du nombre des saisines et de l’insuffisance en moyens et en personnels que connaissent les juridictions sociales.

En effet, le fait que ce soit le salarié qui mette un terme au contrat de travail induit une « présomption de démission » qui, jusqu’à l’issue de la procédure, le prive de toute possibilité d’indemnisation. Si le juge reconnaît qu’il s’agit d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail, celle-ci produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.

On le comprend aisément, les délais peuvent être très longs entre le moment où le salarié enclenche la procédure de la prise d’acte de rupture et celui où le conseil de prud’hommes « valide », en quelque sorte, cette dernière. Durant ce laps de temps, le salarié s’expose donc à une période d’insécurité financière, qui peut constituer un frein à ses démarches.

Afin de remédier à ces difficultés, cette proposition de loi prévoit, à juste titre, de s’inspirer de ce qui existe déjà pour les demandes de requalification des CDD en CDI, à savoir le renvoi de la demande de qualification de la prise d’acte directement devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans le délai d’un mois suivant la saisine, ce qui, mécaniquement, accélère la procédure.

Le groupe CRC votera cette proposition de loi, même si nous doutons, compte tenu de l’engorgement actuel des juridictions sociales, que les conseils de prud’hommes puissent réellement statuer dans un délai d’un mois, notamment en région parisienne et dans les grandes agglomérations.

Les conseils de prud’hommes ont plus que jamais besoin de voir leurs moyens renforcés et d’être mieux dotés en greffiers, notammment.

Qui plus est, madame la secrétaire d’État, notre inquiétude n’a jamais été aussi vive au sujet du sort que vous entendez réserver aux conseillers prud’homaux élus, auxquels vous envisagez de substituer des conseillers nommés. Notre groupe, par la voix de sa présidente, Éliane Assassi, a déjà eu l’occasion d’interpeller le ministre du travail à ce sujet ; le courrier que nous lui avons adressé le 2 avril dernier est resté sans réponse à ce jour.

Le projet du Gouvernement de supprimer à terme les élections prud’homales est à la fois injuste, inefficace pour asseoir la légitimité des représentants des salariés et juridiquement incertain.

Les salariés de notre pays sont attachés à l’institution prud’homale et aux élections qui lui correspondent ; celles-ci, malgré le faible taux de participation, ancrent la démocratie sociale dans notre pays et c’est une démarche qu’il convient de renforcer.

Cette institution, madame la secrétaire d’État, vous comprendrez qu’il nous paraisse nécessaire, non pas de l’affaiblir, mais au contraire de lui donner une pertinence encore plus grande, comme le permet la présente proposition de loi. Il faut ainsi actionner, en lien avec le Conseil supérieur de la prud’homie, tous les leviers propres à favoriser la participation des salariés aux élections prud’homales !

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