Il fallait redonner son véritable sens à l’article 432-12 du code pénal

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me semble utile de dire d’emblée que la proposition de loi sur laquelle nous sommes invités à nous prononcer n’a pas pour objet de revenir sur l’incrimination, qui est nécessaire.

Les élus qui manquent à leur devoir de probité doivent être sanctionnés, et la loi pénale doit garantir aux citoyens le respect de ce devoir. Toute confusion entre l’intérêt propre d’un élu et l’intérêt public doit donc être lourdement sanctionnée.
Toutefois, pour que la loi pénale joue pleinement son rôle de garde-fou, elle doit être parfaitement intelligible. Or force est de constater que, avec l’interprétation que lui donne actuellement la chambre criminelle de la Cour de cassation, cet objectif est loin d’être atteint.

L’article 432-12 du code pénal sanctionne « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».

Pour préciser le champ d’application de cet article, la chambre criminelle a, au fil de sa jurisprudence, donné une interprétation toujours plus extensive de la notion d’« intérêt quelconque ».
Sanctionnant d’abord la prise d’un intérêt personnel, l’article 432-12 du code pénal sanctionne actuellement les élus « agissant dans l’intérêt communal en dehors de tout intérêt personnel apparent ».

Au mépris du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, la Cour de cassation a donc choisi de donner une interprétation de plus en plus extensive à la notion d’ « intérêt quelconque ».
Comme l’a relevé un analyste, « où s’arrête le soupçon lorsqu’il n’est nul besoin d’établir l’intention ni le profit ? »
En glissant de l’intérêt personnel à l’intérêt moral, la chambre criminelle empêche toute délimitation précise du délit dont peuvent se rendre coupables les élus.

Les premières victimes de cette dérive jurisprudentielle ont été des élus municipaux de la ville de Bagneux, condamnés pour avoir participé au vote de subventions à des associations qu’ils présidaient.

Ainsi, aux termes de l’arrêt de la Cour de cassation d’octobre 2008, qui confirme l’arrêt de la cour d’appel de Versailles condamnant ces élus, « l’intérêt, matériel ou moral, direct ou indirect, pris par des élus municipaux en participant au vote des subventions bénéficiant aux associations qu’ils président entre dans les prévisions de l’article 432-12 du code pénal ; qu’il n’importe que ces élus n’en aient retiré un quelconque profit et que l’intérêt pris ou conservé ne soit pas en contradiction avec l’intérêt communal ».
Les élus ont pourtant fait valoir qu’ils n’avaient pris aucun intérêt distinct de l’intérêt général dans la mesure où les associations servaient des objectifs d’intérêt communal et qu’ils n’avaient perçu aucune rémunération. Toutefois, cet argumentaire n’a pas convaincu la chambre criminelle. Il est donc pour le moins choquant que, en l’absence de tout profit personnel, les élus soient quand même condamnés.

La jurisprudence actuelle représente une épée de Damoclès au-dessus de la tête de chaque élu. Il est donc temps de rendre à l’article 432-12 du code pénal son véritable sens. C’est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi.

Retour en haut