Les courriers officiels

Une « agression institutionnelle » qui ne doit pas se reproduire

Recours au vote bloqué -

Par / 22 avril 2013

Monsieur Jean-Pierre BEL
Président du Sénat

Monsieur le Président,

L’utilisation par le gouvernement de la procédure du vote bloqué prévue par l’article 44-3 de la Constitution, samedi 20 avril à l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, suscite questions et interrogations.

Est-il conforme à l’esprit de la Constitution d’utiliser l’article 44-3 pour interrompre le débat dès le début d’une discussion parlementaire ?
A l’origine, cet article a été prévu pour ramener dans le droit chemin une majorité gouvernementale en désaccord, puis il a été utilisé dans la pratique à l’encontre de l’opposition quand les débats devenaient trop longs au goût du pouvoir en place.

Dans la pratique, le vote bloqué n’intervenait qu’après de longs débats comme à l’occasion du projet de loi sur les retraites en 2010.

Invoquer cet article de la Constitution moins de 48 heures après le début de la discussion des articles du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi est excessif, constitue une mise en cause grave du droit d’amendement et porte atteinte de ce fait aux prérogatives parlementaires.

Monsieur le Président, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont alerté depuis de longues semaines le gouvernement et les partenaires de la majorité sénatoriale à laquelle ils appartiennent sur leur volonté de manifester fortement leur opposition à ce texte et leur détermination à mener le débat approfondi qu’un texte jugé « historique » par le Ministre du Travail lui-même nécessite. La volonté d’imposer un accord social à la représentation nationale, donc à la nation, sans débat réel, est contraire à la Constitution et à l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Le gouvernement a choisi de précipiter les débats à l’extrême : adoption du texte à l’Assemblée nationale le 9 avril, examen en Commission des Affaires sociales au Sénat le 11 avril et en séance publique le 17 avril, avec un délai de dépôt des amendements le 15 avril.

Le gouvernement avait décidé dès le départ d’utiliser le samedi 20 avril pour clore les débats au plus vite, alors que, je le rappelle, une telle accélération n’avait pas été prévue pour le projet de loi relatif au mariage de personnes du même sexe.
A l’annonce du dépôt de nombreux amendements par notre groupe, mais aussi par d’autres, il a « ouvert » la séance le dimanche.

Cela, Monsieur le Président, s’appelle une marche forcée, méthode que nous avions ensemble maintes fois critiquée sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
C’est donc le gouvernement et ceux qui l’ont soutenu dans cette erreur, qui ont pris la responsabilité de l’impasse dans laquelle le Sénat s’est trouvé samedi dernier.
Le temps nécessaire n’avait pas été accordé au Sénat pour débattre d’un texte de cette ampleur.

La seule solution fut donc de faire violence à une composante importante de la majorité sénatoriale, le deuxième groupe en effectif, en empêchant le débat sur les amendements présentés sur ce texte.

Doit-on comprendre que dorénavant, le pouvoir exécutif ne supportera plus la moindre volonté du Parlement de débattre au-delà du périmètre qu’il a précédemment défini et d’utiliser des procédures lourdes, constitutionnelles, pour imposer ses choix ?

Monsieur le Président, je vous demande donc de réunir dans les meilleurs délais la Conférence des Présidents pour examiner les conditions des débats à venir sur les projets de loi importants inscrits à l’ordre du jour d’ici le mois de juillet, je pense en particulier au projet de loi relatif à l’école et surtout, à celui relatif aux métropoles, premier volet de l’Acte III de décentralisation.

Monsieur le Président, je mets l’accent aujourd’hui, sur le fait que le temps imparti pour l’examen de ce projet de loi n’est pas suffisant.

Notre groupe, et nous ne serons pas les seuls, déposera de très nombreux amendements et approfondira cette discussion qui engage l’avenir de l’architecture institutionnelle de notre pays, ainsi que l’avenir des collectivités territoriales.

Le gouvernement a-t-il déjà décidé d’avoir recours au vote bloqué sur ce texte ? La question se pose aujourd’hui.

Vous comprendrez, Monsieur le Président, qu’après la véritable « agression institutionnelle » dont a été victime l’un des groupes de la majorité sénatoriale, de votre majorité, le temps doit être pris pour qu’un tel acte de mépris du gouvernement à l’égard du Parlement ne se reproduise plus.
Dans l’attente, je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée.

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