Lois

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Encore une fois, les citoyens restent cantonnés dans un rôle purement secondaire

Application de l’article 11 de la Constitution (deuxième lecture) -

Par / 12 juin 2013

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les projets de loi organique et ordinaire dont nous abordons la discussion visent à permettre la mise en application des modifications apportées à l’article 11 de la Constitution par la révision du 23 juillet 2008.

À l’époque, cette révision constitutionnelle a été présentée comme l’aboutissement d’une réflexion visant à impliquer de manière significative les citoyens dans le processus législatif, et, ce faisant, à rapprocher ces derniers de la prise de décision.

Outre la complexité de mise en œuvre de cette procédure, que les précédents orateurs ont soulignée, on ne peut manquer de constater que, dans les faits, le citoyen reste cantonné dans un rôle purement secondaire.

La réalité est donc bien différente de l’ambition affichée : « Un référendum portant sur les sujets déjà encadrés par la Constitution pourrait ainsi être organisé sur l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits. »

D’emblée, je tiens à opérer quelques mises au point.

Tout d’abord, je ne peux que rappeler à mon tour, comme je l’ai déjà fait en première lecture, qu’il ne s’agit nullement d’une nouvelle forme de consultation populaire d’initiative populaire, mais bien d’une nouvelle forme d’initiative parlementaire soutenue par le droit de pétition, dans la mesure où le recueil des soutiens ne pourra intervenir qu’après le dépôt de la proposition par un cinquième des parlementaires.

Ainsi, la représentation nationale donne l’impulsion et les citoyens n’interviennent de manière que secondaire, en soutien à l’initiative parlementaire. Ce n’est donc pas un nouveau pas vers la démocratie participative. Je note, au passage, que ce constat met significativement en lumière le leurre employé par Nicolas Sarkozy lors de la révision du 23 juillet 2008 : cette réforme était présentée comme une démocratisation profonde de nos institutions, de nouvelles dispositions, dont celle-ci, étant censées introduire une nouvelle forme d’initiative populaire !

Ensuite, la procédure définie s’apparente à une véritable course d’obstacles entravant l’organisation de ce référendum.

Premier obstacle, ce dispositif impose un grand nombre de parlementaires pour déposer une proposition de loi devant le Conseil constitutionnel, à savoir un cinquième de la représentation nationale. L’actualité le prouve, un tel ratio n’est pas si facile à atteindre. Faute de quoi, nous aurions déjà adopté le droit de vote pour les résidents extracommunautaires ! (Mme Hélène Lipietz applaudit.)

Deuxième obstacle, la proposition de loi référendaire doit être soutenue par un nombre élevé d’électeurs inscrits, c’est-à-dire par près de 4,5 millions de personnes.

Pour m’être penchée sur la question, je souligne que tous les observateurs ont noté le caractère rédhibitoire de ces deux conditions réunies, surtout au regard du délai prévu pour recueillir les soutiens, et même quel que soit le délai proposé.

Mes chers collègues, ceux qui connaissent la vie politique de notre pays – et nous sommes censés la connaître – savent bien que réunir autant de signatures, y compris sur formulaire « papier » comme le propose maintenant notre commission et non plus exclusivement par voie numérique, est extrêmement difficile au regard des délais imposés. Du reste, ce n’est pas qu’une question administrative, ce n’est pas qu’une question de délais !

En effet, le seuil fixé est totalement disproportionné. Pour s’en convaincre, il suffit de se livrer à une brève comparaison avec les seuils, nettement inférieurs, choisis par les pays voisins : 500 000 signatures pour 60 millions d’habitants en Italie, 3 % des électeurs en Belgique ou 50 000 signatures pour 8 millions d’habitants en Suisse.

De plus, compte tenu du nombre élevé de parlementaires requis, cette procédure ne pourra être mise en œuvre que sur l’initiative ou avec l’accord des grands groupes parlementaires,…

M. Jacques Mézard. Eh voilà !

Mme Éliane Assassi. … seuls en mesure de recueillir ces signatures. Ce dispositif exclut donc de facto les minorités politiques, et partant une partie du peuple. Est-ce là l’avancée démocratique promise ? Permettez-moi d’en douter !

Qui plus est, à ces conditions drastiques s’ajoute un contrôle du Conseil constitutionnel qui, d’emblée, limitera l’initiative parlementaire, si du moins une telle initiative voit le jour, ce dont vous me permettrez de douter.

Notre discours ne présente pas la moindre ambiguïté : nous avons dénoncé le caractère manipulateur, pour ne pas dire « truqueur » de ce projet de loi. J’ai donc du mal à comprendre comment la gauche, aujourd’hui, peut faire sienne cette réforme, au regard de ses limites démocratiques relativement évidentes.

Les sénateurs et sénatrices du groupe CRC sont partisans d’une profonde réforme des institutions faisant la part belle à l’initiative citoyenne.

Toutes les études le montrent, et nos discussions avec nos concitoyens nous permettent de le constater : la fracture entre représentants et représentés est réelle et, malheureusement, elle continue à s’accentuer. L’éloignement et l’éparpillement des centres de décision creusent encore ce fossé. Si l’on peut parfois avoir l’illusion d’une meilleure information et d’une grande réactivité grâce aux réseaux sociaux, la réalité est bien celle-là. Croyez-en la militante que je suis !

Nous devons nous atteler à un véritable renouveau démocratique, quitte à convoquer – j’ose employer de grands mots ! – une véritable Constituante.

Sans être friande de cette terminologie, je souligne que la « démocratie participative » – nommons-la ainsi pour l’heure – doit être traduite dans la Constitution. En effet, elle doit s’appliquer à l’élaboration des lois, à la mise en œuvre des grandes politiques publiques et à la gestion des collectivités territoriales, notamment au moyen de budgets dits « participatifs ».

Il faut désormais faire preuve d’ambition et écouter avec courage la colère qui monte des quartiers, des villes et des campagnes dévastés par la crise. C’est une évidence !

Les deux textes que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, destinés à préciser les grandes étapes de cette procédure, ne changent évidemment rien à la donne sur le fond. Ni la procédure proposée à l’article 11 de la Constitution ni, en conséquence, les textes d’application dont nous débattons ne répondent aux exigences démocratiques.

En conséquence, vous l’aurez compris, nous ne pourrons que voter contre ces textes, dont chacun s’accorde à dire qu’ils ne seront jamais appliqués – cherchez l’erreur ! Nous continuerons à réclamer l’ouverture d’un véritable débat sur l’avenir de nos institutions, sur la profonde rénovation de ces dernières et sur la place de l’initiative populaire et citoyenne en leur sein.

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