Ce texte s’inscrit dans la ligne des lois sécuritaires dérogeant au droit commun

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en abordant l’examen en nouvelle lecture d’un texte dont les mesures nous sont désormais, hélas, plus que familières, je dois vous faire part de l’inquiétude doublée d’amertume que nous ressentons au sein de notre groupe, nous qui, comme d’autres, sommes mobilisés pour lutter contre le terrorisme et le risque terroriste dans notre pays et au-delà de nos frontières.

Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité d’une multitude de lois sécuritaires, dérogatoires au droit commun, votées sans véritable évaluation préalable des dispositifs existants, de leur nécessité et de leur efficacité.

En votant ce projet de loi, mes chers collègues, vous pérenniserez les dispositifs issus de la loi SILT, c’est-à-dire des dispositifs semblables à des assignations à résidence et à des perquisitions contrôlées par l’administration qui, contournant la procédure judiciaire et les droits de la défense, ont des conséquences particulièrement lourdes pour les personnes visées, jugées sous couvert d’un motif flou, celui de leur « dangerosité ». Je pense notamment aux Micas, l’un des points d’achoppement ayant conduit à l’échec de la commission mixte paritaire.

Madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, vous êtes pourtant d’accord sur la philosophie globale de ce genre de mesures. En réalité, quels que soient l’issue de ce texte et les micro-aménagements sur lesquels vous vous entendrez en pérennisant toutes ces mesures, vous faites le choix d’opérer un tournant radical en matière de police administrative, inspiré par un principe de précaution incompatible avec nos principes démocratiques, fondés sur un droit pénal d’interprétation stricte.
Concernant le volet renseignement, ce projet de loi consacre ce qui émergeait déjà dans la loi de juillet 2015 relative au renseignement, qui avait été déférée devant le Conseil constitutionnel par François Hollande lui-même : l’extension du champ des activités du renseignement et la légalisation de techniques de surveillance intrusives, en parallèle d’un maintien à distance de l’autorité judiciaire.

Avec l’ensemble de ces techniques, le Gouvernement se dote d’un arsenal de surveillance de masse. Pourtant, je vous le redis, nos concitoyennes et concitoyens ne veulent ni renoncer à leur liberté individuelle ni échanger leur vie privée contre un État sécuritaire sans faille, illusoire.

Nous nous interrogeons toujours sur l’utilité de ces mesures de durcissement de l’arsenal répressif et administratif antiterroriste, alors même que notre législation en la matière est déjà substantielle.

Nous avons par ailleurs appris, dans un journal du soir – comme on dit –, qu’un rapport confidentiel du Gouvernement sur la surveillance numérique, remis aux membres de la DPR, montrait que l’utilisation des algorithmes – les boîtes noires – n’avait permis d’atteindre aucun objectif opérationnel, et ce alors même que vous ne cessez de nous expliquer que toutes les mesures prises en matière de renseignement sont absolument efficaces et nécessaires pour le travail de nos services de renseignement.

Je le redis ici, nous considérons pour notre part que, s’il y a lieu de réformer le renseignement, c’est pour accroître ses personnels et non pour recourir de façon irrationnelle et déraisonnable à des techniques de surveillance massive qui n’ont jamais fait la preuve – l’actualité le démontre – de leur efficacité en matière de lutte contre le terrorisme.

Pour toutes ces raisons, auxquelles j’ajoute l’article 19 sur lequel la commission mixte paritaire a trouvé un accord, mais dont nous persistons à dire qu’il tourne le dos à la communauté des historiens, des scientifiques et des archivistes, je réaffirme notre opposition déterminée à ce projet de loi. Nous défendrons de nouveau notre point de vue en présentant quelques amendements sur les articles restant en discussion qui nous semblent les plus problématiques.

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