Ce texte relève d’un impératif démocratique urgent

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi fait consensus : c’est un sujet technique et pratique, circonscrit à l’assemblée de Guyane, mais permettant d’assurer le bon fonctionnement de cette institution démocratique.

Ce texte relève d’un impératif démocratique urgent, car ses dispositions ont vocation à s’appliquer aux prochaines élections, prévues pour le mois de mars 2021. Si le calendrier des municipales a été particulièrement bousculé en Guyane, ces élections pourraient y être maintenues, et le rapport de Jean-Louis Debré conseille de réaliser une évaluation spécifique pour cette collectivité.

Plus que d’adapter le nombre de conseillers au regard de l’évolution démographique en Guyane, ce texte propose d’inscrire dans la loi les règles de calcul pour définir leur nombre et les répartir, afin de ne pas avoir à passer par une nouvelle loi, alors que le second seuil de 299 999 habitants pourrait être rapidement dépassé, amenant le nombre de conseillers à soixante et un. Le représentant de l’État établira cette répartition avant chaque échéance électorale en suivant les règles fixées dans la loi, pour le nombre de conseillers de chacune des huit sections comme pour la prime majoritaire.

Si la vitalité démographique de la Guyane nous amène à faire évoluer la représentation de cette collectivité, nous regrettons qu’elle ne soit pas également à l’origine de l’augmentation des moyens fléchés vers la Guyane.

En dix ans, la population y a augmenté de 10 %, avec un taux de natalité de 26,4‰, soit plus du double des autres départements français. Cela a des conséquences sur le quotidien des Guyanais en termes d’infrastructures, de services publics et plus globalement de qualité de vie. Les défis auxquels la Guyane se trouve confrontée sont considérables ; monsieur le ministre, nous avons regretté l’insuffisance des crédits de la mission « Outre-mer » du budget pour 2021, quand ce n’est pas leur sous-consommation.

La situation sanitaire en Guyane est alarmante. L’épidémie a révélé les défaillances structurelles du système de santé, aggravées par la pauvreté et la précarité de la population. Alors que 45 % de la population guyanaise vit dans un désert médical, le manque d’anticipation a été de mise face à la non-prise en compte de ces réalités, et la population en paye le prix. Pourtant, en 2017, les mouvements de protestation guyanais alertaient sur l’état déplorable des hôpitaux, le manque de personnel ou encore la vétusté des réseaux d’approvisionnement d’eau.

L’étude réalisée cet été par des associations, le centre hospitalier et l’ARS de Guyane chiffre le niveau d’insécurité alimentaire qui existe dans certains quartiers : deux ménages sur cinq ont eu une alimentation insuffisante sur une semaine, plus de 80 % ont souffert de la faim dans le mois et la crise a dégradé le budget des ménages, qui, pour la moitié, disposent de 30 euros ou moins sur une semaine pour nourrir l’ensemble d’un ménage. Pour reprendre les mots de Solène Wiedner-Papin, directrice de la santé publique de l’ARS : « Les données sont effrayantes. »

L’évolution de la population joue également sur la jeunesse guyanaise, puisque les moins de 20 ans représentent 40 % de la population ; c’est le deuxième département le plus jeune de France, après Mayotte. Tout comme pour la santé, la collectivité figure au 123e rang mondial pour l’éducation, accusant un écart inacceptable avec la métropole. Les jeunes sont les premiers touchés par la pauvreté, renforcée par l’actuel ralentissement économique, dans une collectivité où une personne sur cinq est touchée par l’illettrisme et où les écoles sont saturées dès la maternelle. Chez les 25-29 ans, seuls 58 % des Guyanais sont en activité, contre 86 % en métropole. Le manque de diplômés et d’attractivité de la Guyane a aussi des effets sur la pénurie de personnels de santé.

La Guyane n’a pas attendu la crise pour souffrir de tels maux. Des investissements considérables sont attendus, notamment dans le secteur public.

Nous voterons cette proposition de loi, car c’est un texte de bon sens, mais nous souhaitions saisir cette occasion pour rappeler que les institutions démocratiques ont peu de consistance sans une égalité de droits et sans justice sociale pour les citoyennes et les citoyens.

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