Les rappels au règlement
L’amalgame entre le premier syndicat de France et les casseurs n’est pas acceptable
Loi Travail -
Par Éliane Assassi / 15 juin 2016Les manifestations d’hier pour le retrait de la loi Travail ont été énormes. D’aucuns évoquaient un baroud d’honneur et un essoufflement du mouvement ; ce fut une grande démonstration de force : une foule de salariés venus de toute la France, déterminée et joyeuse, les dockers, les cheminots, les salariés de la métallurgie et de centaines d’entreprises moyennes, des jeunes, des citoyens ont manifesté pacifiquement avec une grande détermination.
La réponse du pouvoir est terrible. M. Valls, puis le Président de la République ont franchi un pas grave, ce matin, en mettant clairement en cause le droit de manifester, reconnu par la Constitution. Le Président de la République a confirmé qu’il envisageait d’interdire les manifestations lorsqu’il y a présomption d’atteinte aux biens et aux personnes.
M. Jean-Claude Luche. Il a raison !
Mme Éliane Assassi. L’amalgame entre le premier syndicat de France et les casseurs n’est pas acceptable. Les organisateurs des manifestations d’hier et des précédentes n’ont jamais eu pour objectif d’atteindre les biens et les personnes. Présumer cela, comme le font le chef de l’État et le Premier ministre, est une insulte…
Mme Françoise Gatel. Oh !
Mme Éliane Assassi. … pour la CGT, pour FO, pour toute l’intersyndicale et pour les centaines de milliers de salariés qui sont venus manifester pacifiquement.
M. Jean-Claude Luche. Pensez aux Français !
Mme Éliane Assassi. Le comportement du Président de la République et du Premier ministre est dangereux pour la démocratie (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.), et il va indéniablement jeter de l’huile sur le feu. Il s’agit là du discours irresponsable d’un pouvoir qui perd son sang-froid, car il se sait minoritaire dans l’opinion, y compris dans son propre camp.
Le refus de toute négociation avec l’intersyndicale et la non-prise en compte de l’avis de la CFE-CGC relèvent d’une fuite en avant porteuse de lourds dangers pour le climat politique et social de notre pays.
Nous entamons aujourd’hui le débat sur le cœur du projet de loi.
Madame la ministre, nous estimons que les propos de MM. Hollande et Valls sont extrêmement graves et qu’ils ne permettent pas de poursuivre sereinement ce débat. Il serait temps, vraiment grand temps, de suspendre cette discussion et d’entamer de vraies négociations. Cessez de nous affirmer que votre porte est ouverte ; à l’évidence, vous refusez par avance toute évolution du texte.
Le Sénat ne peut débattre sereinement et exercer son rôle de législateur cet après-midi. Je demande donc une suspension de séance de dix minutes pour que la commission des lois et la commission des affaires sociales puissent donner, à la reprise, leur sentiment sur cette situation gravissime.