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Proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques

Par / 21 juin 2022

Un « phénomène tentaculaire ». C’est ainsi que la commission d’enquête du Sénat a qualifié l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.

Des cabinets comme Accenture, Bain, BCG, Capgemini, Eurogroup, EY, McKinsey, PwC, Roland Berger, Sopra Steria ou Wavestone, pour ne citer que les plus connus, interviennent sur des pans entiers des politiques publiques, souvent en lieu et place des fonctionnaires.

La commission d’enquête a documenté de nombreux exemples concrets, s’appuyant sur 4 mois de travaux, 40 auditions et l’analyse de 7 300 documents : la crise sanitaire, les États généraux de la justice, la mise en oeuvre de la réforme des APL, la gestion des radars routiers, l’évaluation de la stratégie nationale de santé, le rapport de McKinsey sur l’avenir du métier d’enseignant (496 800 euros pour un travail dont le ministère de l’Éducation nationale indique « qu’il n’est pas possible de déterminer les conséquences directes »), la convention des managers de l’État organisée par le BCG et EY (558 900 euros pour un événement finalement annulé dans le contexte des « gilets jaunes »), etc .

Au terme de ses travaux, achevés 16 mars 2022, la commission d’enquête du Sénat a mis au jour quatre difficultés : l’opacité, le foisonnement incontrôlé, la dépossession de l’État et les risques déontologiques non maîtrisés.

L’opacité : l’État ne dispose pas d’une vision globale de ses prestations de conseil, qui restent le plus souvent inconnues des citoyens mais également des fonctionnaires. C’est par exemple en lisant le rapport de la commission d’enquête que les agents de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ont découvert l’intervention de McKinsey pour « moderniser » leur établissement en vue de la réforme (pourtant avortée) des retraites et pour un montant de 957 674,20 euros.

Ce climat d’opacité est alimenté par la discrétion des cabinets de conseil, qui souhaitent rester en coulisse ou « behind the scene » pour reprendre une expression utilisée par l’un d’entre eux pendant la crise sanitaire. Il peut même leur arriver d’utiliser le sceau de l’administration pour rédiger leurs livrables, ce qui ne semble pas choquer le Gouvernement : comme l’a déclaré l’ancien ministre de la santé devant la commission d’enquête, « si vous aviez voulu [les] documents estampillés McKinsey présents dans le dossier, vous auriez trouvé une feuille blanche ».

Les promesses de transparence du Gouvernement tardent à se concrétiser depuis la conférence de presse qu’il a organisée, dans l’urgence, le 30 mars 2022, soit quinze jours après la publication du rapport de la commission d’enquête. À date, la liste des prestations de conseil toujours en cours demeure inconnue, tout comme leur coût ou les livrables de cabinets.

Le foisonnement incontrôlé : si le recours aux consultants n’est pas nouveau, il est devenu un réflexe. Au quotidien, les consultants jouent à la fois le rôle d’experts (pour apporter des compétences dont l’administration ne disposerait pas), d’arbitres (pour « départager » des administrations en désaccord ou légitimer une réforme auprès de la population, voire même des agents) ou de pompiers de service (pour répondre en urgence aux priorités politiques du moment).

L’État et ses opérateurs ont ainsi dépensé plus d’un milliard d’euros en prestations de conseil en 2021, ces dépenses ayant plus que doublé depuis 2018. La crise sanitaire n’est que le sommet émergé de cet iceberg : elle représente moins de 3 % des dépenses de conseil des ministères en 2020 et 2021.

Au plan sectoriel, le conseil en stratégie et en organisation (hors informatique) de l’État a été multiplié par 3,7 entre 2018 et 2021 ; le conseil en stratégie des systèmes d’information par 5,8. Cinq ministères concentrent près de 85 % des dépenses : l’Intérieur, Bercy, la Défense, l’Environnement et la Santé.

Le recours aux cabinets de conseil représente également un coût pour les finances publiques : une journée de consultants revient en moyenne à 1 528 euros TTC et peut même dépasser les 3 000 euros pour les plus grands cabinets.

Sur le plan juridique, il n’a jamais été aussi facile pour l’État et ses opérateurs de commander des prestations de conseil : les accords-cadres, comme ceux de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) ou de l’UGAP, offrent à l’administration un vivier de consultants, dans lequel il est aisé de « piocher ». Une fois signés, les accords-cadres se transforment en « boîtes noires » : les bons de commande ne sont pas publiés et restent « sous les radars », ce qui renforce le climat d’opacité.

Face à ce foisonnement des prestations de conseil, la circulaire du Premier ministre, signée le 19 janvier 2022 - soit le matin même de l’audition par la commission d’enquête de la ministre de la transformation et de la fonction publiques - ne constitue qu’un mur de papier.

La dépossession : en multipliant le recours aux consultants, l’État donne le sentiment qu’il « ne sait plus faire », alors qu’il peut compter sur une administration dévouée et sur près de 2,5 millions de fonctionnaires attachés à leur métier et à une certaine idée du service public.

Des missions stratégiques sont « déléguées » à des prestataires privés, pourtant dépourvus de légitimité démocratique. Les cabinets de conseil disposent ainsi d’une influence croissante sur la prise de décision, comme la commission d’enquête a pu le documenter : les scénarios qu’ils proposent sont le plus souvent « orientés » ou « priorisés », ce qui réduit la marge de manoeuvre de l’administration mais également du politique.

Une relation de dépendance peut même s’installer entre l’administration et ses consultants, en particulier dans le conseil en informatique, l’État manquant cruellement d’informaticiens.

L’État perd aussi la maîtrise de ses données, qu’il confie aux cabinets de conseil pour la réalisation de leurs prestations. L’accumulation de données par les consultants est d’ailleurs valorisée : ils peuvent proposer des parangonnages, ou benchmarks , clefs en main et dans un délai record, ce qui renforce la relation de dépendance.

Au quotidien, les consultants sont chargés de « transformer » l’administration, en utilisant des méthodes disruptives (post-it, gommettes, serious games , etc .), souvent mal vécues par les fonctionnaires. Tel est le cas à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), où il est fait appel à des cabinets de conseil pour réduire le délai de traitement des demandes d’asile. Un agent de l’Ofpra déclare ainsi : « j’ai l’impression que nous sommes régulièrement infantilisés » par les consultants, « le vocabulaire de la start-up nation me semble peu approprié à notre mission de service public ».

Dans le même temps, les efforts de pilotage et d’évaluation des prestations de conseil demeurent insuffisants. Les évaluations par les ministères, quand elles existent, restent sommaires.

Pourtant prévues par le droit de la commande publique, les pénalités ne sont jamais appliquées. À titre d’exemple, comment expliquer que Capgemini ait été payé 280 200 euros pour une mission sur le handicap, alors que sa prestation a obtenu la note de 1/5 de la part de la DITP et que l’évaluation constate une valeur ajoutée « quasi-nulle, contre-productive parfois » des consultants, ainsi qu’une « absence de rigueur sur le fond comme sur la forme » ?

Les risques déontologiques non maîtrisés : l’intervention des cabinets de conseil peut « légitimement susciter des inquiétudes en matière de déontologie », comme l’a souligné M. Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), devant la commission d’enquête.

D’une part, les consultants conseillent simultanément plusieurs clients, dont les intérêts peuvent être divergents.

En l’absence de déclaration d’intérêts, l’État ne connaît pas la liste de leurs clients. Il s’en remet donc à la confiance qu’il porte à ses cabinets de conseil pour prévenir d’éventuels conflits d’intérêts. La confiance n’exclut pourtant pas le contrôle...

D’autre part, les cabinets recrutent d’anciens responsables publics (« pantouflage ») pour renforcer leur légitimité auprès de leurs clients et s’implanter plus facilement dans le secteur public. Le recrutement d’anciens fonctionnaires peut même devenir un argument de vente, comme l’a constaté la commission d’enquête.

Enfin, les actions de démarchage et de prospection commerciale des cabinets de conseil sont abondantes, comme l’a confirmé M. Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP : « c’est perturbant mais c’est la réalité ! Ces cabinets demandent rendez-vous, font des offres, viennent se présenter. Ils sont par ailleurs organisateurs ou sponsors de beaucoup de séminaires et de conférences ».

Des cabinets proposent même des services gratuits ( pro bono ) pour renforcer leur réseau de clientèle et se rendre indispensables aux yeux de l’administration et du politique. À titre d’exemple, cette stratégie du « pied dans la porte » a conduit les consultants à organiser « bénévolement » des sommets pour l’Élysée comme le Tech for Good (McKinsey, 2018 et 2019), le Choose France (BCG, entre 2020 et 2022) ou le Scale-Up Europe (Roland Berger, 2021).

Le recours « tous azimuts » aux consultants appelle à des mesures fortes pour que l’État reprenne le contrôle de ses politiques publiques.

C’est l’objet de notre proposition de loi transpartisane, qui met en oeuvre les 19 recommandations de la commission d’enquête. Si la plupart sont d’ordre législatif, d’autres relèvent du pouvoir réglementaire ou de stipulations contractuelles et donc du Gouvernement, comme la rationalisation des accords-cadres (proposition n° 4 de la commission d’enquête) ou l’avis conforme de la DITP pour toute prestation de conseil de plus de 150 000 euros (proposition n° 5).

Notre proposition de loi ne remet pas en cause le professionnalisme des consultants, qui peuvent apporter un appui utile à l’administration, sur des besoins bien définis en amont. Elle vise néanmoins à renforcer l’encadrement de leurs prestations et à les rendre plus transparentes, pour limiter l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques et éviter les dérives mises en lumière par la commission d’enquête

Le chapitre Ier définit les prestations de conseil au sens de la proposition de loi.

L’ article 1 er précise le périmètre du texte, qui concerne l’État, ses opérateurs, les autorités administratives et publiques indépendantes (AAI-API) et les hôpitaux. Les collectivités territoriales et leurs établissements publics en sont exclus, en cohérence avec les travaux de la commission d’enquête.

Les prestations de conseil sont définies au sens large (en incluant le conseil en stratégie, en organisation, en informatique), de même que les notions de prestataires de conseil (personnes morales de droit privé, dont bien entendu les cabinets de conseil, ou entrepreneurs indépendants) et de consultants (personnes physiques réalisant les prestations). Le conseil interne à l’administration n’est pas concerné.

Cet article 1 er pose également le principe selon lequel les prestataires de conseil et les consultants n’ont pas vocation à prendre des décisions administratives. Leur rôle se limite à proposer plusieurs scénarios aux administrations bénéficiaires, s’appuyant sur des informations factuelles et non orientées.

Le chapitre II renforce les obligations de transparence, pour en finir avec l’opacité des prestations de conseil.

L’ article 2 fixe des règles d’intervention aux prestataires de conseil et aux consultants, mettant ainsi en oeuvre la proposition n° 2 de la commission d’enquête :

 Obligation d’indiquer son identité lors de leurs interventions, en s’inspirant du droit applicable aux représentants d’intérêts ;

 Interdiction d’utiliser les sceaux, timbres, cachets et marques de l’administration, pour éviter toute confusion entre le service public et les fonctionnaires, d’une part, et les consultants, d’autre part ;

 Mention de l’intervention des consultants sur les documents auxquels ils ont participé.

L’article 3 crée un document budgétaire recensant les prestations de conseil commandées par les administrations bénéficiaires au cours des cinq dernières années (proposition n° 1 de la commission d’enquête).

Annexé chaque année au projet de loi de finances (PLF), ce document préciserait notamment l’objet, la date et le montant de la prestation, ainsi que le cabinet prestataire.

L’ article 4 prévoit que les informations du document budgétaire sont présentées de manière standardisée, pour faciliter leur analyse.

Ces informations seraient publiées en données ouvertes ( open data ).

Elles figureraient également dans le rapport social unique de l’administration bénéficiaire, pour que les représentants des fonctionnaires puissent en débattre (proposition n° 3 de la commission d’enquête).

Pour rendre les accords-cadres plus transparents, l’article 4 dispose que les bons de commande des prestations ou l’acte d’engagement des marchés subséquents sont publiés en données ouvertes.

Le chapitre III vise à mieux encadrer le recours aux consultants.

L’article 5 interdit les prestations de conseil à titre gratuit (pro bono), mettant ainsi en oeuvre la proposition n° 14 de la commission d’enquête.

Le mécénat, financier ou de compétences, resterait autorisé, dans les limites fixées par l’article 238 bis du code général des impôts. Comme aujourd’hui, il ne pourrait concerner que les domaines suivants : philanthropie, éducation, sciences, social, humanitaire, domaine sportif ou familial, culture ou défense de l’environnement naturel.

L’article 6 pose le principe selon lequel toute prestation de conseil doit faire l’objet d’une évaluation par l’administration bénéficiaire (proposition n° 7 de la commission d’enquête).

Cette évaluation présenterait le bilan de la prestation (liste des livrables, apport des consultants, pénalités infligées aux prestataires, etc .), les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l’administration et les conséquences de la prestation sur les politiques publiques.

Elle serait publiée en données ouvertes.

L’article 7 impose aux consultants d’employer la langue française dans leurs échanges avec l’administration et la rédaction de leurs documents, en cohérence avec la proposition n° 8 de la commission d’enquête.

Au besoin, les documents des consultants pourront être traduits dans une autre langue, en complément de la version française.

Ces dispositions s’inspirent directement de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite « Loi Toubon ».

L’article 8 invite les ministères à cartographier les compétences dont ils disposent en interne et dans le cadre interministériel et à élaborer un plan de réinternalisation pour mieux les valoriser et moins recourir aux cabinets de conseil (proposition n° 6 de la commission d’enquête).

Chaque ministère rédigerait un rapport en ce sens, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi puis tous les cinq ans, afin d’assurer le suivi des actions mises en oeuvre. Il pourrait compter sur l’appui de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).

Ce rapport serait transmis au Parlement mais également au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, afin d’en informer les représentants des fonctionnaires.

Le chapitre IV renforce les exigences déontologiques imposées aux cabinets de conseil et aux consultants.

La section 1 vise à mieux lutter contre les conflits d’intérêts.

L’article 9 dispose que les consultants réalisent leurs prestations avec probité et intégrité. Ils veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts.

Avant chaque prestation, l’administration, le cabinet de conseil et les consultants s’engageraient sur un code de conduite, précisant les règles déontologiques applicables et les procédures mises en oeuvre pour les respecter (proposition n° 11 de la commission d’enquête).

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) disposerait ainsi d’une nouvelle mission de contrôle des prestations de conseil (proposition n° 9).

La HATVP aurait un rôle préventif, en amont de ses capacités de sanction (voir infra ) : elle pourrait être saisie d’une demande d’avis déontologique par l’administration, les cabinets de conseil ou les consultants. Ses avis permettraient ainsi de « guider » les parties prenantes et de répondre à leurs interrogations concrètes.

Pour prévenir les conflits d’intérêts, l’article 10 impose aux cabinets de conseil et à leurs sous-traitants, d’une part, et aux consultants, d’autre part, de remettre une déclaration d’intérêts en amont de leur intervention, portant sur les intérêts détenus au cours des cinq dernières années (proposition n° 12 de la commission d’enquête).

La déclaration d’intérêts des cabinets de conseil et de leurs sous-traitants comporterait la liste de leurs clients intervenant dans le même secteur que la prestation de conseil. Dans un souci d’exhaustivité, ces informations couvriraient également les filiales et la société-mère des prestataires.

La déclaration d’intérêts des consultants comprendrait la liste de leurs activités professionnelles et de leurs intérêts dans ce même secteur (autres clients, participations financières ou dirigeantes, etc .), leurs activités bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts, leurs fonctions ou mandats électifs et les activités professionnelles de leur conjoint, de leur partenaire de PACS ou de leur concubin.

Ce dispositif s’organiserait de façon décentralisée : les déclarations d’intérêts seraient transmises à l’administration bénéficiaire, qui saisirait la HATVP en cas de doute.

Le modèle, le contenu et les modalités de mise à jour et de conservation des déclarations d’intérêts seraient fixés par décret en Conseil d’État, après avis de la HATVP et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

L’article 11 assure la transparence des actions de mécénat des cabinets de conseil mais également de leurs actions de démarchage ou de prospection commerciale (propositions n os 13 et 15 de la commission d’enquête).

Ces actions devraient être déclarées auprès de la HATVP, qui assurerait leur publication en données ouvertes. Pour le mécénat, les cabinets de conseil préciseraient le montant des dons et versements qu’ils ont effectués, les ressources humaines qu’ils ont mobilisées ainsi que les contreparties qu’ils ont reçues de la part de l’administration.

Les articles 12 à 14 adaptent l’organisation et les prérogatives de la HATVP pour qu’elle puisse exercer sa nouvelle mission de contrôle des prestations de conseil.

L’article 12 précise les modalités de saisine de la Haute Autorité en cas de manquement aux règles déontologiques des prestataires de conseil et des consultants.

Dans une telle situation, la HATVP pourrait être saisie par l’administration bénéficiaire de la prestation, un syndicat de la fonction publique, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou une association anticorruption agréée par la HATVP. La Haute Autorité pourrait également s’autosaisir.

La HATVP disposerait de moyens d’investigation renforcés, incluant :

 la communication de documents et l’audition de toute personne dont le concours lui paraît utile ;

 des vérifications sur place, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD). Cette autorisation ne serait toutefois pas requise pour accéder à des locaux à usage professionnel entre 6 heures et 23 heures.

Seul pourrait être opposé à la HATVP le secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de la sécurité des systèmes d’information.

Si elle constate un manquement aux règles déontologiques, la Haute Autorité adresserait une mise en demeure à l’intéressé, qu’elle pourrait rendre publique afin de renforcer son effet dissuasif auprès des cabinets de conseil et des consultants. Elle en informerait l’administration bénéficiaire.

L’article 13 crée une amende administrative de 15 000 euros maximum pour tout manquement aux règles déontologiques des prestataires de conseil et des consultants (persistance d’un conflit d’intérêts, absence de déclaration d’intérêts, entrave à l’action de la HATVP, etc .). Cette amende pourrait être rendue publique.

Comme l’a souligné la Haute Autorité dans son rapport d’activité pour l’année 2020, les sanctions administratives paraissent en effet plus efficaces que les sanctions pénales pour réprimer ce type de manquements, notamment parce qu’elles permettent d’agir plus rapidement et de publier la liste des mis en cause.

Pour assurer l’impartialité de la procédure et conformément à la jurisprudence constitutionnelle, il convient de séparer l’instruction et l’engagement des poursuites administratives (président de la Haute Autorité), d’une part, et le prononcé des sanctions (commission des sanctions), d’autre part.

L’article 14 institue, en conséquence, une commission des sanctions au sein de la HATVP.

Composée de trois magistrats, cette commission devrait respecter le principe du contradictoire tout au long de la procédure. Elle établirait son règlement intérieur, qui préciserait ses règles de fonctionnement et les conditions dans lesquelles elle peut être assistée de rapporteurs dans l’exercice de ses missions.

L’article 15 exclut de la commande publique, pour une durée maximale de trois ans, les cabinets de conseil et les consultants qui seraient sanctionnés par la HATVP pour des manquements aux règles déontologiques (proposition n° 10 de la commission d’enquête).

Le droit communautaire autorise une telle exclusion lorsque « l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité », ce qui serait le cas en l’espèce.

Il est procédé, au sein du code de la commande publique, aux coordinations nécessaires pour l’application outre-mer de cette disposition.

La section 2 vise à mieux encadrer les « allers-retours » des fonctionnaires et des consultants entre l’administration et les cabinets de conseil.

Au regard des risques déontologiques soulevés, l’article 16 prévoit un contrôle systématique de la HATVP lorsqu’un responsable public part exercer une activité de consultant dans le secteur privé (« pantouflage ») ou lorsqu’un consultant rejoint l’administration (« retropantouflage ») (proposition n° 16 de la commission d’enquête).

En application du droit commun de la fonction publique, la HATVP pourrait rendre un avis de compatibilité, d’incompatibilité ou, cas qui resterait sans doute le plus fréquent en pratique, de compatibilité avec réserves. Cet avis lierait l’administration et l’agent intéressé, qui auraient l’obligation de le respecter 17.

Lorsqu’un responsable public devient consultant, il devrait désormais rendre compte de son activité à la HATVP à intervalles réguliers (au moins tous les 6 mois) et sur une période de 3 ans (proposition n° 17 de la commission d’enquête). Cette précaution vise à s’assurer que l’avis de la Haute Autorité est bel et bien respecté, en particulier pour les réserves qu’elle a formulées.

Le chapitre V tend à mieux protéger les données de l’administration et à réduire les risques de « captation » de ces dernières.

L’ article 17 vise à contrôler l’utilisation des données collectées par les cabinets de conseil (proposition n° 18 de la commission d’enquête).

Il pose un double principe :

 d’une part, les données collectées auprès de l’administration ou des tiers avec qui le prestataire et les consultants échangent pour les besoins de la prestation sont utilisées dans le seul objectif d’exécuter cette dernière. Toute utilisation pour une autre finalité demeure interdite ;

 d’autre part, le prestataire et les consultants suppriment ces mêmes données dans un délai d’un mois à l’issue de la prestation.

Par nature, ces exigences ne s’appliquent pas aux données que l’administration a elle-même publiées et qui sont donc accessibles à tout un chacun.

En cas de doute, l’administration pourrait saisir la CNIL pour qu’elle puisse diligenter un contrôle auprès du prestataire et des consultants concernés 18. Pour plus d’efficacité, ce contrôle porterait sur l’ensemble des données collectées par les cabinets de conseil et les consultants, et pas uniquement sur les données à caractère personnel.

L’article 18 vise à s’assurer de la sécurité des systèmes d’information des cabinets de conseil (proposition n° 19 de la commission d’enquête).

Il prévoit que l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) établit un référentiel d’audit des systèmes d’information des cabinets de conseil et certifie les tiers indépendants qui pourront conduire cet audit.

Pour obtenir un contrat de la commande publique, les cabinets de conseil devraient produire une attestation démontrant que cet audit a bien été réalisé.

Le chapitre VI applique la proposition de loi aux prestations de conseil en cours.

L’article 19 met en oeuvre cet objectif, qui revêt un caractère rétroactif.

À titre transitoire, les cabinets de conseil et l’administration disposeraient d’un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi pour s’accorder sur un code de conduite déontologique. Quant aux premières déclarations d’intérêts, elles seraient transmises dans un délai de trois mois.

Le renforcement des contrôles sur les « allers-retours » entre l’administration et les cabinets de conseil s’appliquerait aux avis rendus par la HATVP à compter de la promulgation de la loi.

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